EVOLUTION DU DROIT MINIER
Les titulaires de titres miniers et leurs rapports avec l’administration des mines et les propriétaires des sols
Au sens strict, l’opérateur minier est titulaire d’un droit de jouissance temporaire sur les gisements incorporés au sol, l’État étant propriétaire exclusif des gisements naturels et artificiels. Le titulaire d’un titre minier d’exploitation est cependant propriétaire des gisements extraits encore appelés produits, du fait de son activité. En même temps qu’il conserve la propriété des dépendances de la mine, c’est-àdire, des installations, constructions et industries érigés pour les besoins de son activité, pendant la période de validité du titre d’exploitation. A la cessation des droits miniers, en l’absence de dispositions formelles du code minier, et à défaut d’une disposition conventionnelle, les différentes installations reviennent, tantôt à l’État, tantôt aux propriétaires du sol, ou aux détenteurs fonciers coutumiers ou d’occupation, selon que les travaux sont déclarés d’utilité publique ou non, par voie d’accession ou par incorporation. L’activité minière engendre souvent des relations entre les titulaires de titres miniers et l’administration des mines (A), et entre les titulaires de titres miniers et les propriétaires des sols (B). A- Les relations des titulaires de titres miniers avec l’administration des mines Les titulaires de titre minier d’exploitation acquièrent la propriété des substances minérales qu’ils extraient392. L’État peut octroyer à une ou plusieurs personnes physiques ou morales le droit d’entreprendre ou de conduire une ou plusieurs opérations minières sur les substances minérales contenues dans le sol et le soussol. Ces personnes physiques ou morales doivent justifier de capacités techniques et financières requises pour mener à bien l’ensemble des opérations minières. A l’instar de ce qui est prévu par le code pétrolier, une convention liant le permissionnaire et l’État devra, dans la majorité des cas, accompagner l’attribution du permis de recherche393 . Le titulaire de titre doit notifier élection de domicile au Sénégal à l’administration des mines et il est accusé réception de la déclaration. Il peut, en outre formuler une demande d’agrément pour lui ou son représentant qui précisera l’identité, la qualité, la profession, l’adresse et toutes autres précisions utiles du mandataire394 . Les autorisations, permis et concessions sont inscrits sur des registres spéciaux. L’administration est chargée de la communication de ces registres aux requérants395. Il faut noter que le permis de recherche est cessible et transmissible sous réserve d’une autorisation préalable par décret, en conseil des ministres. Quant au permis d’exploitation, au-delà de sa cessibilité et de sa transmissibilité, il est amodiable dans les mêmes conditions que les permis de recherche396 . Il s’agit d’une situation dans laquelle le titulaire du titre est soumis à un régime d’autorisation, en ce qui concerne la prospection et de permission ou de concession, en ce qui concerne la recherche et l’exploitation. A cet effet, les correspondances et les requêtes relatives à la réglementation minière sont adressées en triple exemplaire au ministre chargé des mines397 . Toute convention qui confie partiellement ou totalement l’usage des droits du titulaire à un tiers est soumise à déclaration préalable. En cas de non-respect de cette formalité, le ministre chargé des mines peut s’opposer pour des raisons techniques pendant un délai d’un mois. A défaut, la convention est approuvée398 . L’expiration d’un permis de recherche ou d’un permis d’exploitation sans renouvellement ou le renoncement du titulaire à un permis de recherche ou d’exploitation permet de libérer les terrains de tous les droits qui en résultent. Il en est également de même de la renonciation acceptée à une concession ou de l’annulation d’une concession399. L’administration minière reclasse ces terrains dans le domaine de l’État et reprend la jouissance de tous les droits antérieurement attribués au permissionnaire. 393 Exposé des motifs de la loi n°88-06, op. cit. 394 Article 40, ibid. 395 art. 41, ibid. 396 art. 42, ibid. 397 art. 39, ibid. 398 art. 45, al. 3, ibid. 399 art. 43, ibid. Page 126 sur 422 Aussi, l’expiration d’une concession sans renouvellement permet de mettre gratuitement le domaine concédé à la disposition de l’État. Le concessionnaire est libre de toute charge y compris les dépendances immobilières400. La déchéance du concessionnaire permet également de procéder à l’adjudication de la concession et s’il n’y a pas de soumissionnaire, le cas échéant, la concession est annulée. L’administration minière reçoit avant son expiration, la demande de renouvellement ou de transformation d’un titre minier. La validité de ce titre est prorogée tant qu’on n’a pas statué sur ladite demande401. Les permis de recherche et d’exploitation peuvent être annulés et les concessionnaires de mines peuvent être déchus, si l’activité de recherche ou d’exploitation est suspendue ou gravement restreinte sans motif légitime402. De même les infractions pour non versement des taxes et redevances prévues par le régime fiscal en vigueur constituent des motifs de déchéance, tout comme la condamnation pour exploitation illicite ou pour infraction à la réglementation sur les opérations403 minières. Le permis d’exploitation et la concession sont octroyés par décret pris sur le rapport du ministre chargé des mines, après enquête publique destinée à évaluer les conséquences de l’exploitation sur l’environnement et sur les populations404 . Les individus condamnés à une peine d’emprisonnement pour infraction à la réglementation minière et à celle relative aux opérations minérales ne peuvent obtenir valablement ni permis ni concession avant l’expiration d’un délai de trois ans, à partir du prononcé de la condamnation. S’agissant des personnes morales, des conventions d’établissement peuvent être passées entre le Gouvernement et les sociétés titulaires de droits miniers. Elles permettent de garantir la stabilité générale des conditions fiscales, juridiques, économiques propres à assurer le fonctionnement normal de l’entreprise. Celles de longue durée passées entre le gouvernement et une société titulaire de droits miniers fixent les engagements réciproques entre l’État et la société405. Elles peuvent, en outre, comporter des dispositions particulières complétant celles du décret 61-357 ou précisent les conditions de son application. En ce qui concerne les substances précieuses, des arrêtés du ministre chargé des mines peuvent, à la demande de l’exploitant, après enquête effectuée, définir des zones406 de protection. Nul ne peut pénétrer dans une zone de protection ou en sortir si ce n’est par routes ou chemins définis dans l’arrêté d’instruction de la zone. L’accès à l’intérieur de la zone est réservé aux personnes munies d’un permis de séjour ou de circulation délivré par le chef de circonscription administrative407. La circulation, le commerce et le colportage sont réglementées dans les zones de protection, par décret, sans que les limitations ou interdictions ouvrent droit à indemnité. Le rapport entre titulaire de titres miniers et l’administration des mines est aussi visé au niveau des institutions africaines en vue de permettre aux investisseurs l’accès aux ressources, dans les meilleures conditions. Le plan d’implémentation de la vision minière africaine dresse un schéma directeur novateur qui va au-delà de l’amélioration des régimes miniers nationaux, dans le sens d’aider les pays africains à bénéficier au maximum de l’exploitation de leurs ressources minérales. Cette vision se traduit à l’échelle nationale, par la négociation des contrats avec les entreprises afin de générer des revenus équitables de l’extraction des ressources408 . L’administration des mines a pour mission, d’une part, de permettre aux demandeurs de titre minier de pouvoir en acquérir dans les conditions prévues par la législation en vigueur et de sauvegarder les intérêts de l’État et des collectivités dans le cadre des accords, d’autre part. L’administration des mines doit permettre au titulaire de titres de jouir de son titre dans toutes les phases du projet minier. La défaillance des institutions publiques dans la négociation de contrats équilibrés a été constatée par la banque mondiale. En effet, elle constate un déséquilibre entre les grands investisseurs de l’industries extractives et les États africains 409 . 406 art. 48, ibid. 407 art. 49, ibi 409 Diop (M), vice-président de la banque mondiale pour l’Afrique (Discours du 40e anniversaire des Accords de coopération monétaire de la zone franc, 2008), in Pascal Clément Razanakoto, id.
Les relations des titulaires de titres miniers avec les propriétaires des sols
Les régimes miniers rappelés plus haut ne soldent pas totalement la question des relations avec la surface. En effet, pour accéder au sous-sol, et même pour effectuer les travaux permettant d’en identifier le contenu, il faut bien partir du sol. Les gisements ne peuvent être exploités que là où ils sont situés, ce qui pourrait en soumettre l’accès au bon vouloir du propriétaire foncier. Afin de contrôler ce risque, l’État a légiféré sur les relations entre mineurs et propriétaires de la surface. Les lois et réglementations minières ont vocation à régir les relations entre les propriétaires du sol et les titulaires de titres miniers410. Bien souvent, il conviendra également de se référer aux législations foncières nationales afin de déterminer avec exactitude l’ensemble des règles relatives aux droits de l’exploitant sur la propriété foncière. Notons cependant qu’il peut exister un grand décalage entre les législations foncières, parfois anciennes, et la législation minière en constante évolution. Le titre minier n’emporte aucun droit sur la propriété superficielle et n’éteint en aucun cas les droits du propriétaire du sol. Or, l’exercice des droits miniers sur un périmètre donné peut porter atteinte au droit de propriété portant sur ce périmètre. En effet, les titres miniers octroient à leurs titulaires le droit d’exploiter les ressources minérales présentes dans le soussol ; cependant, l’exercice de ce droit suppose que le titulaire puisse accéder à la surface afin de mener à bien les opérations minières. Le titulaire d’un titre minier est alors autorisé à occuper les terrains nécessaires à la poursuite de ses activités. Toutefois, ce droit d’occupation fait l’objet de contreparties au bénéfice du propriétaire du sol. Le Code minier aborde les relations entre titulaires d’un titre minier et propriétaires du sol, sous trois angles : – les conditions de l’implantation d’une mine ou d’une exploration : le Code minier permet de réaliser des travaux miniers ou de mettre en place des servitudes, même en cas de désaccord du propriétaire du sol, dans un cadre juridique similaire à celui de l’expropriation ; – la responsabilité de l’exploitant pour les dommages causés par son activité ; et 410 Lauriol (Th) et Raynaud (E), Le droit pétrolier et minier en Afrique, Éditeur : L.G.D.J ; Collection: Droits africains ; p. 592 ; 2016 Page 129 sur 422 – l’indemnisation du propriétaire du sol pour tout dommage causé par l’exploitant. La recherche et l’exploitation des ressources minérales peuvent être effectuées sur les propriétés foncières d’autrui. Ces opérations font naître des relations entre les titulaires de titres miniers et les propriétaires du sol et entre eux. Cette situation est régie par des dispositions particulières qui confèrent au détenteur de titres miniers de recherche et d’exploitation, une faculté d’exécution tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des titres miniers. En effet, le détenteur du titre minier peut occuper les terrains nécessaires à l’exécution des travaux de recherche et d’exploitation, aux activités connexes et autres411 visés et au logement du personnel affecté aux chantiers. Il peut procéder ou faire procéder aux travaux d’infrastructures nécessaires à la réalisation des conditions économiques normales des opérations liées à la recherche et à l’exploitation412 . Il peut également effectuer ou faire effectuer les sondages et les travaux requis pour l’approvisionnement en eau du personnel, des travaux et des installations. Il peut, enfin, couper ou faire couper les bois nécessaires à ses travaux, utiliser ou faire utiliser, pour les besoins de ses travaux, les chutes d’eau non utilisées ou réservées413 . D’autres activités et travaux peuvent affecter les propriétés privées, en dehors de tous travaux de recherche proprement dits. Il peut s’agir des activités, d’industrie et travaux tels que : l’établissement et l’exploitation des centrales, postes et lignes électriques ; la préparation, le lavage, la concentration, le traitement mécanique, chimique, ou métallurgique des minerais extraits, l’agglomération, la distillation, la gazéification des combustibles. C’est aussi le stockage et la mise en dépôt des produits et déchets ; les constructions destinées au logement, à l’hygiène et au soin du personnel, les cultures vivrières destinées à son ravitaillement ; les installations d’approvisionnement en eau pour le personnel414. L’établissement de toutes voies de communication et notamment les routes, voies ferrées, rigoles, canaux, canalisations, convoyeurs, transporteurs aériens, transporteurs fluviaux ou maritimes, terrains d’atterrissage, l’établissement des bornes repères et des bornes de délimitation. Ces activités et travaux donnant lieu à occupation de terrains doivent être autorisées par décret pris en conseil des ministres, sur proposition du Ministre chargé des Mines. Toutefois, une occupation temporaire dont la durée ne peut excéder six (6) mois est autorisée par arrêté ministériel415. Elle peut être renouvelée une seule fois pour la même durée. Une occupation de longue durée excédant six (6) mois n’est, en principe, jugée recevable que s’il est constaté par un arrêté du Ministre chargé des mines416. Les droits fonciers constatés selon la réglementation en vigueur seront indemnisés. L’indemnité pour le préjudice matériel certain causé aux propriétaires ou occupants des terrains faisant l’objet d’une autorisation d’occupation était déterminée, pour les terrains immatriculés, d’accord parties entre le titulaire de l’autorisation du permis ou de la concession et le détenteur des droits fonciers ; ou à défaut, par le tribunal compétent, dans les mêmes conditions et suivant les mêmes règles qu’en matière d’expropriation pour cause d’utilité publique. Pour les terrains du domaine national, d’accord parties entre le titulaire de l’autorisation du permis ou de la concession et la collectivité locale concernée et à défaut d’accord par une commission418 présidée par le Préfet du département concerné et composée d’un représentant du service régional des Mines, d’un représentant du service régional des Eaux et forêts, d’un représentant du service régional de l’Agriculture, d’un représentant du service régional des Domaines, d’un représentant du service régional du Cadastre, d’un représentant de la Direction de l’Environnement, de deux représentants de la collectivité rurale concernée et de deux représentants du titulaire de l’autorisation du permis ou de la concession. Le titulaire du titre minier est tenu au respect de ces dispositions particulières qui organisent ses rapports avec les propriétaires du sol.
PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESE DE TRAVAIL |