Exploration de la voie SPS pour la fabrication d’aubes de turbine pour l’aéronautique
SPS
Le fonctionnement du SPS a été décrit précédemment dans le chapitre Bibliographie. Nous nous concentrerons donc sur la procédure suivie lors d’une expérience classique puis nous décrirons les différentes machines utilisées pendant cette thèse. Nous détaillerons ensuite les simulations thermoélectriques employées pour modéliser le champ de température dans l’outillage.
Expérience SPS classique
Outillage en graphite
La première étape consiste à encapsuler la poudre dans un outillage en graphite composé de deux pistons et d’une matrice (fig. II-1). La surface intérieure de la matrice est tapissée d’un film en graphite (appelé Papyex) d’une épaisseur de 0.2mm. Du Papyex est également disposé entre les pistons et l’échantillon. Il favorise le passage du courant et facilite le démoulage en évitant le collage entre l’outillage en graphite et l’échantillon. Un feutre de carbone d’une épaisseur d’environ 5mm est ensuite positionné de manière à recouvrir la surface verticale extérieure de la matrice. Il limite la perte de chaleur par rayonnement et permet ainsi d’obtenir une meilleure homogénéité de la température dans l’outillage. Notons que, lors de l’expérience, le contact entre le feutre et la matrice n’est pas parfait comme schématisé sur la figure II-1. Figure II-1 : Exemple de système de matriçage pour la réalisation d’un échantillon Ø36mm h8mm a) Représentation 3D en coupe,
Représentation 2D en coupe annotée
L’épaisseur des films de Papyex a été exagérée pour les rendre visibles. Ce système de matriçage est ensuite introduit entre deux électrodes en Inconel. De manière à obtenir une réduction de section entre les électrodes et les pistons la plus progressive possible pour éviter des surchauffes locales, des pièces intermédiaires en graphite appelées « spacers » sont positionnées comme montré sur la figure Figure II-2 : Ensemble composé par le système de matriçage, les spacers et les électrodes. Plusieurs géométries d’échantillons peuvent être frittées. Ce sont toujours des cylindres sauf dans le cas où nous avons travaillé sur des formes plus complexes. Classiquement, nous avons utilisé deux dimensions d’échantillons : · Des pastilles d’un diamètre de 8mm et d’une hauteur de 6mm (Ø8h6mm) : Pour explorer les différentes microstructures accessibles avec l’alliage étudié en minimisant le coût matière. · Des pastilles d’un diamètre de 36mm et d’une hauteur de 8mm (Ø36h8mm) : Pour réaliser les éprouvettes nécessaires aux essais mécaniques.
Cycle SPS d’une pastille Ø36h8mm
Les consignes sont la température au point de la surface extérieure de la matrice visé par le pyromètre (comme indiqué par la flèche sur la figure II-2) et la force appliquée. La machine va ensuite fournir le courant électrique nécessaire au respect des consignes. Le frittage a lieu sous vide moyen (environ 10 Pa). La figure I-3 montre l’évolution de la température, de la force et du déplacement des pistons en fonction du temps pendant une expérience de frittage classique d’un échantillon Ø36h8mm. Les consignes sont en traits pointillés tandis que les valeurs mesurées sont en traits pleins. Le pyromètre utilisé pour mesurer la température ne détectant pas les variations de rayonnement en-dessous de 575°C, il n’y a pas de mesure de température durant les cinq ou six premières minutes, soit le temps d’arriver à cette température. La vitesse de chauffage de consigne est de 100°C/min. Trois minutes avant d’atteindre la température de palier, cette vitesse est réduite à 25°C/min pour éviter un dépassement de la température de consigne trop important. La température est ensuite maintenue constante pendant 2min. La pression, quant à elle, passe de 0 à 100MPa en début de cycle et est maintenue jusqu’à la fin du cycle de chauffage. Le déplacement mesuré est la variation de position du piston hydraulique qui se trouve sous l’électrode inférieure.
SPS
SPS (température, pression, déplacement) au cours d’une expérience SPS sur un échantillon Ø36h8mm. Si l’on trace l’évolution de la densité avec la température (fig. II-4), on peut identifier trois stades durant la phase de densification. Premièrement, la vitesse de densification augmente avec la température (phase I) ensuite elle reste constante (phase II) et enfin elle diminue continument jusqu’à redevenir nulle (phase III). Figure II-4 : Évolution de la densité d’un échantillon Ø8h6mm avec la température. La densité (en %) est calculée en prenant en compte le déplacement (d), le déplacement total (D) et l’épaisseur finale de l’échantillon (e) selon la formule suivante détaillée dans la figure I-5. ±ሺΨሻ ൌ ቆͳ െ ሺ െ ሻ ሺ െ ሻ ቇ כ ͳͲͲ Figure II-5 : Calcul de la densité d’une pastille en cours de frittage. À la fin du cycle de chauffage, le courant électrique est coupé et la force n’est plus appliquée. L’échantillon refroidit alors dans l’enceinte du SPS encore sous vide. Il est ensuite sorti et laissé à l’air libre à partir d’une température d’environ 250°C. La vitesse de refroidissement va dépendre de la taille de l’échantillon et du système de matriçage. Typiquement, pour un échantillon Ø36h8mm la vitesse de refroidissement est d’environ 90°C/min alors que pour un échantillon Ø8h6mm elle est d’environ 800°C/min.
Machines utilisées
Au cours de cette thèse, trois machines SPS ont été utilisées. Elles ont été choisies pour leur taille et capacité en fonction de l’application visée.
Machine SPS à Toulouse (fig. II-6)
De type Sumitomo 2080, elle est fabriquée par l’entreprise japonaise SPS SYNTEX Inc. Elle est installée à la plateforme de frittage flash (PNF2 ) au sein de l’Université Paul Sabatier de Toulouse qui est cogérée par le CEMES et le CIRIMAT sous la tutelle du CIRIMAT. Elle permet de densifier des échantillons allant jusqu’à un diamètre de 50mm. Elle peut fournir une température et une force maximales de 2000°C et 200kN respectivement. Nous avons utilisé cette machine pour la partie développement de matériaux et pour les premières étapes du projet de mise en forme de pièces complexes. Figure II-6 : Machine SPS Sumitomo 2080 installée à la PNF2 à Toulouse.
Machine SPS à Dijon (fig.II-7)
C’est une FCT HPD-125 produite par l’entreprise allemande FCT System GmbH. Elle est installée au laboratoire Interdisciplinaire Carnot de Bourgogne (ICB) basé à Dijon. Le diamètre maximal des échantillons est de 150mm. Elle peut délivrer une intensité allant jusqu’à 24 000 A et une force de 1250 kN. Nous nous en sommes servis pour densifier des préformes d’aube. Figure I-7 : Machine SPS FCT HPD-125 installée à l’ICB à Dijon.
Machine SPS à Vibraye (fig II-8)
Comme celle de Toulouse, cette machine est fabriquée par l’entreprise japonaise SPS SYNTEX Inc. C’est une Sumitomo 9.40 installée sur une plateforme gérée par le CEA qui est située au sein de l’entreprise Mecachrome à Vibraye. C’est la machine permettant d’obtenir les plus gros échantillons (jusqu’à un diamètre de 300mm). Elle peut fournir une intensité allant jusqu’à 20 000 A et une force de 3000 kN. Nous nous en sommes aussi servis pour densifier des préformes d’aube. Figure II-8 : Machine SPS Sumitomo 9.40 installée à Mecachrome à Vibraye.
Maquettes numériques et simulations thermoélectriques
Les outillages nécessaires à la réalisation des formes complexes sont conçus à l’aide du logiciel de Conception Assistée par Ordinateur (CAO) CATIA V5. Les modules Part, Assembly et GSD (Generative Shape Design) ont été utilisés. Des simulations numériques ont été nécessaires pour contrôler les champs de température au sein de l’outillage et de l’échantillon durant une expérience SPS. Pour cela, les maquettes 3D des outillages sont réalisées sur CATIA V5 puis transférées sur Comsol grâce au format de transfert de fichier Step. Le logiciel Comsol Multiphysics est basé sur la méthode des éléments finis. Son principal avantage est la simulation couplée de plusieurs physiques. Nous modélisons donc le chauffage par effet Joule en tenant compte de la conduction et du rayonnement ainsi que des variations des caractéristiques thermiques et électriques des matériaux en fonction de la température. L’échantillon est modélisé complètement dense avec, de ce fait, les pistons en position finale car, à ce moment-là, la température est la plus élevée. Pour prendre en compte le feutre carbone, nous avons réalisé une procédure d’essais/erreurs avec et sans feutre. En comparant les résultats expérimentaux obtenus aux simulations, nous avons pu déduire un coefficient d’émissivité équivalent des surfaces recouvertes de feutre. Ce coefficient, classiquement de 0,8 pour le graphite, est de 0,3 pour les surfaces entourées de feutre.
POUDRES
Atomisation par gaz
Les poudres que nous avons utilisées sont produites par atomisation par gaz. Le principe général suit trois étapes principales : · La fusion : un lingot de la composition chimique désirée est porté à sa température de fusion dans un creuset en cuivre. · Le refroidissement : le matériau liquide s’écoule ensuite dans la tour d’atomisation où il passe à travers un jet de gaz (généralement de l’argon) qui le refroidit à une vitesse estimée entre 105 et 108 °C/min [1] en fonction de la taille de la particule de poudre. · Le tamisage : la poudre une fois refroidie est tamisée pour sélectionner la gamme de taille de particule souhaitée. Nous avons travaillé avec des poudres venant de deux fabricants différents utilisant chacun une méthode d’atomisation par gaz différente. Ces différences résident principalement dans la méthode de chauffage du lingot.
Plasma Inert-Gas Atomization (PIGA) (fig. II-9)
Ce procédé est utilisé par le GKSS qui a produit notamment la poudre de l’alliage TNM. Le chauffage du lingot est réalisé par une torche plasma qui liquéfie le matériau dans un creuset en cuivre refroidi à l’eau (fig. II-9-b). Comme décrit précédemment le liquide passe alors par la tour d’atomisation puis la poudre est tamisée [2]. L’ensemble du système est sous atmosphère protectrice (hélium ou argon). II.2. POUDRES 49 a) b) Figure II-9 : Fonctionnement du procédé d’atomisation par gaz PIGA [2] a) schéma général de la machine, b) schéma simplifié du fonctionnement.
Induction Skull Melting (ISM) (fig. II-10)
Cette technique est employée par Crucible [3] pour la production des poudres d’alliage GE [4]. Elle ressemble à la PIGA. Seul le système de chauffage est différent. Dans ce cas, le matériau est liquéfié par induction. Le liquide va alors rester en semi-suspension dans le creuset (fig. II-10-b) ce qui va avoir pour effet de limiter les contacts et donc les contaminations. a) b) Figure II-10 : Fonctionnement du procédé d’atomisation par gaz ISM [3] a) schéma réel, b) schéma simplifié du fonctionnement du système de chauffage.
Caractéristiques des poudres étudiées
Les poudres utilisées lors de cette thèse ont toutes une gamme de taille de particule comprise entre 0 et 200µm. Six lots de poudre ont été étudiés. Leurs caractéristiques sont récapitulées dans le tableau II-1.
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