Evolution des propriétés des nuages opaques aux tropiques pendant le 21e siècle

Evolution des propriétés des nuages opaques aux
tropiques pendant le 21e siècle

Les nuages et le climat 

Ce chapitre est composé de 2 parties : les nuages (section 2.1) et le climat (section 2.2).

Les nuages 

Dans cette section, nous allons voir comment les nuages d’eau liquide (section 2.1.1.1) et d’eau solide (section 2.1.1.2) se forment. Ensuite, nous parlerons de la classification des différentes espèces de nuages (section 2.1.2). Dans la section 2.1.3, nous regarderons comment les nuages sont observés à l’aide de télédétection spatiale. La section 2.1.4 décrit la circulation atmosphérique tropicale et la distribution géographique des nuages et dans la section 2.1.5, nous regarderons l’impact des nuages sur le bilan radiatif. 

Formation des nuages 

Nuages d’eau liquide Nucléation

 Dans l’atmosphère, les molécules de vapeur d’eau peuvent se rassembler pour former une goutte d’eau liquide : il s’agit du phénomène de nucléation. On distingue 2 types de nucléation : nucléation homogène et nucléation hétérogène. Nucléation homogène. La nucléation homogène forme des gouttes d’eau « pure », directement à partir des molécules d’eau. La formation d’une goutte d’eau « pure » requiert des énergies très fortes, qui dépendent notamment de la saturation en vapeur d’eau. L’air doit être sursaturé de 300-400% (il doit y avoir 3 ou 4 fois plus d’humidité qu’à 100% d’humidité relative, Houze, 1993). L’humidité relative doit être supérieure à 400% pour que le taux de formation des gouttelettes soit significatif. Or, dans l’atmosphère, la sursaturation dépasse rarement 1% pour la formation de nuages liquides. La nucléation homogène ne joue donc qu’un rôle minoritaire pour la formation des nuages d’eau liquide. C’est la nucléation hétérogène qui entre principalement en jeu pendant la formation de nuages. Nucléation hétérogène. En nucléation hétérogène, les molécules de vapeur d’eau ne vont pas se collecter sur d’autres molécules de vapeur d’eau mais sur la surface de particules d’aérosols. Si la tension de surface entre l’eau et la surface de nucléation est suffisamment faible, le noyau est dit “mouillable” (wettable en anglais) et l’eau peut former une calotte sphérique sur la surface de la particule : on dit que la particule est un noyau de condensation (CCN: Cloud Condensation Nucleus en anglais, Petters and Kreidenweis, 2008). Condensation, évaporation, précipitations. Une fois formées, les gouttes d’eau en suspension peuvent rétrécir par évaporation, ou continuer à grossir par condensation et par coalescence. Plus une goutte d’eau grandit et plus elle est susceptible de tomber sous forme de précipitations.

Nuages d’eau solide

 Particules de glace

 Lorsque la température est plus froide que ~-38°C, le nuage sera composé uniquement de particules de glace. Entre 0°C et ~-38°C, le nuage sera composé de particules de glace, de gouttelettes d’eau surfondue (eau qui demeure liquide à une température inférieure au point de fusion de la glace) et d’un mélange des deux (phase mixte) (Matus and L’ecuyer, 2017). La formation des particules de glace dans les nuages est un peu plus complexe. Nucléation homogène. La nucléation homogène de la glace à partir de la phase liquide est analogue à la nucléation des gouttes à partir de la phase vapeur (Pruppacher et Klett, 1997). Nucléation 9 hétérogène. Il n’y a pas encore de théorie permettant de prévoir de manière rigoureuse la formation des cristaux à partir des aérosols. Néanmoins, on connaît différents processus de nucléation des petits cristaux à partir des aérosols (figure 2.1) :  Nucléation par déposition : des embryons de cristaux se forment directement en phase glacée à la surface des aérosols.  Nucléation par immersion : un aérosol présent dans une gouttelette peut favoriser sa congélation à des températures plus chaudes que pour la congélation homogène des gouttelettes.  Nucléation par condensation : l’aérosol se recouvre d’une pellicule d’eau liquide (formation d’une gouttelette) et la congèle. (même processus que la nucléation par immersion, sauf que la gouttelette est formée directement à température négative)  Nucléation par contact : une gouttelette surfondue entre en contact avec un aérosol et congèle immédiatement.

Les nuages dans un climat en évolution 

Le climat terrestre actuel change. Ce changement a un impact sur la température de surface de la Terre ainsi que sur d’autres facteurs tels que la population mondiale et les écosystèmes (chapitre 1). Nous allons voir, dans la suite de ce chapitre, les différentes origines du réchauffement climatique (section 2.2.2). Nous parlerons de la façon dont nous pouvons prévoir ce changement à l’aide de modèles climatiques ainsi que l’impact de ce changement climatique dans le monde (section 2.2.3) et plus précisément dans la région des tropiques (section 2.2.4). Enfin, nous expliquerons ce qu’est une rétroaction climatique et plus précisément une rétroaction nuageuse climatique (section 2.2.5). 2.2.1 Les forçages climatiques Perturber l’équilibre énergétique de la Terre engendre un changement du bilan radiatif terrestre et une redistribution spatiotemporelle des températures qui font que le climat mondial change. De telles perturbations constituent des forçages, naturels ou anthropiques. Parmi les forçages naturels, les plus importants sont : ● Le forçage solaire, qui provient principalement : o des variations astronomiques de l’orbite terrestre : l’orbite de la Terre autour du soleil oscille et l’inclinaison de son axe varie, ce qui peut changer la quantité d’énergie que la Terre reçoit du Soleil. Ces variations sont dues à trois facteurs fondamentaux (Figure 2.8): ▪ l’excentricité : à mesure que la trajectoire de la Terre subit une déformation en ellipse périodique, la distance Terre-Soleil oscille selon un cycle dont la période est de 100 000 à 413.000 ans ▪ l’obliquité : l’axe de rotation de la Terre n’est pas perpendiculaire au plan d’orbite terrestre, période de 41.000 ans ▪ la précession : la Terre subit un mouvement giratoire avec des périodes de 23.000 à 19.000 ans. o de la variation de l’activité solaire dans le temps : l’énergie qu’envoie le Soleil sur la Terre varie (cycle solaire de 11 ans, Domingos et al., 2017

Les prédictions climatiques

 Pour quantifier de combien exactement la température va augmenter, et comprendre comment le climat terrestre va évoluer, on utilise des modèles climatiques couplés (GCMs : General Circulation Models en Anglais, Washington et Parkinson, 1986; Randall et al., 2019). Ces modèles représentent la circulation générale atmosphérique à des résolutions spatiales assez grossières. De nombreux processus physiques, tels que ceux liés aux nuages, se produisent à des échelles spatiales plus petites et ne peuvent pas être modélisés explicitement. Pour combler ce déficit, on doit représenter ces processus physiques liés aux nuages, sur une plus grande échelle : c’est la paramétrisation. Il s’agit d’une source d’incertitude dans les simulations du climat futur basées sur les GCMs (Visale et al., 2003). En 2013, le 5e rapport du GIEC (IPCC : Intergovernmental Panel on Climate Change en anglais, IPCC, 2014) a présenté un ensemble de scénarios axés sur le niveau de GES dans l’atmosphère à la fin du 21e siècle. Ces scénarios sont appelés RCP (Representative Concentration Pathways). Chaque scénario RCP indique le forçage climatique, exprimé en W/m², qui résulterait du forçage par les GES dans l’atmosphère en 2100 : RCP2.6, 4.5, 6 et 8.5. Dans cette thèse, nous considèrerons le scénario RCP8.5, le plus pessimiste (Riahi et al., 2011). Le 6e rapport du GIEC (IPCC, 2021), récemment publié, utilise les scénarios SSP (Shared Socioeconomic Pathways). Ils démarrent en 2015 et incluent des scénarios avec des émissions de GES élevées (SSP5-8.5 et SSP3-7.0), intermédiaires (SSP2-4.5) et faibles (SSP1-2.6 et SSP1-1.9).

Table des matières

 Introduction
2 Les nuages et le climat
2.1 Les nuages
2.2 Les nuages dans un climat en évolution
2.3 Résumé et questionnements scientifiques
3 Outils, observations et modèles
3.1 Observations et réanalyses
3.2 Modèles de circulation générale et simulateurs
3.3 Conclusion
4 Dynamique atmosphérique et propriétés des nuages opaques dans les Tropiques : climat actuel
4.1 Observations et réanalyses
4.2 Modèles CESM1 et IPSL-CM6
4.3 Origines possibles des différences entre modèles
4.4 Conclusions
5 Dynamique atmosphérique et propriétés des nuages opaques dans les Tropiques : climat futur
5.1 Changements dans l’organisation géographique des propriétés des nuages opaques et des régimes dynamiques
5.2 Changements des propriétés nuageuses opaques et de l’effet radiatif des nuages par régime dynamique
5.3 Changements dans la distribution des propriétés des nuages opaques vs les régimes dynamiques
5.4 Changements dans la distribution de l’effet radiatif des nuages
5.5 Origines dynamiques et thermodynamiques des changements des propriétés nuageuses opaques
5.6 Conclusions
6 Tendances des nuages opaques dans les Tropiques pendant le siècle prochain, et impact d’événements climatiques naturels
6.1 Evolution des propriétés des nuages opaques pendant le 21e siècle
6.2 Impact de la variabilité naturelle : évolutions des propriétés nuageuses opaques lors d’un évènement El Niño
6.3 Conclusions
7 Conclusions et perspectives
7.1 Résumé des chapitres précédents
7.2 Perspectives

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