Évolution du management de projets

Une réflexion sur le management des projets de R&D est pertinente dans une économie où l’industrie s’est construite et renforcée grâce au succès des politiques publiques et/ou des stratégies d’entreprise en matière de R&D. Une discussion sur le concept de R&D s’impose pour comprendre l’évolution et la place de cette activité dans l’entreprise. Deux approches se sont distinguées, l’une sépare chronologiquement deux activités alors que l’autre les intègre dans un même système. Ces deux visions ont influencé les modèles de gestion des projets de R&D. Cependant, une déclinaison des différentes caractéristiques permettra de spécifier davantage un projet de R&D.

Spécificités conceptuelles

La R&D dans son acception traditionnelle a longtemps séparé la recherche et le développement. Cette distinction ancienne a de manière progressive disparu et a laissé la place à une intégration des deux phases dans un même système de gestion. Cette nouvelle approche a un impact considérable sur les nouveaux modèles de management de projets de R&D dans lesquels on note une intégration de l’ensemble des efforts pour développer un environnement créatif pour la recherche, mais également, pour orienter la mise en marché de nouveaux produits et processus.

Distinction des deux concepts: recherche et développement

Dans un exercice de clarification du concept R&D, Saad et al (1992) ont séparé les deux concepts: la recherche et le développement. Selon ces auteurs, le concept « recherche » est défini comme une approche systématique permettant de développer des connaissances nouvelles afin d’améliorer notre savoir et notre compréhension. Le concept « développement » met en jeu l’évolution des concepts de produits ou de procédés à travers un processus établi pour les tests, et la préparation à l’application commerciale.

Dans le même ordre d’idées, Gesleir (1995) distingue la recherche du développement. Dans sa définition, l’auteur considère que la recherche se conçoit comme étant la recherche fondamentale et appliquée. En effet, selon Gesleir (1995), la « recherche fondamentale » est une recherche qui fait progresser les connaissances scientifiques, cependant elle n’a pas d’objectifs commerciaux spécifiques. La « recherche appliquée » est une recherche dirigée vers l’acquisition de connaissances dont la compréhension est nécessaire dans la détermination des moyens par lesquels un besoin reconnu et spécifique peut être satisfait. Le « développement » se définit comme une utilisation systématique de la connaissance dont la compréhension issue de la recherche est orientée vers la production de matériaux, de dispositifs utiles, des systèmes ou des méthodes, y compris la conception et le développement de prototypes et procédés.

Lenfle (2004: 2) rejoint la logique définitionnelle de Saad et al. (1992) et Gesleir (1995). Il met l’accent sur l’amalgame créé par la généralisation du concept R&D pour désigner les activités de conception de nouveaux produits ou procédés. La recherche « renvoie à une problématique totalement différente puisque l’enjeu est ici de produire des connaissances à partir de problèmes définis en interne ou en externe ». Alors que l’enjeu du concept développement consiste à « coordonner les interventions des différentes fonctions de la firme pour concevoir, produire et commercialiser un produit/service, dont les caractéristiques sont clairement définies, en respectant des contraintes de coût, de qualité et de délai » (Lenfle,2004: 2).

Intégration des deux concepts dans un projet de R&D

Godin a réalisé une étude en 2006 dont l’objectif était de retracer l’histoire du concept de R&D. Dans cette étude, l’auteur identifie trois étapes de l’intégration du concept de développement en tant que catégorie de la R&D. La première période correspond à la conception du développement sous forme d’une série ou d’une liste d’activités sans étiquette. Dans la deuxième étape, le développement est identifié comme tel à travers la création d’une sous-catégorie de la recherche, parallèlement à la recherche fondamentale et la recherche appliquée. Lors de la troisième période, le développement devient une catégorie à part, parallèlement à la recherche. Cette étape a donné l’acronyme usuel: la R&D.

À partir de cette étude, Godin (2006) définit la R&D comme un ensemble d’activités regroupant la recherche fondamentale, la recherche appliquée et le développement. La « recherche fondamentale » permet de mener une enquête sur les lois fondamentales et les phénomènes de la nature et de compiler et d’interpréter les informations sur leur fonctionnement. La « recherche appliquée » constitue une suite logique d’un programme prévu dans le but d’atteindre un objectif précis et pratique (un résultat final préconçu). Elle utilise les résultats de la recherche fondamentale ou exploratoire et les applique sur un processus spécifique, un matériel, ou un dispositif. Le « développement » constitue une application améliorée de la technologie, un essai, une évaluation d’un processus, d’un matériel, ou d’un appareil issu de la recherche appliquée. Elle comprend l’ingénierie, la conception, les usines pilotes, les tests et les études de marché.

Dans sa définition de la R&D, United Nations Educational, Scientific and Cultural Organisation (UNESCO) met l’accent sur tous les travaux de créativité entrepris de manière systématique afin de développer les connaissances, mais aussi leur utilisation. L’organisme résume la notion de R&D en ces mots: « research & experimental development (R&D) comprise creative work undertaken on an systematic basis in order to increase the stock of knowledge, including knowledge of humanity, culture and society, and the use of this stock of knowledge to devise new applications » (UNESCO, 2010: 6).

Dans leur définition du concept de R&D, Saad et al (1992) ont identifié une typologie de R&D: incrémentale, radicale et fondamentale. La R&D incrémentale consiste à une application intelligente des connaissances avec un délai de commercialisation qui n’excède pas 2 ans. La R&D radicale, quant à elle, a pour vocation l’acquisition d’un résultat pratique à partir de connaissances scientifiques existantes, mais insuffisantes avec un Time to Market (TTM) ne dépassant pas 7 ans. La R&D fondamentale est quant à elle une exploration scientifique et technologique de l’inconnu avec un TTM de 4 à 10 ans et plus.

La stratégie québécoise de la recherche et de l’innovation (SQRI) 2010-2013, marque une différence nette entre la R&D et l’innovation. Selon elle, la recherche et développement (R&D) représente un processus qui combine des ressources humaines et matérielles. Cette approche a pour but d’accroître la somme des connaissances, y compris la connaissance de l’homme, de la culture et de la société, ainsi que l’utilisation de ces connaissances pour créer de nouvelles applications. Quant à l’innovation, elle consiste en de nouvelles ou meilleures façons de faire des choses ayant de la valeur. Les inventions ne deviennent des innovations qu’une fois mises en œuvre de façon pertinente. L’innovation existe sous plusieurs formes: l’innovation de procédés, l’innovation de produits, l’innovation sociale et l’innovation organisationnelle.

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Selon l’OCDE (2002: 87-89). Un projet de R&D est composé de « la recherche fondamentale, de la recherche appliquée et du développement expérimental ». L’activité de recherche fondamentale recouvre l’ensemble des travaux expérimentaux qui sont entrepris plus exactement dans le but d’une acquisition de nouveaux savoirs à travers l’observation des faits et phénomènes, sans perspective d’application. Elle tente de décomposer des propriétés, des structures et des relations dans l’objectif d’une formulation des hypothèses, théories et lois. Ces résultats sont souvent publiés dans des revues scientifiques.

L’activité de recherche appliquée est composée de travaux originaux menés dans une logique d’acquisition de nouvelles connaissances. Contrairement à la recherche fondamentale, elle est davantage orientée vers l’application et la pratique. Elle est entreprise afin de caractériser les possibilités d’utilisation des résultats de la recherche fondamentale ou de déterminer de nouveaux modèles ou méthodes approuvant l’atteinte des objectifs déterminés. Dans les entreprises, la différenciation entre ces deux activités de recherche se présente habituellement sous forme de projet pour scruter un résultat optimiste acquis dans le cadre d’un programme de recherche fondamentale. Les outputs de l’activité de recherche appliquée se manifestent souvent sous forme de produits ou processus uniques. Ils font l’objet de brevets dans de nombreux cas.

L’activité développement expérimental repose sur des travaux systématiques, bâtis sur l’existence de connaissances établies par la recherche et/ou l’expérience pratique, en vue de faire une innovation de rupture ou incrémentale.

Selon Callon et al. (1995), la R&D est une activité caractérisée par la complexité, sa nature et ses résultats. Pour appréhender un projet de R&D, il faut l’analyser sur trois axes. Primo, il est utile de l’appréhender selon la publication de connaissances certifiées et la valorisation économique des connaissances afin de créer des avantages compétitifs à travers l’innovation. Secondo, il faut l’analyser selon l’atteinte d’objectifs des décideurs publics dans les domaines sanitaire, sécuritaire et social, mais également la formation et la capacitation du personnel industriel dans les compétences agrégées dans les secteurs économique et social. Tertio, il importe également de l’examiner selon la communication et la vulgarisation de l’expertise pour l’aide à la prise de décision.

Pour Jaquet (2003: 245) un projet de R&D est, « par essence, un processus séquentiel, ponctué par des revues de projets. Ces dernières ont pour mission d’évaluer le chemin parcouru, de remettre en cause la pertinence du projet (stop/go), d’en redéfinir les objectifs et les moyens, et de prendre date ».

Comme la plupart des définitions (Gesleir (1995), Godin (2006), Unesco (2010), OCDE (2002)) qui portent sur la recherche fondamentale, la recherche appliquée et le développement, la définition de l’OCDE sera retenue pour les besoins de cette étude. Selon l’OCDE, un projet de R&D se compose de la recherche fondamentale, de la recherche appliquée et du développement expérimental. Elle est claire, opérationnelle et permet d’identifier facilement les activités de R&D.

Table des matières

Introduction générale
Contexte et problématique
1. Contexte de la recherche
1.1. Management des connaissances et leur valorisation
1.2. Évaluation des programmes publics
2. Problématique de la recherche
3. Pertinence sociale et scientifique de la recherche
4. Questions de recherche et objectifs de recherche
Chapitre 1 Évolution du management de projets R&D: spécificités et modèles
1.1. Spécificités conceptuelles
1.1.1. Distinction des deux concepts: recherche et développement
1.1.2. Intégration des deux concepts dans un projet de R&D
1.1.3. Caractéristiques d’un projet de R&D
1.2. Évolution et développement du management de projet de R&D
1.2.1. Évolution du management de projets de R&D
1.2.2. Modèles de management de projets de R&D
Chapitre 2 Performance d’un projet de R&D: selon différentes approches
2.1. Performance des projets selon les approches classiques et critiques
2.1.1. Projet considéré comme un processus: performance analysée sous une perspective technique
2.1.2. Projet considéré comme une structure temporaire: performance analysée sous une perspective organisationnelle
2.2. Approche contingente et multicritères d’analyse de la performance des projets de R&D
2.2.1. Manque de définition claire du concept de performance
2.2.2 Performance d’un projet de R&D
Chapitre 3 Évaluation de la performance des projets de R&D: choix d’un modèle
3.1. Approches d’évaluation des projets de R&D
3.1.1. Typologie de l’évaluation
3.1.2. Approches d’évaluation de projet
3.1.3. Méthodes d’évaluation économique des projets de R&D
3.1.4. Modèles spécifiques d’évaluation de projets de R&D
3.2. Modèle d’analyse de la performance des projets de R&D
3.2.1. Caractéristiques du modèle
3.2.2. Variables du modèle d’analyse de la performance d’un projet de R&D
Chapitre 4 Méthodologie et terrain de recherche
4.1. Méthodologie de la recherche
4.1.1. Position épistémologique aménagée: une intégration de deux logiques
4.1.2. Démarche mixte comme approche de la recherche
4.1.3. Échantillonnage utilisé et profil des participants
4.1.4. Élaboration des outils de collecte
4.1.5. Éthique et déontologie de la recherche
4.2. Terrain de recherche: Centre Québécois de Recherche et Développement de l’Aluminium (CQRDA)
4.2.1. Politiques et stratégies innovatrices au Québec
4.2.2 Centre de liaison et de transfert (CLT)
4.2.3. Centre québécois de recherche et de développement de l’aluminium (CQRDA)
4.2.4. CQRDA comme Terrain d’étude
4.2.5. Population à l’étude
Chapitre 5 Présentation et interprétation des Résultats
5.1. Présentation des résultats
5.1.1. Déroulement de la collecte
5.1.2. Analyse des données et présentation des résultats
5.2. Interprétation et discussion des résultats
5.2.1. Le Management: un déterminant de la performance d’un projet de R&D
5.2.2. Le Time to Market: un déterminant de la performance d’un projet de R&D
5.2.3. Contexte partenarial
5.2.4. Analyse empirique de la performance des projets de R&D
5.2.5. Nouvelle perspective théorique émergente
5.2.6. Implications
5.2.7. Les limites de la recherche
Conclusion générale

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