EVOLUTION DE LA SYMPTOMATOLOGIE NEGATIVE CHEZ LES
PATIENTS SCHIZOPHRENES HOSPITALISES
Approche dimensionnelle/DSM
piliers diagnostiques de la schizophrénie
Dans les évaluations générales de la symptomatologie schizophrénique, les symptômes négatifs sont apparus à plusieurs reprises comme un facteur distinct, indépendant des autres symptômes. La dernière édition du manuel statistique et diagnostique des maladies mentales, le DSM-5, sorti en 2013, regroupe les 5 symptômes déterminants pour le diagnostic de la schizophrénie qui devraient apparaître au cours d’une observation et d’entretiens appropriés. On retrouve, les hallucinations et délires (symptômes positifs), le syndrome de désorganisation, le dysfonctionnement psychomoteur (agitation, ralentissement, catatonie) et les symptômes négatifs. L’humeur dépressive, la manie et les troubles cognitifs (qui englobent les troubles cognitifs sociaux) sont des critères supplémentaires à prendre en compte, mais ne constituent pas un critère diagnostic en soi. Il faut rappeler que le dysfonctionnement neurocognitif nécessite généralement l’utilisation de tests spécifiques pour sa caractérisation, par opposition à l’altération de la cognition sociale et la symptomatologie négative qui devraient apparaître cliniquement au cours de l’entretien ou à partir d’autres formes d’interaction. Les symptômes négatifs comme l’un des 5 piliers de la schizophrénie (48) 22 Le point 10 de la conférence de consensus du NIMH de 2006 précise que la relation entre les sous domaines de symptômes négatifs est une question importante pour les essais thérapeutiques. Il est pourtant rare que ces domaines soient analysés séparément dans un contexte d’essais cliniques ou d’autres études. Or si les domaines répondent différemment au traitement, l’évaluation d’un seul domaine ou l’utilisation d’un score de symptôme négatif combiné peut masquer une amélioration significative dans un seul domaine, conduisant à un résultat tronqué. Cette question a des implications pour le développement de modèles animaux selon que les domaines de symptômes négatifs aient une pharmacologie sous-jacente similaire ou au contraire très différente. Des preuves examinées au cours de la conférence de consensus ont suggéré que, bien que ces domaines soient inter-corrélés, il peut également exister un degré important d’indépendance au sein de groupes de ces domaines. La prise en compte de la cognition sociale a conduit à la conclusion que, telle que définie habituellement, elle ne fait pas partie de la construction du symptôme négatif. Elle fait référence aux opérations mentales sous-jacentes aux interactions sociales, notamment la capacité de percevoir les intentions et les dispositions d’autrui (49). La plupart des recherches en cognition sociale sur la schizophrénie ont porté sur le traitement des émotions, la théorie de l’esprit, les connaissances sociales. Le DSM 5 montre son approche dimensionnelle et catégorielle en présentant l’échelle de CRDPSS (Clinician-Rated Dimensions of Psychosis Symptom Severity) en huit points dont les symptômes sont côté de 0 (non présent) à 4 (présent et grave) en fonction de leurs sévérités (50) (cf annexe). Les patients présentant des signes de psychose peuvent ainsi être évalués selon ces 8 dimensions (51). Par exemple, un score de 2 ou plus sur les échelles servant de critère diagnostic de la schizophrénie sera considéré comme suffisamment grave pour remplir le critère A. Cette évaluation dimensionnelle est encore largement fondée sur la description clinique des troubles du spectre de la schizophrénie. 23 Exemple de 3 profils de patients différents Le patient A, schizophrène, affiche des hallucinations sévères avec délire important, une désorganisation de la parole mineure, sans troubles psycho-comportementaux ni symptômes négatifs. On note des troubles cognitifs modérés associés à des troubles thymiques mineurs. Le patient B, schizo-affectif, présente le même profil psychotique, avec ici une dépression sévère, associé à des symptômes maniaques et des troubles cognitifs modérés. Le patient C, présente quant à lui une schizophrénie avec syndrome déficitaire sévère : déficit cognitif et SN sévères associés à une désorganisation importante. Les dimensions de la psychose sont représentées en bleu, celles relative à la cognition et aux affects en rouge. Un profil de patient avec des scores importants sur la dépression et la dimension négative pourrait expliquer le nombre de patients dépressifs répondant aux critères du syndrome de déficit. On voit donc qu’une présence importante de symptômes négatifs et cognitifs peut se produire indépendamment de la dimension de la psychose. Ainsi, un patient présentant un syndrome de déficit ne souffrirait pas nécessairement d’un état clinique plus grave.
Des symptômes multidimensionnels et transnosographiques
Une approche différente des symptômes négatifs peut être basée sur des approches dimensionnelles de la psychopathologie. Cette vision repose sur deux arguments principaux. Premièrement, des symptômes négatifs peuvent être observés dans différents troubles neuropsychiatriques, en particulier sur un continuum de troubles de l’humeur et de psychoses. Ils ne seraient alors pas spécifiques à la schizophrénie (52). En effet bien qu’ils soient généralement plus sévères et plus fréquents chez les sujets schizophrènes par rapport aux patients dépressifs, les études longitudinales montrent des similitudes en ce qui concerne leur fréquence, persistance et phénoménologie (53). Les données concordent avec un modèle qui identifie les symptômes négatifs comme étant communs aux maladies mentales, avec des taux particulièrement élevés dans les maladies psychotiques. Deuxièmement, les symptômes négatifs montrent une distribution continue depuis les sujets apparemment en bonne santé, les états subcliniques jusqu’aux syndromes cliniques complets.
Au sein des symptômes négatifs : 2 groupes distincts
Après avoir considéré effectivement 5 dimensions distinctes au sein de la schizophrénie, les observateurs ont cherché à savoir si dans leur constitution les symptômes négatifs doivent être décrits en une seule unité ou si une sous construction multidimensionnelle ne serait pas plus représentative (54). Les chercheurs ont alors mis en exergue des corrélations entre les sous domaines de symptômes négatifs, à l’aide d’études d’analyse factorielle et de l’échelle SANS dans les années 1990. Ils ont montré que la structure des symptômes négatifs n’était pas unidimensionnelle mais bien multidimensionnelle (55). Le nombre précis de facteurs qui représente le mieux les symptômes négatifs (tels que mesurés par le SANS) a longtemps été débattu selon 2 ou 3 facteurs. Au total, les domaines qui se distinguaient étaient liés à « l’expression diminuée » et au facteur combiné « anhédonie-retrait social » (56). 25 Au sein de « l’expression diminuée » on retrouve des symptômes de réduction de l’expressivité faciale et vocale, mais aussi une moindre capacité de production verbale. Le facteur « anhédonie-asocialité » comporte les symptômes de déficit hédonique, d’intérêt diminué et d’engagement social réduit. Le 3ème facteur intégrait des aspects d’alogie et d’inattention. Avec les descriptions plus contemporaines, les troubles de l’attention anciennement considérés dans les symptômes négatifs et intégrés dans l’échelle de SANS sont désormais bien différenciés et plutôt « en chevauchement » avec les symptômes de désorganisation (57). Le critère A du DSM 5 rappelle les descriptions Bleulériennes mais en s’appuyant sur les recherches focalisées sur les symptômes négatifs, va les grouper en 2 entités: -Diminution de l’expression émotionnelle (affects émoussés et alogie) -Avolition appelée Aboulie (avolition, anhédonie, retrait social)
INTRODUCTION |