Évolution de l’intégration de l’histoire des sciences et utilisation actuelle en sciences physiques dans l’enseignement secondaire

Évolution de l’intégration de l’histoire des sciences et utilisation actuelle en sciences physiques dans l’enseignement secondaire

INTÉGRATION DE L’HISTOIRE DES SCIENCES DANS L’ENSEIGNEMENT SECONDAIRE 

Qu’est-ce que l’histoire des sciences ? a. Définition « Le terme histoire des sciences […] désigne plusieurs choses à la fois. Il évoque une quantité de recherches et d’études qui vont de la description d’un instrument ou d’une machine à l’analyse de la structure conceptuelle d’une théorie, de la biographie d’un savant à l’histoire d’une institution scientifique, de l’influence des idées philosophiques et religieuses sur les théories à la mesure des subventions gouvernementales et industrielles à la recherche, de l’épidémiologie statistique à l’analyse de l’origine sociale des prix Nobel. Comme les autres types d’histoire, l’histoire des sciences a aussi des frontières de tous les côtés incertaines et largement ouvertes »

. Histoire des sciences, histoire des techniques

La technique (du grec technikos, art) est par opposition à la science qui est un savoir théorique, « l’ensemble des procédés et des moyens pratiques propres chaque activité » 2 . De ce fait, si l’histoire des sciences, est pour simplifier, l’étude de l’évolution historique d’un concept ou d’un outil scientifique, l’histoire des techniques est quant à elle l’étude de l’histoire de ces savoirs pratiques. Pendant très longtemps c’est le développement des techniques qui a permis à la science de progresser. En effet, c’était grâce à la maitrise de gestes techniques « de base » que l’on a pu développer une nouvelle idée. Un bon exemple, est l’amélioration et l’utilisation par Galilée de la lunette portant son nom : Galilée améliora les performances des lunettes conçues par les artisans hollandais, puis utilisa sa création pour observer le ciel (phases de Venus, satellites de Jupiter, …). Plus récemment, on a observé une inversion de cette tendance, c’est l’évolution des sciences qui fait progresser la technique. En effet, c’est la découverte de nouveaux concepts qui ont permis de développer de nouveaux procédés. Par exemple, on a dû attendre les travaux d’Einstein, puis le développement de la physique quantique pour pouvoir construire le LASER. 1 (Burguière, 1986) 2 (Larousse, 2015) 

Continuisme et discontinuisme

Deux écoles de pensée se sont pendant longtemps affrontées : les continuistes et les discontinuistes. Pierre Duhem (1861-1916) et Léon Brunschvicg (1869-1944), étaient deux épistémologues adeptes des idées continuistes « selon lesquelles les progrès scientifiques s’accompliraient de manière régulière, sans sauts brusques ni ruptures » 3 . À contrario, Gaston Bachelard (1884-1962) et Georges Canguilhem (1904-1995) étaient eux partisans des idées discontinuistes de l’histoire des sciences, c’est-à-dire une histoire non linéaire. Aujourd’hui, les problèmes des discontinuistes sont plutôt dirigés sur la nature de ces ruptures que sur leurs existences même. d. Internalisme et externalisme Les théoriciens de l’histoire des sciences sont soumis à une autre question : à cause de quoi se développent les théories scientifiques ? Les internalistes postulent que « le mouvement des idées scientifiques est produit par une dynamique interne : les idées se développeraient et s’enchaineraient dans un univers d’idées et de représentations – leur contexte étant placé en position seconde » 4 . Au contraire, les externalistes considèrent eux que le contexte économique, politique et social, mais également le développement technique conditionneraient l’évolution des savoirs. 2. Du premier « historien des sciences » à la discipline histoire des sciences À cause de la nature même des documents historiques, il est difficile d’évaluer à quand remonte l’apparition de l’histoire des sciences. Cependant Eudème de Rhodes (élève d’Aristote), est le premier à publier les travaux de son prédécesseur, il est donc considéré par certains comme le premier historien des sciences. Il y aurait « trois principaux fondateurs à l’origine de la discipline histoire des sciences » 5 : Pierre Duhem, George Sarton et Gaston Bachelard. Pierre Duhem, physicien et chimiste, est également un grand nom de l’histoire des sciences, son œuvre a contribué de manière significative à l’institutionnalisation de l’histoire des sciences en France et en Europe. Pour lui, la théorie physique est plutôt un système abstrait de classement 3 (Acot, 1999) 4 (Acot, 1999) 5 (Acot, 1999) Page | 10 de lois qu’une explication de celles-ci et c’est l’histoire des sciences qui met en évidence les progrès accomplis dans cette classification au cours du temps. Deuxième grand nom, George Sarton, historien des sciences, a contribué au développement de l’histoire des sciences comme discipline autonome aux États-Unis. Il est également, le fondateur de deux périodiques Isis (première revue d’histoire des sciences et des techniques) et Osiris qui ont joué un rôle international prépondérant dans le développement institutionnel de l’histoire des sciences. Troisième fondateur, Gaston Bachelard, philosophe des sciences, est à l’origine de quatre idées fondamentales à la formation intellectuelle en histoire des sciences. Premièrement, le progrès scientifique, est, par définition une rupture, une rupture entre connaissances communes et connaissances scientifiques. Deuxièmement, pour qu’il y ait rupture, il faut franchir des obstacles épistémologiques et renoncer à l’intuition première. Troisièmement, les faits scientifiques ne sont pas donnés, mais construits. Et enfin, quatrièmement, que « […] les arguments rationnels touchant à l’expérience sont déjà des moments de cette expérience » 

Évolution de l’histoire des sciences dans l’enseignement secondaire et dans le domaine des sciences physiques

Figure 1 : Frise chronologique des différentes modifications de l’enseignement français a. Réforme de 1852 : première apparition de l’histoire des sciences dans l’enseignement secondaire français Avant la réforme, les programmes sont essentiellement basés sur les sciences humaines, mais intègrent « des notions scientifiques appropriées aux élèves de la section littéraire » 7 et la « lecture de morceaux choisis dans les auteurs classiques qui ont écrit sur les sciences » 8 . La 6 (Bachelard, le rationnalistme appliqué, 1949) 7 (Hulin, 1996) 8 (Hulin, 1996) Réforme de 1852 Réforme de 1890 Réforme de 1902 Instructions de 1947 Instructions de 1953 Réforme de 1965 Réforme de 1973 Réforme de 1993 Programme de 2005 Page | 11 réforme de 1852, entraine une refonte du système éducatif, avec la création de deux divisions : sciences et lettres. À la suite de cette réforme, les instructions publiées en 1854 par J.B. Dumas, insistent et ce, pour les deux divisions créées, sur le positionnement de l’histoire des sciences dans l’enseignement. Ainsi, Dans la section sciences, on recommande « lors de l’exposé d’un sujet d’intérêt général, d’en résumer l’histoire et de rendre ainsi familière la logique des inventeurs, mais aussi d’apprendre aux élèves à connaître et vénérer les noms des hommes illustres qui ont créé la science » 9 . On suggère ainsi, aux professeurs de physique de débuter l’exposition des grandes théories par un historique précis et fidèle, la reproduction exacte d’une expérience historique, ou encore l’étude de textes originaux. Le tout pour développer chez l’élève l’esprit d’invention. Dans la section lettres, les cours de physique donnant un aperçu de la marche de la science, servent d’une part, à illustrer les méthodes et techniques de la physique et d’autre part, à montrer l’importance de l’expérience : « les élèves verront ainsi qu’en physique […] il faut se garder de pousser trop loin les conséquences d’un principe même certain lorsqu’on n’a pu les vérifier, les contrôler par l’expérience » 10 Il y a deux raisons à l’apparition de l’histoire des sciences dans l’enseignement des sciences physiques. La première, est que l’histoire des sciences est un outil très utile pour démontrer l’importance de la place de l’expérimentation et de l’observation. En effet, en exposant les méthodes des inventeurs, on « montre toute la part qu’il faut […] faire à l’expérience, à l’observation » 11 . Deuxièmement, l’intégration de l’histoire des sciences dans les deux nouvelles divisions de l’enseignement, place les « sciences » et les « lettres » sur un pied d’égalité. Ce qui entraine une modification de la vision du monde à propos des sciences. En effet, en montrant la valeur de l’étude des sciences, on convainc que « bien enseignée, la physique élargit et élève la pensée » 12 . b. Tournant du XIXème siècle : plan d’étude de 1890 Entre 1852 et 1891, on observe un immense décalage entre les argumentaires sur le bon usage de l’histoire des sciences dans les cours de physique et l’application qui en est réellement faite. De manière répétée au cours de cette période, l’histoire des sciences apparait essentiellement sous forme d’une énumération de noms de savants et de quelques dates. Le plan d’étude de 1890, s’appuie en partie sur les instructions données par J.B. Dumas en 1854 et l’histoire des sciences devient un outil au service de l’expérience. Ainsi, on invitera le 9 (Hulin, 1996) 10 (Cournot, 1861) 11 (Cournot, 1861) 12 (Cournot, 1861)  professeur « pour quelques questions qui s’y prêtent facilement, à exposer sommairement la marche qu’a suivie l’esprit humain et les tâtonnements successifs par lesquels il est passé pour arriver à la découverte de la vérité scientifique. C’est la démonstration la plus frappante que l’on puisse donner de l’influence qu’a exercée l’emploi judicieux de la méthode expérimentale sur le développement et les progrès des sciences physiques » 13 . Le plan d’étude de 1891 crée l’enseignement secondaire moderne en France. Avec ce nouveau plan, on observe une augmentation de la place et de l’importance du rôle de l’histoire des sciences dans l’enseignement. On souhaite « convaincre de la haute valeur de l’enseignement des sciences – en insistant sur les apports à la formation de l’esprit » 14 et donc l’histoire des sciences n’est pas à négliger pour une « éducation générale de l’esprit » 15 . Ainsi les programmes de sciences (physique – chimie et histoire naturelle) en classe de troisième, seconde et première science sont tous précédé de la même recommandation : « rattacher à l’occasion, l’exposé des méthodes et l’histoire des découvertes à la démonstration des vérités scientifiques » 16. On trouve également en cours de philosophie et pour les classes de première science des « éléments de philosophies scientifiques » 17 qui ont un caractère historique. c. Réforme de 1902 : modification structurelle et réorientation Le nouveau plan d’étude mis en place en 1902, fait à la fois intervenir une modification structurelle de l’enseignement secondaire en France, mais également naître un nouvel esprit grâce au nouveau programme mis en place. Cette réorientation de l’enseignement secondaire, vise à faire des sciences un instrument de culture. Ainsi, « l’objectif de l’enseignement de la physique est de faire connaître aux élèves les grandes lois de la nature ; il ne s’agit plus, comme dans les traités de la deuxième moitié du XIXème siècle d’énumérer des connaissances dans un ordre historique tout en accumulant les détails d’appareillage, mais d’organiser et coordonner l’exposé » 18 . Par ailleurs, on remarque de par les options retenues (qui sont différentes de celles des instructions de J.B. Dumas en 1854), que les programmes des terminales scientifiques se composent d’une double recommandation. En effet, on souhaite « faire connaître la vie de 13 (B.A. : Bulletin Administratif, 1890) 14 (Belhoste, 1995) 15 (Belhoste, 1995) 16 (B.A. : Bulletin Administratif, 1891) 17 (B.A. : Bulletin Administratif, 1891) 18 (Hulin, 1996) Page | 13 quelques grands savants en soulignant l’importance de leurs travaux, «mais surtout la grandeur morale de leur dévouement à la science»19 et […] lire aux élèves quelques pages caractéristiques de leurs œuvres» 20 . On observe ainsi, l’introduction en classe de première D et en langue française des extraits d’auteurs scientifiques, faisant le pendant aux recommandations faites au professeur de sciences. On désire par ce moyen développer chez les élèves l’esprit scientifique et contribuer à leur culture littéraire. En 1912, ces recommandations sont réaffirmées. Grâce à l’histoire des sciences, « on poursuit maintenant l’objectif de développer chez les élèves la personnalité morale ce qui va conduire aux hagiographies21 de savants »  . Ainsi on observe des publications successives de recueils de textes savants à destination de cet enseignement

Table des matières

Introduction
Partie I : Intégration de l’histoire des sciences dans l’enseignement secondaire
1. Qu’est-ce que l’histoire des sciences ?
a. Définition
b. Histoire des sciences, histoire des techniques
c. Continuisme et discontinuisme
d. Internalisme et externalisme
2. Du premier « historien des sciences » à la discipline histoire des sciences
3. Évolution de l’histoire des sciences dans l’enseignement secondaire et dans le domaine
des sciences physiques
a. Réforme de 1852 : première apparition de l’histoire des sciences dans l’enseignement
secondaire français
b. Tournant du XIXème siècle : plan d’étude de 1890
c. Réforme de 1902 : modification structurelle et réorientation
d. Des recommandations à l’application
e. Réforme Lagarrigue : première apparition en section littéraire
f. Réforme de 1993 : première apparition officielle en sciences
g. 2005 : Nouveaux programmes au collège
4. Controverses
a. L’analyse critique de Henri Bouasse
b. Vers un humanisme scientifique
c. Méthode de la redécouverte
Partie II : Méthodologie
1. Les programmes officiels
2. Manuels scolaires
a. Présentation
b. Où s’arrête l’histoire des sciences ?
c. Les regroupements faits dans les notions/concepts
3. Pratique dans les classes
a. Réalisation d’un questionnaire professeur
b. Réalisation d’un questionnaire élève
Partie III : Résultats et discussion
1. Évolution des BO
a. Génération 2 : BO de 1999
b. Génération 3 : BO de 2010
c. Comparaison BO 1999 et BO 2010
2. Évolution des manuels scolaires
a. Génération 1
b. Génération 2
c. Génération 3.1 et génération 3.2
3. Analyse du questionnaire professeur
a. Question 1. et 2
b. Question 3
c. Question 4.a
d. Question 4.b
e. Question 5
f. Question 6
4. Analyse du questionnaire élève
a. Question 1.38
b. Question 2.a. et 2.b
c. Question 3
d. Question 4
Conclusion
Bibliographie
Générale
Manuels Scolaire
Table des illustrations
Annexe 1 : Extrait du BO de 1999
Annexe 2 : Extraits du BO de 201
Annexe 3 : Questionnaire professeur
Annexe 4 : Questionnaire élève
Annexe 5 : Résultats analyse des manuels scolaires-génération 1
Annexe 6 : Résultats analyse des manuels scolaires-génération 2
Annexe 7 : Résultats analyse des manuels scolaires-génération 3.1 et 3.2
Annexe 8 : résultats questionnaire professeur
Annexe 9 : Résultats questionnaire élève

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