Evolution de la discipline et de l’autorité dans le temps
Les concepts d’autorité et de discipline ont beaucoup évolué au cours des siècles. Jusqu’au XIVème siècle, la discipline était considérée comme étant un « châtiment », une punition imposée par le maintien de la règle. A cette époque, le maître utilisait la violence en se servant d’objets comme le fouet ou la règle pour taper sur les doigts des élèves ou encore en utilisant des mesures vexatoires comme par exemple le « bonnet d’âne ». L’enseignant était vu comme une personne sévère avec laquelle il valait mieux ne pas bouger. La plupart des témoignages d’enseignants vont dans le sens d’une sévérité plus grande autrefois qu’aujourd’hui. Selon mon parcours d’élève, les enseignants qui se trouvaient en fin de carrière étaient plus sévères que les nouvelles générations d’enseignants. Ils étaient justes mais n’hésitaient pas à recourir à des méthodes plus vigoureuses, comme arracher des feuilles de cours ou faire recopier des pages de dictionnaire. De nos jours, les enseignants sont beaucoup plus réticents face à ce genre de méthodes. Actuellement, la loi interdit tout acte violent sur les élèves et toute parole désobligeante peut entrainer des plaintes envers l’enseignant. Il y a donc une évolution évidente dans la manière de gérer les classes par les enseignants. Il est ainsi légitime de se demander si nous allons dans la bonne direction et de comprendre pourquoi les enseignants étaient plus sévères auparavant.
Il semblerait que les attentes des parents vis à vis de l’école sont différentes. Avant, les parents envoyaient leurs enfants à l’école pour que les enseignants les « dressent ». L’autorité était la première qualité espérée chez le maître. On recherchait des enseignants sévères et exigeants. Aujourd’hui, les parents recherchent plutôt des enseignants protecteurs et à l’écoute. Les parents n’éduquent plus leurs enfants de la même manière. L’école s’adapte donc en fonction de l’évolution de notre société. Auparavant, les enseignants apportaient les connaissances intellectuelles, actuellement, ils doivent également éduquer les enfants aux bonnes manières, au savoir-vivre et aux usages de la société. Les enfants d’autrefois apprenaient aussi à vivre en groupes dans d’autres circonstances que la scolarité, mouvement de scoutisme, activités dans l’église, etc… Ces paramètres ont changé, ce qui entraîne une plus grande implication de l’école dans l’éducation globale de l’enfant. Toutefois, il reste essentiel de considérer que tout enfant, en l’occurrence tout élève a besoin d’un cadre sur lequel il va buter. Sans ce cadre, il ne peut se construire et cela génère de l’angoisse pour certains d’entre eux. Comment donc concilier autorité et bienveillance ?
Définition de la discipline et de l’autorité
Le terme discipline a pour racine « disciplina » en latin. En ancien français, ce terme signifie : punition, ravage et douleur. A l’origine, la discipline était un châtiment, une punition imposée par le maintien de la règle. Aujourd’hui, dans le langage courant, la discipline est une règle de conduite commune aux membres d’un groupe. La discipline permet de faire régner le bon ordre au sein d’une collectivité. Elle permet donc de gérer un groupe et d’offrir un climat de classe agréable pour chacun et propice à un bon apprentissage. Toutefois, même les enseignants les plus autoritaires rencontreront dans leur carrière des problèmes de discipline. L’adolescence est une période compliquée. Durant cette période, le jeune est dans un processus d’autonomisation sur le plan purement psychique et il se met à osciller entre des pensées, des émotions et des désirs contraires. (Richoz, 2009). Les adolescents refusent ce que disent les parents et les enseignants. Ce conflit avec le monde adulte est un passage normal pour le développement de jeunes adultes en devenir. Les problèmes liés à l’indiscipline sont souvent une source d’angoisses pour les enseignants. Toutefois, il est possible de les diminuer en faisant preuve d’autorité. Le terme autorité vient de la racine latine « auctor», l’auteur, celui qui agit, ce qui a donné en latin « auctorictas ». L’auteur est celui qui est dépositaire de l’autorité.
Cette même racine a également donné le verbe « augerer » qui signifie faire croître, augmenter (Calendreau, 2009). Selon Galand (2008), « On peut dire que parce qu’il s’est lui-même autorisé, l’auctor (celui qui possède l’autorité) a le souci de faire croître l’autre. Il produit une autorité qui l’augmente, « l’élève », le fait accéder à l’autonomie, l’autorise à poser lui-même des actes lui permettant de devenir auteur. » (p. 39.) Le terme autorité est difficile à définir de manière complète. Dans le dictionnaire Le Robert Illustré (2012) les définitions intéressantes en relation avec l’autorité de l’enseignant sont : « 1. Droit de commander, pouvoir d’imposer l’obéissance. 4. Supériorité de mérite ou de séduction qui impose l’obéissance, le respect, la confiance. » Ainsi, selon la première définition du Robert Illustré, l’autorité signifie le droit donné et reconnu à quelqu’un d’avoir de la puissance sur quelque chose. L’enseignant est un fonctionnaire, il est donc investi par l’Etat d’une fonction : enseigner. C’est cette position hiérarchique qui lui donne autorité. Chaque enseignant dispose donc d’autorité par son statut mais doit apprendre à la gérer pour éviter de basculer dans un contexte laxiste ou autoritariste. Rey (2012) définit l’autorité comme la capacité à être obéi sans avoir recours à des moyens coercitifs. Pour Nanchen (2008), l’autorité est « une force tranquille qui ne s’impose pas par la peur, elle n’écrase pas. Elle trouve sa source dans sa légitimité et dans les compétences de celui ou celle qui l’impose.
Elle n’est pas le résultat d’un dressage ni d’un rapport d’emprise ou de séduction. Elle naît de l’estime qu’un enseignant sait inspirer à la jeune génération » (p. 36). Selon ces deux auteurs, une personne ayant de l’autorité serait donc quelqu’un qui n’a pas besoin de la force pour se faire obéir. Cette définition est proche de celle donnée en numéro quatre par le Robert Illustré. Rey (2012) pose une question intéressante dans son livre. Il se demande si il est vraiment indispensable d’avoir de l’autorité pour être un professeur efficace. Selon l’auteur : ′′Certains jeunes professeurs sont tentés d’effacer les signes de hiérarchie ou de distance à l’égard des élèves ». (p. 116). Toutefois, Rey (2012) conseille de se méfier en abordant cette attitude avec ses élèves. Pour beaucoup d’adolescents, cela risque de laisser entendre qu’il n’y a pas lieu de se contraindre ni de faire des efforts. Si l’on adopte avec le professeur le même type de relation qu’avec ses copains, on est tenté de reprendre avec lui les activités ludiques qu’on partage habituellement avec eux. Après avoir défini le terme autorité et avoir expliqué pourquoi il est essentiel d’en faire usage pour enseigner, il est nécessaire de se demander comment le maître fait pour exercer son autorité. Beaucoup de personnes pensent que l’autorité serait une affaire de personnes : il y aurait ceux qui savent s’y prendre avec les élèves et d’autres qui se laissent plus facilement déborder. L’autorité serait donc une caractéristique que certaines personnes auraient, un don, qu’ils auraient de manière innée ou par l’effet de leur histoire psychologique personnelle et que d’autres en seraient irrémédiablement dépourvus (Rey, 2012). Blin & Gallais (2001) indiquent dans leur livre que « l’autorité n’est pas innée, qu’elle ne se réduit pas à quelque charisme mais se décompose en comportements observables qu’il est possible d’acquérir par un travail permanent sur soi-même. » (p. 145). L’autorité pourrait donc s’apprendre, se développer et s’acquérir. Voici quelques principes d’attitudes et quelques stratégies à adopter pour asseoir au mieux son autorité :
1) Prendre le temps de poser un cadre en début d’année Le début de l’année est une période cruciale. Beaucoup de choses se jouent à ce moment comme la mise en places des règles dans la classe et les premiers échanges entre l’enseignant et ses élèves. Marsollier (2007) mentionne : « Exercez une vigilance particulière en début d’année. Elle donne la tonalité de vos attentes et fixe votre seuil de permissivité […] Fixez dès les premières heures, avec les élèves, des règles claires et simples quant aux déplacements et à la prise de parole, de telle sorte qu’elles ne soient par le fruit d’un pouvoir arbitraire mais d’une concertation. » (p. 98). Il est important de passer du temps sur les règles à respecter et d’en discuter avec les élèves.
2) Le regard de l’enseignant : L’expressivité du regard a un impact important sur la communication relationnelle dans l’acte éducatif et ainsi sur le comportement des élèves (Blin & Gallais, 2001). Il est primordial d’être à l’aise devant une classe (Rey, 2012). L’enseignant doit regarder ses élèves de manière communicative, attentive et vivante. Le regard que l’enseignant pose sur l’élève l’invite à s’affirmer et va l’aider à s’exprimer plus librement. Ce regard signifie « tu existes et je m’intéresse à toi », une relation s’établit (Blin & Gallais, 2001). En d’autres termes, il s’agit de toujours utiliser son regard de manière à ce que celui-ci soit fixe et non fuyant. Selon Richoz (2009) : « Le regard est un des meilleurs « outils » pour s’imposer par sa présence et entrer en relation avec les élèves. C’est l’un des premiers à utiliser quand on se trouve face à une classe difficile. L’enseignant regarde la classe pour communiquer et il est constamment sous le regard des élèves. Il doit apprendre à supporter tous ces yeux qui le dévisagent, scrutent son habillement et ses moindres réactions ». (p. 339). Selon Richoz (2009), l’erreur à ne pas commettre est de balayer de manière anonyme ou de rester le regard perdu dans le fond lointain de la classe. Il faut regarder les élèves droit dans les yeux, de manière individuelle, en veillant à poser sans regard sur tous les élèves, et ainsi les surprendre et les habituer à pouvoir bénéficier à tout moment d’un instant de communication sélective privilégiée.
3) L’art de parler Pour se faire respecter, l’enseignant doit réussir à capter l’attention de ses élèves et donc parvenir à se faire écouter. « La voix est à la fois l’outil privilégié de communication de l’enseignant et un organe qui révèle d’une manière très intime sa présence aux élèves » (Richoz, 2009, p. 343). Il y a beaucoup de paramètres qui entrent en jeu pour une utilisation optimale de sa voix, comme l’intensité, la hauteur, l’intonation ou encore le débit. Il est aussi important de parler distinctement et d’articuler. Concernant l’intensité, Rey (2012) conseille de « démarrer avec un volume modéré. Si le bruit de fond augmente, il peut être utile d’abaisser brutalement le volume de la voix : le public a alors tendance à réduire les bruits parasites afin de continuer à entendre. » (p. 82). L’art de parler se travaille et s’apprend avec le temps et l’expérience.
1. Préambule |