Evolution de la contrainte de démarrage après un temps de repos
Le Régime solide
L’une des problématiques apparentées aux forages complexes est la prédiction de la pression nécessaire au redémarrage du fluide de forage dans le puit. Effectivement, en fonction du temps d’arrêt de circulation (temps de repos), la pression ou contrainte seuil nécessaire pour permettre l’écoulement du fluide augmente sensiblement. Après un long temps de repos, pour des raisons de maintenance par exemple, il est dans certains cas impossible de remettre en circulation le fluide si les pompes à boue ont été mal dimensionnées au départ. Ici nous allons nous intéresser à l’évolution de la contrainte de redémarrage dans le cas de notre boue de forage réelle après différents temps de repos. De ce fait nous étudions les propriétés mécaniques créées pendant ce temps de repos. Puis nous verrons comment à partir d’un modèle simple de fluide à seuil thixotrope, nous pourrons, à partir de mesures réalisables sur chantier, prédire l’élévation du niveau du seuil apparent conduisant au redémarrage de ces fluides complexes.
Evolution de la contrainte de démarrage après un temps de repos
Nous réalisons des mesures de « gel », c’est-à-dire des mesures nous donnant la contrainte maximum atteinte pour un cisaillement imposé de 5.1 s-1, ce qui correspond aux mesures normalisées A.P.I.. Pour réaliser ces mesures nous utilisons le rhéomètre à contrainte imposée Haake RS 150 avec la cuve rainurée et la géométrie vane comme mobile. Nous appliquons alors le protocole décrit au chapitre 2. Sur la figure 31-1 a., nous observons tout d’abord aux temps courts que la contrainte apparente augmente avec le temps de repos avant de relaxer vers un niveau commun à toutes les mesures autour de 4 Pa. Au repos le matériau se structure progressivement avec le temps et se déstructure sous cisaillement vers un état structurel d’équilibre pour le cisaillement imposé considéré ici. Nous avons donc accès ici, sans réaliser de mesures dans le domaine solide proprement dit (dans le régime linéaire voir chapitre 1) au niveau de structuration en fonction du temps de repos. Pour observer plus précisément son évolution, nous traçons la contrainte seuil apparente, correspondant au pic de contrainte (Figure 31-1 a.), en fonction du temps de repos imposé (Figure 31-1 b.). Nous remarquons alors que la contrainte seuil apparente augmente très rapidement lors des premiers instants du repos, et sature sur les temps plus longs. La structure réalisée au repos évolue très rapidement au temps courts puis progressivement, la structuration ralentit vers un niveau maximal. La physico-chimie du système réel présente une structuration élevée sur les premiers instants.
Modélisation
Sur le lieu du forage, la thixotropie est évaluée en regardant l’élévation de la contrainte seuil suivant les mesures normalisées avec et sans temps de repos. Cette méthode ne prend pas en compte les différents aspects des fluides thixotropes comme la cinétique de structuration mais seulement les modifications mécaniques à l’issue d’un repos de 10 min. seulement (« gel 10 »). Nous proposons dans cette partie une description plus complète des propriétés thixotropes du fluide de forage étudié. La méthode suivante est basée sur le même type de mesures simples, mais l’utilisation d’un modèle thixotrope nous permet ici de prendre en compte la cinétique de structuration sur des temps beaucoup plus longs et d’une manière beaucoup plus juste. Nous avons vu que l’évolution du seuil apparent d’écoulement était fonction de la structuration du fluide au repos et que le cisaillement imposé permettait de casser la structure créée, tendant à faire couler le fluide initialement à différents niveaux de structure vers un état 71 fluide similaire. Pour décrire cela, nous allons maintenant utiliser le modèle thixotrope simple décrit au chapitre 1.
Contrainte seuil apparente
Ce modèle ne décrit pas intrinsèquement l’arrêt de l’écoulement ou son démarrage et ne peut prédire la transition solide / liquide pour un matériau initialement au repos. Cependant, pour résoudre notre problème, nous considérons que le matériau est initialement au repos dans un état structurel λ0 et nous imposons une contrainte constante τ. Le modèle prédit que quand τ est inférieur à une valeur critique (τc), λ augmente avec le temps et tend vers l’infini et donc la viscosité tend également vers l’infini. On considère alors que l’écoulement apparent du matériau s’arrête. Ici le terme de structuration domine la compétition. Lorsque τ est plus grand que τc, le matériau s’écoule en régime permanent. On retrouve alors bien un comportement similaire observé lors de nos mesures de « gels ». Nous pouvons écrire la contrainte seuil à partir des équations 1.31 et 1.33Considérons maintenant notre expérience de mesure de « gel ». Le matériau a donc été précisaillé à un fort cisaillement puis laissé au repos durant un temps Δt. A la fin du précisaillement le paramètre de structure λ est très faible (λi<<1). Alors le matériau se restructure comme l’indique l’équation 1.33 avec γ = 0 . Nous avons donc à la fin de la période de repos λ=λi + Δt/θ qui peut être simplifié par Δt/θ tant que Δt > θ.
Détermination expérimentale des paramètres
Nous venons de définir l’expression de la contrainte seuil apparente dans nos conditions d’expériences, nous cherchons maintenant à déterminer les paramètres du modèle thixotrope à partir d’une expérience simple réalisable sur chantier. Nous reprenons alors la méthodologie des mesures normalisées A.P.I. de « gels ». Comme décrit dans le chapitre 2. Ces dernières se limitent à une mesure des propriétés initiales, le « gel0 », réalisée pour un temps de repos de Δt0=10 s, et à laquelle correspond la valeur de contrainte seuil apparente τ0, et à une mesure à Δt1=600s donnant τ1 et correspondant à la mesure normalisée « gel10 ». A partir de mesures sur chantier, il est également possible d’obtenir la valeur de contrainte d’équilibre τ∞ obtenue dans l’état stationnaire représenté sur la figure 31-1 a. par la valeur du plateau aux temps 3.10 3.11 72 longs. A partir des expériences représentées sur les figures 31-1 a. et b. nous déterminons les valeurs nécessaires au calcul des paramètres du modèle : on trouve τ0=5.8 Pa et τ1=14 Pa, on détermine le temps Δ1/2= 0.6s.Il faut cependant remarquer que les expériences ont été réalisées avec un rhéomètre de laboratoire évolué, mesurant avec précision le pic de contrainte. La lecture de la déviation maximale avec le Fann® 35 est loin d’être aussi précise. iv. Application : cas du redémarrage du fluide dans une conduite Nous considérons maintenant un fluide de forage thixotrope circulant rapidement à travers l’annulaire d’une conduite concentrique de longueur ΔL et de rayon interne Rint et externe Rext. Nous prendrons dans la suite pour simplifier un rayon équivalent R correspondant au cas d’une conduite simple et fonction des caractéristiques rhéologiques de la boue de forage considérée. La boue de forage circulant rapidement i.e. à un haut gradient de vitesse, suffisamment longtemps, nous admettons que le fluide est complètement déstructuré et donc que son paramètre de structure est proche de zéro. Nous supposons un arrêt de circulation puis une période de repos Δt. La circulation du fluide est relancée et comme dans nos expériences rhéométriques, la pression dans l’annuaire augmente rapidement avant d’atteindre un maximum à ΔP et de diminuer ensuite vers un état d’équilibre. La valeur de ΔP peut être prédite comme nous l’avons fait précédemment pour les caractéristiques rhéologiques.