Evolution des principes de l’autorité éducative
chez des enseignants en EPS
Analyse contextuelle, le concept d’autorité et l’éducation
Depuis longtemps, l’autorité est un élément qui préoccupe énormément d’individus devant diriger ou conduire un groupe de personnes, que ce soit dans le cadre du travail, de la politique, des loisirs ou religieux par exemple. Il s’agit donc d’un caractère typiquement social, légitimé par la structure d’une société. Robert Dahl définit l’autorité comme le pouvoir qu’exerce un individu (seul ou en tant que représentant d’une institution) sur un autre individu, le faisant adopter des comportements, des actions ou même des conceptions qu’il n’aurait pas eu sans lui. (Hunter & Dahl, 1963) Le pouvoir ne consiste donc pas en l’usage de la force, même si dans les esprits les deux sont souvent associés. Le pouvoir de l’autorité peut ainsi être conféré par une institution, mais pas seulement. La nécessité du sentiment d’appartenance est parfois source de conformisme, d’adaptation du comportement. La sociologie, la psychologie, le management et la pédagogie sont autant de domaines scientifiques qui ont été appelés à creuser la question de l’autorité. Débattant des différentes éléments d’influence de l’autorité, les auteurs se sont intéressés notamment à ce qui constitue une autorité, mais également aux multiples effets que peuvent produire différents types d’autorité. Max Weber, lui, distingue 3 types d’autorité que sont l’autorité traditionnelle, légale et charismatique. (Weber, 1992). La première consiste en celle attribuée par les traditions, les habitudes sociales. La seconde serait l’effet des cadres légaux qui régissent notre société. La dernière trouverait son fondement chez la personne porteuse de pouvoir même. On prêterait ainsi à un individu des qualités exceptionnelles. Avec le temps et les recherches, différents types d’autorités en lien avec les fonctions qu’exercent les individus ont été citées par des auteurs provenant de différents courants. Avec le temps, dans le domaine d’enseignement, le paradigme de l’autorité a également évolué, de l’autoritarisme à la séduction, en passant par la coercition. Selon Marchive (Marchive, 2005) l’autorité de l’enseignant repose sur 3 pôles ;La dimension épistémique qui s’explique par l’asymétrie de savoir entre l’enseignant et l’élève, la dimension 4 déontique, qui renvoie au législatif et finalement la dimension charismatique qui est en lien avec les qualités propres de l’enseignant. Toujours selon Marchive, l’autorité de l’enseignant se situerait toujours entre deux pôles extrêmes que sont la coercition et la séduction, la violence et la douceur et celui-ci doit donc savoir jouer plus ou moins avec les 3 fondements de son autorité. En effet, l’autorité épistémique est nécessaire car il faut posséder un savoir à enseigner pour pouvoir le faire, mais également être conscient des capacités de l’élève et pouvoir didactiser son savoir en fonction de la personne à qui on s’adresse. L’autorité déontique est nécessaire car un engagement est indispensable, mais insuffisante car elle ne saurait promettre un engagement plein de l’élève. L’autorité charismatique permet justement un engagement plus intense de l’élève, mais ne suffirait pas à elle seule à garantir un climat de classe favorable à l’apprentissage. En effet, l’autorité n’est qu’une condition parmi d’autres à la gestion de classe, qui n’est elle même qu’une condition parmi d’autres à l’apprentissage. Or, c’est bien en l’apprentissage que consiste le but ultime de la scolarisation, non la gestion de la classe. Ainsi, la possession d’une autorité charismatique ne suffit pas à définir la qualité d’un enseignant, le savoir qu’il possède et sa capacité à le faire apprendre de manière critique et réfléchie est indispensable pour cela. On comprend ainsi tout le paradoxe de l’autorité de l’enseignant, puisque, même s’il est forcé de s’y soumettre, l’élève ne doit pas être assujetti à l’enseignant et doit rester ‘’maître de lui-même’’. Les chercheurs semblent aujourd’hui converger vers une autorité dite ‘’éducative’’. Celle-ci présente justement la particularité de la relation pédagogique en prônant l’autonomisation de l’élève. Ainsi, Robbes énumère différents types d’autorité tels que l’autorité autoritariste, autorité naturelle et autorité charismatique comme étant néfastes à la situation d’apprenant de l’élève (Robbes, 2010). En effet, dans chacun des 3 cas, la finalité reste de soumettre l’élève à ses volontés en engendrant, d’une manière ou d’une autre, ses dépendances. Il critique également cet abandon d’autorité des enseignants qui ne souhaitent plus rencontrer de conflits avec leurs élèves. Robbes propose ainsi une autorité éducative, qui consisterait pour les enseignants à créer des situations d’influences sur ses élèves en créant des conditions pédagogiques. Ainsi, il est non 5 seulement indispensable de posséder un savoir important, mais il est également indispensable de connaître l’histoire de ces connaissances, de pouvoir les contextualiser et pousser ainsi les élèves à travailler sur elles de manière critique. Robbes définit ainsi l’autorité éducative ; « l’autorité éducative est une relation statutairement asymétrique dans laquelle l’auteur, disposant de savoirs qu’il met en action dans un contexte spécifié, manifeste la volonté d’exercer une influence sur l’autre reconnu comme sujet, en vue d’obtenir de sa part et sans recours à la violence une reconnaissance qui fait que cette influence lui permet d’être à son tour auteur de lui-même » (Robbes, 2010). Cette vision d’autorité est reprise et renforcée par plusieurs auteurs. Erik Prairat (Prairat, 2003) reprend notamment la notion d’autorité réaffirmant cinq principes, à ses yeux indispensables, de l’autorité. Pour comprendre qu’est-ce que l’autorité éducative il faut comprendre que 1) l’autorité elle même ne signifie pas pouvoir ; 2) l’autorité est nécessaire ; 3) la relation d’autorité n’est jamais une relation duelle mais elle est toujours triangulaire ; 4) le lien entre « relation d’autorité » et « relation spécifique » ; et 5) il y a un processus d’autorisation. Selon E. Prairat, il y a aujourd’hui une « érosion de l’autorité éducative » qui peut être analysée sous trois angles : sociologique, philosophique et anthropologique. D’un point de vue sociologique, on évoque la disparition d’une école élitiste au profit d’une école ou tous doivent réussir. D’un point de vue philosophique il y a également une avancée des valeurs démocratiques, notamment de la valeur d’égalité qui a indirectement remis en question les relations d’autorité car davantage d’égalité se traduit par une diminution quasi mécanique de l’altérité. La tension entre enseignant/enseigné est aujourd’hui en train de cliver le monde de l’école en deux grands camps. Un premier où l’on peut observer une sanctuarisation de l’école et un deuxième, beaucoup plus réaliste, ou l’école intègre les valeurs très chères comme la liberté et l’égalité. Prairat assigne à l’autorité éducative quatre grandes caractéristiques : 1) il s’agit d’une influence libératrice, 2) c’est une action indirecte 3) une influence délimité dans le 6 temps (temporaire) 4) et elle est indissociable de la reconnaissance (ibid.). La faiblesse et la grandeur de l’autorité reposent dans le fait que pour se déployer comme influence, l’autorité éducative doit être d’abord reconnue par celui-là même qui en sera le bénéficiaire. Tout au long de sa carrière d’enseignant, sa représentation de soi, des élèves et de sa profession évolue. Celle des savoir-faire également (Ndoreraho & S., 1999) (Perez-Roux, 2008). D’une certaine manière, on peut dire que celui-ci voit son autorité et sa façon de l’appliquer évoluer. Durant la carrière d’un enseignant, et avec sa propre personne, l’autorité d’un enseignant évolue. Plus particulièrement, la façon de gérer sa classe évolue pour, semble-t-il, lui coûter moins d’énergie. L’autorité ne peut ainsi pas être uniquement due à la fonction. Certains aspects de la personne représentant la figure d’autorité sont également nécessaires à la conservation de ce pouvoir. La sociologie et la psychologie décrivent de nombreux aspects propres à la personne qui permettent à l’individu d’accroître encore l’adhérence des individus. Pour l’enseignant, outre le pouvoir institutionnel et social, on peut parler de séduction, confiance, culpabilisation, chantage, gestion de l’information, appel à la raison, le savoir. Ainsi, comme l’atteste l’étude de Bonnefoy (Bonnefoy, Chifflet, Pain, & Pare, 1987) certains types d’intervention varie entre des enseignants confirmés et des enseignants stagiaires. Par la suite, nous nous intéresserons justement à ces évolutions.
L’autorité éducative en 16 principes d’action
Définir l’autorité est un exercice complexe. Le caractère flou et parfois arbitrairde ce trait est ainsi défini de manière différente selon le contexte et même le domaine scientifique utilisé. Afin de nous référer à des critères concrets lors de nos analyses futures, nous avons choisi un auteur en particulier pour définir le concept d’une autorité éducative. Le tableau suivant illustre les 16 principes d’actions de portée générale énumérés par Robbes et jetant les bases de l’exercice d’une autorité éducative. Ces principes, parus dans en 2010 dans « Penser et agir l’autorité éducative; Une complexité en acte dans la formation des enseignants… et ailleurs? » nous ont marqué de par leur précision et leur cohérence. L’auteur est aujourd’hui l’un de plus grands experts s’intéressant à la gestion de classe , aux violences en milieu scolaire et bien entendu l’autorité. Conscients de leur caractère arbitraire et discutable selon le contexte, c’est en se basant sur ces principes que nous allons construire notre questionnaire ainsi que notre grille d’évaluation
1. Introduction |