Evolution des pratiques de mobilité
Le déplacement est un objet central pour décrire la mobilité. De plus, pour analyser la mobilité sur un territoire, il faut d’une part observer les évolutions de certains indicateurs en prenant garde à la taille des effectifs dans les enquêtes et à la comparabilité des paramètres du protocole de mesure (périmètre d’étude, …). D’autre part, il s’agit d’en dégager les principaux paramètres permettant d’interpréter les évolutions observées, et particulièrement quelles sont les tendances lourdes qui impactent les pratiques de mobilité. Une analyse plus fine, nécessiterait de compléter cette liste par tous les facteurs qui influencent les indicateurs étudiés. Nous débuterons cette section par les facteurs influençant la mobilité de manière structurelle au travers de l’incidence des mutations sociétales et des mutations de l’assise spatiale. Nous verrons ces effets sur la mobilité et sur son analyse qui nous amènera vers deux exemples d’adaptation des schémas de déplacements réalisés par les individus dans le contexte actuel. En effet, la manière de pratiquer le réseau de transport, de se déplacer et donc la demande varient selon le segment d’individu. Ce constat résulte du fait que l’offre n’est pas perçue, et donc pratiquée de manière homogène sur une population. L’inégalité se creuse avec l’accès à de l’information sur l’état de l’offre au cours du processus de choix des paramètres du déplacement. En effet, la perception de l’offre passe par la connaissance de cette dernière. Ainsi, de nombreux facteurs hétérogènes influencent un déplacement. Cependant, on observe des évolutions dans la structure des déplacements. Ceci peut s’expliquer par des phénomènes simultanés. D’une part, des mutations sociétales redimensionnent le rapport aux territoires, aux activités, aux transports, à l’environnement, à l’espace et au temps. Et d’autre part, on observe le développement des moyens d’accès à une connaissance de l’offre en temps différé et en temps réel. Cette demande en systèmes d’aide à la navigation, en information trafic, informations des opérateurs de transport via différents média (écran, page web, etc.) et l’engouement pour des sites alimentés par des observations des usagers reflète d’une part l’importance des outils de communication dans notre société mais également les besoins des usagers face à une complexification avérée de l’offre de transport. En effet, la diversification de l’offre de transport prend sa source dans une desserte du territoire offrant un plus grand choix de mode (multi-modalité) et dans la possibilité de combiner différents modes lors d’un seul déplacement (inter-modalité). Le principe de chaînage sur lequel repose l’inter-modalité est repris par les usagers pour l’ensemble de leurs déplacements. Ainsi, des déplacements pour motifs différents sont chainés afin d’optimiser les activités de déplacements (VALIQUETTE, août 2010).
Incidences des mutations de la société sur les pratiques de déplacements
Depuis le milieu des années 2000, une rupture dans l’évolution de la mobilité s’opère. En effet, on constate une diminution du nombre de déplacements par jour et par personne. Ce phénomène d’abord observé dans les grandes agglomérations s’étend également aux villes de plus faible densité (CERTU, février 2012). Or, les changements des pratiques de la mobilité Evolution des pratiques de mobilité sont un reflet des évolutions de la société, ainsi nous proposons dans ce paragraphe de citer quelques-unes des mutations de notre société qui ont une incidence directe ou indirecte sur les comportements de déplacements en France.
Incidences des mutations sociétales
Dans notre société, la principale motivation à se déplacer reste celle de se rendre sur son lieu de travail ou d’étude. Ainsi, les mutations des rythmes de travail influencent fortement les déplacements. Parmi les évolutions des rythmes de travail, on peut citer la féminisation des emplois, le travail intérimaire, la flexibilité des horaires, la possibilité de pratiquer le télétravail, une popularisation des journées de travail continues (sans retour au domicile pendant la pause déjeuner) et une mobilité professionnelle croissante (BANOS, et al., 2010). La situation économique du pays et donc des ménages, favorise également une certaine segmentation des déplacements. En effet, les déplacements pour motifs achats et loisirs sont directement corrélés au pouvoir d’achat de la population. De plus, la répartition des déplacements par motif varie avec l’âge. Ainsi, le vieillissement de la population entraine, entre autre, une évolution de la distribution des déplacements selon les motifs. En effet, les jeunes retraités semblent plus mobiles que leurs ainés. Une motorisation plus accessible associée aux progrès de la médecine, permettent à nos ainés de se déplacer plus longtemps, bien que les motifs de déplacements soient différents. La classe des « retraités » est le segment d’usager qui a généré le plus grand nombre de déplacements quotidiens supplémentaires sur les 25 dernières années, soit plus de 2,1 millions de déplacements supplémentaires en Ile-de-France. Cette augmentation résulte de deux effets conjugués, la hausse de la mobilité d’une part et de la progression de l’effectif de la classe retraité de l’autre. A titre d’exemple d’impact sur la mobilité, demandons-nous si les générations « plus automobile » garderont leur habitude à l’âge de la retraite. Ainsi, augmenteront-elles le trafic automobile ? Se pose alors la question des échelles de ces déplacements. En effet, bien que le vieillissement d’une région soit inéluctable, il reste cependant freiné par les migrations des personnes âgées hors des grandes villes et/ou vers des régions méridionales. Ces départs trouvent une compensation par l’arrivée de jeunes adultes dans les bassins d’emploi. Il est donc intéressant de regarder l’impact du vieillissement sur des échelles spatiales différentes. Le vieillissement des habitudes de déplacement est un phénomène d’intérêt notable dans les études de déplacement car la mobilité est de plus en plus acceptée par les générations. Ainsi, les distances moyennes parcourues lors des déplacements tendent à s’accroître. L’étalement urbain, l’amélioration et la diversification de l’offre de transport tant routière que ferroviaire favorisent ce phénomène. Ces évolutions sont toutefois très contrastées selon le mode et surtout selon le type d’activité. En moyenne, les résidents de l’Ile de France ont un temps de trajet domicile-travail d’un peu moins de 40 minutes, et la limite maximum acceptable pour se rendre à son lieu de travail depuis le domicile est de 90 minutes. Il apparait que pour les actifs de plus de 15 ans ayant un lieu d’emploi dans un rayon de 80km autour de leur domicile, la distance moyenne entre le domicile et le lieu de travail est autour de 10km, en province comme en Ile-de-France. Néanmoins un tel trajet correspond à une durée d’en moyenne 34 minutes en Ile-de-France pour 19 minutes en province (HUBERT, 2009). La Figure 12 fait ressortir le besoin de regrouper les notions de distance et de durée en une unité appelée « distance-temps ». Cette unité représente le temps nécessaire pour parcourir une certaine distance via un certain mode de transport. En effet, cette unité sera centrale pour l’usager dans le choix des paramètres de ses déplacements. Généralement, l’unité de distance kilométrique va dimensionner le choix mode.
Incidence des mutations de l’assise spatiale de la société
Les PDU portent sur les améliorations des infrastructures de transport et une modification des schémas de déplacement pour une architecture urbaine déjà en place. Or, les villes actuelles peuvent être qualifiées de discontinues, hétérogènes, multi-polarisées avec des zones de faibles densité (BANOS, et al., 2010). Ainsi, on observe un desserrement des emplois à l’intérieur des pôles urbains en direction des banlieues. Cela implique un maintien de l’attractivité des pôles urbains pour les résidents des couronnes périurbaines. Outre la déconcentration de la population, dont le démarrage se situe au milieu des années 70, l’espace de localisation des activités économiques s’est lui aussi progressivement élargi, témoignant de logiques diverses. Si certains secteurs, comme les commerces de produits de la grande distribution ont suivi la population, d’autres, comme la plupart des industries ont surtout cherché à quitter la zone centrale, pour des raisons de coûts fonciers mais aussi pour profiter d’opportunités en terme de disponibilité et d’aménagement de l’espace. Ce double mouvement qui affecte les localisations induit des conséquences significatives sur les déplacements dans la mesure où il implique un bouleversement de la géographie des lieux d’emploi, d’achats et de loisirs, et donc de nouvelles relations entre les espaces de la ville. Si la zone centrale reste prépondérante, le mouvement de déconcentration des activités du centre de la région, notamment de Paris, vers des zones plus éloignées se poursuit. Cela résulte d’un effet conjugué de la crise économique et des délocalisations d’activités au profit de la périphérie immédiate. Ainsi se posent les questions : comment répondre aux besoins croissants de déplacements de banlieue à banlieue ? La création de nouvelles infrastructures est-elle la seule alternative ? Un besoin d’analyse fine des déplacements internes à la banlieue se fait sentir. En effet, la proposition de solutions optimisées nécessite une compréhension des mécanismes de déplacements.