COMPORTEMENTS STRATEGIQUES, DE LAPERFORMANCE, DE L’INCERTITUDE ENVIRONNEMENTALE ET DES VARIABLES CULTURELLES
Pour Saias et Metais (2001), les comportements stratégiques consistent plus dans la conception et l’adaptation de différentes postures stratégiques en fonction de leur pertinence, compte tenu des compétences distinctives des entreprises, avec un environnement changeant et incertain, que dans la suite d’un modèle stratégique dominant. Par conséquent, une entreprise doit être en mesure de concevoir sa position stratégique (en utilisant ses ressources stratégiques et ses capacités) en ligne avec les défis situationnels. Aujourd’hui encore, la maximisation de la performance organisationnelle représente la condition de survie des entreprises de toutes dimensions. Malgré que cet impératif soit reconnu par la plupart des praticiens et des chercheurs, la définition, la mesure ainsi que les facteurs de la performance organisationnelle demeurent un champ de controverse. Pour plusieurs profanes et, même, pour certains scientifiques et praticiens, les notions d’efficacité, de rendement, de productivité, de compétitivité et d’efficience apparaissent souvent comme des synonymes du concept de performance. Dans ce chapitre nous allons dans un premier temps présenter l’état de l’art sur les comportements stratégiques des PME et sur le concept de performance. Dans un deuxième temps, nous allons présenter la théorie sur l’incertitude environnementale et la culture en management..
Section I: Les comportements stratégiques et la performance des entreprises: état de l’art
Nous allons voir dans cette section ce que la théorie nous enseigne sur la performance d’une part, et les différentes postures stratégiques que peuvent adopter une entreprise d’autre part. Mais avant, nous allons revenir sur le concept de stratégie, ses définitions et son évolution.
La stratégie: définitions, évolution de la pensée et des pratique
Le concept de stratégie est d’origine militaire, il vient du grec strategos : désigne l’art de diriger l’armée en présence de l’ennemi. Dans le domaine du management, le concept prend en général une signification plus large qu’en matière militaire puisqu’il recouvre les buts et les objectifs par rapport auxquels on planifie les ressources (Desreumaux, Lecocq et Wanier 2009).
Les définitions théoriques de la stratégie
Il est frappant de constater que, quelle que soit l’époque, de nombreux auteurs en stratégie (Burns et Stalker, 1961 ; Lawrence et Lorsch, 1967 ; Mintzberg, 1973 ; Porter, 1980 ; Ansoff, 1987 ; Diestre et Rajagopalan, 2011) introduisent leur propos en présentant les changements radicaux auxquels est soumis l’environnement et la nécessité pour les entreprises d’en tenir compte (Saiais et Metais, 2001). Mintzberg (1985) propose une « approche rénovée » basée sur quatre postulats (finalité économique, réalisme politique, contingence, cohérence). Selon cet auteur, « la stratégie accepte d’être tout à la fois et avec des dosages variables, un plan, un pattern, une position, une perspective, un mélange d’intention délibérée et un processus émergent ». La stratégie se définit, selon l’historien des affaires Alfred Chandler (1962), comme « la détermination des buts et des objectifs à long terme d’une firme, l’adoption de politiques déterminées et l’allocation de ressources pour atteindre le mieux possible ces buts ». Ansoff (1968) quant à lui définit la stratégie comme l’ensemble des décisions prises en fonction de l’environnement. Pour sa part, Marchesnay (2004) définit la stratégie comme « l’ensemble constitué par les réflexions, les actions ayant pour objet de déterminer les buts généraux, puis les objectifs, de fixer le choix des moyens pour réaliser ces buts, de mettre en œuvre les actions et les activités en conséquence, de contrôler les performances attachées à cette exécution et à la réalisation des buts ». Selon Lorino et Tarondeau, (2006) « La stratégie est le fruit d’une démarche systématique, ou bien le résultat d’un ensemble de mini décisions qui, peu à peu, vont former le futur de l’entreprise ». Ces définitions héritées du modèle classique occidental semblent ignorer l’origine militaire chinoise de la stratégie. En effet, l’un des fondements principal de la définition de la stratégie est le lien qui existe entre la stratégie militaire et la stratégie d’entreprise. En nous appuyant sur les travaux de Liddell Hart (1962), nous pouvons énumérer quelques points communs aux deux domaines: – La politique fondamentale qui détermine l’objet de la guerre: objet à atteindre; – La grande stratégie, dont le rôle consiste à coordonner et à diriger toutes les ressources de la nation ou d’une coalition afin d’atteindre l’objet politique de la guerre: affectation des ressources; – La stratégie, définie comme l’art de distribuer et de mettre en œuvre les moyens militaires pour accomplir les fins de la politique: mise en œuvre pratique. Nous retrouvons dans cette définition la structure basique de la stratégie à savoir: – La fixation d’un objectif à atteindre, – L’identification et l’affectation des ressources, – La notion de pilotage stratégique. Deux composantes particulières de la stratégie se dégagent alors: une position conflictuelle où l’on se bat contre un adversaire plus ou moins intelligent et une position plus rationnelle où l’on cherche, grâce à l’affectation de ressources adaptées, à atteindre un but. Une dimension importante est cependant omise dans cette définition, celle d’anticipation. Pour nous, la stratégie est une décision rationnelle anticipant l’avenir. C’est à dire une idée fondée sur la possibilité intellectuelle de choisir, au regard d’une information sur toutes les situations futures que l’on peut concevoir et comportant des données incertaines, des modes d’action capables de maîtriser cette incertitude. Nous abordons ainsi la stratégie dans le même sens que la stratégie chinoise, comme la capacité à modifier les données d’une situation, à influer sur l’environnement de façon telle que celui-ci se transforme et devienne de lui-même favorable au stratège.On peut voir apparaitre les germes de la proactivité dans la stratégie militaire chinoise, alors que l’approche occidentale classique, est plutôt orientée vers la mise en place de stratégies linéaires et adaptatives, héritières naturelles du rationalisme des Lumières, même si des évolutions ont été faites avec l’approche dite d’intention stratégique. C’est d’ailleurs ce que nous allons développer dans les lignes qui suivent.
Evolution de la pensée et des pratiques en stratégie
Deux moments principaux ont été distingués, définissant les deux parties de l’évolution de la pensée et des pratiques en stratégie. Le premier renvoie à une période durant laquelle la stratégie est associée à des principes d’adaptation et de position (Porter, 1980): la stratégie suppose une adaptation à l’environnement pour acquérir une position dominante et la défendre. Le second temps, en rupture par rapport au premier, met en avant une conception de la stratégie centrée sur l’intention et le mouvement : la stratégie vise dans ce cas à la transformation permanente du jeu concurrentiel comme de l’entreprise (Saiais et Metais, 2001). Mintzberg (1973) a le premier questionné ce modèle de base de la planification stratégique, à la fois en interrogeant son caractère délibéré, ainsi qu’en introduisant une notion de dynamique. Selon Mintzberg, la décision stratégique est le produit d’un jeu de pouvoir au sein d’une coalition de partenaires. Elle est, en ce sens, beaucoup plus émergente que ne le laisse entrevoir la démarche de planification classique, trop rationnelle selon lui. La stratégie ne peut donc être définie en des termes aussi figés : forces, faiblesses, opportunités et menaces sont très relatives dans le temps. La notion de changement est donc introduite dans la stratégie, pour pallier le caractère trop statique du SWOT.
L’approche classique
Cette approche renvoie à une période durant laquelle la stratégie est associée à des principes d’adaptation et de position : la stratégie suppose une adaptation à l’environnement pour acquérir une position dominante et la défendre. L’élaboration de la stratégie est ainsi basée sur le modèle SWOT ou l’analyse des forces et faiblesses de l’entreprise ainsi que des opportunités et menaces de l’environnement d’une part, et à la recherche d’un avantage concurrentiel d’autre part. 1-2-A-1- Le modèle d’analyse des Forces et Faiblesses/Opportunités et Menaces Les fondements de la réflexion stratégique remontent à la fin des années cinquante, centrés sur une interrogation des activités de l’entreprise, sous la forme « quel est notre domaine d’activité ? ». Dès que la définition de l’activité paraît satisfaisante, le questionnement se porte ensuite sur les opportunités et les menaces de l’environnement, pour positionner ensuite l’entreprise, en termes de forces et de faiblesses. Cette approche de l’école de Harvard7 est relativement sommaire, du fait de la prédominance accordée aux études de cas. Le modèle SWOT pose toutefois les bases de la formulation de la décision stratégique pour les décennies suivantes. L’École de Carnegie, en particulier par l’ouvrage d’Ansoff (1965), propose très vite un modèle d’inspiration similaire, mais à l’architecture plus élaborée.