Evaluation du traitement UV/H₂O₂ pour l’élimination des micropolluants

Evaluation du traitement UV/H₂O₂ pour l’élimination des micropolluants

Comparaison des traitements UV et UV/H₂O₂

Des expériences préliminaires ont été conduites pour répondre à deux objectifs principaux : • Evaluer et valider le pilote de laboratoire sur différentes qualités d’eaux. En effet, la qualité de l’eau (transmittance, contenu en matière organique, concentrations en micropolluants…) en sortie de STEU peut varier sensiblement sur un site donné, en fonction de la météo ou de la saison, ainsi que d’une installation à une autre. Deux matrices différentes ont donc été étudiées pour vérifier l’impact de la qualité de l’eau sur l’efficacité du traitement. L’eau du réseau a été choisie comme matrice contenant peu de matière organique et présentant une très bonne transmittance à la longueur d’onde de 253,7 nm (T = 97 %). Les résultats sont comparés à ceux obtenus dans une eau usée traitée prélevée à la STEU de la Feyssine (T = 55-70 %). Evaluer l’efficacité des traitements UV et UV/H₂O₂ sur un mélange d’hormones (E1, E2 et EE2) en conditions proches de la réalité pour déterminer les doses UV et les concentrations en H₂O₂ optimales. L’objectif de traitement est fixé à 80 % d’abattement des molécules initiales. Il se base sur la nouvelle loi sur l’eau Suisse (OEaux, 814.201) qui impose 80 % d’abattement sur cinq molécules sentinelles. Les concentrations en oxydant testées sont 10, 40 et 90 mg/L.La photolyse UV est tout d’abord évaluée dans les deux matrices étudiées et comparée ensuite au traitement UV/H₂O₂. Les constantes et les taux de dégradation sont déterminés selon la méthodologie expliquée dans II.3.2. IV.2.1 Effets des matrices et de la concentration en H₂O₂ IV.2.1.1 Traitement d’E1, E2 et EE2 par UV IV.2.1.1.1 Cinétique de dégradation Les cinétiques de dégradation sont réalisées dans le pilote en laboratoire selon la méthode décrite dans II.3.1. Il a été choisi dès le départ d’utiliser la dose UV calculée à partir du logiciel UVCalc2 (Bolton photosciences) afin de prendre en compte la transmittance de l’eau et le débit de circulation dans le pilote. Le fait d’être en mode 2 (circuit fermé) implique que le volume de solution traitée a aussi une incidence sur la dose appliquée à l’eau. Dans le cadre de cette expérience, le volume traité est fixé à 50 L et le débit à 40 L/min, correspondant à un temps de séjour d’ 1,7 secondes par cycle. A titre d’exemple, la Figure IV.1 montre les cinétiques de dégradation obtenues pour E1 dans l’eau du réseau (ER) et l’eau de STEU (ET B). A partir des équations de droite obtenues, il est possible de déterminer la constante de dégradation k pour chaque hormone ainsi que la dose UV correspondant à 80 % d’abattement. Les cinétiques obtenues sont toutes du pseudo premier ordre. L’ensemble des constantes de dégradation est présenté Figure IV.2. Le traitement UV dégrade plus rapidement E1 qu’E2 et EE2 dans les deux matrices étudiées. Les constantes de dégradation d’E2 et EE2 dans l’eau du réseau sont respectivement 18 et 10 fois plus faibles que celle d’E1. Dans l’eau usée traitée, les rapports sont du même ordre de grandeur (15 et 9 fois plus faibles pour E2 et EE2). Les constantes de dégradation des hormones estrogéniques sont du même ordre de grandeur dans l’eau du réseau et l’eau usée traitée. La matrice (matière organique, matière en suspension solide ou dissoute) semble ne pas avoir d’influence sur les constantes de dégradation d’E2 (0,06 dans ER et 0,07 dans ET) et EE2 (0,12 dans ER et 0,14 dans ET) qui restent très faibles. En revanche, la constante de dégradation d’E1 est 35 %plus faible dans l’eau usée traitée. L’obtention d’une constante de dégradation plus rapide pour E1 par rapport à E2 et EE2 résulte de sa capacité à mieux absorber les photons émis à la longueur d’onde de 253,7 nm par rapport aux deux autres hormones. En effet, E1 présente un fort rendement quantique comparé à E2 et EE2 : Pereira et al. (2012) ont mesuré des rendements quantiques de 5,45, 0,06 et 0,09 pour E1, E2 et EE2, respectivement. La diminution de la constante de dégradation de E1 dans ET par rapport à ER peut s’expliquer par la transmittance plus faible de l’eau usée traitée. Étant donné qu’E1 absorbe plus fortement les UV que E2 et EE2, sa dégradation sera beaucoup plus impactée dans la matrice ET. En effet, la matière organique présente va agir comme un filtre UV et diminuer l’efficacité du traitement. Cette observation est en contradiction avec celle de Peireira et al. (2012) qui observe une meilleure dégradation d’E1 dans une matrice complexe (eau de surface) par rapport à une eau ultra pure. Ils expliquent ce résultat par un phénomène de photolyse indirecte qui peut se produire dans des matrices complexes. En effet, le rayonnement UV peut conduire à la formation de radicaux libres oxydants lors de l’exposition de certaines molécules (nitrates, acides humique) présentes dans des matrices complexes comme l’eau usée traitée. Même si l’eau usée traitée utilisée dans la présente étude (ET A) contient des nitrates (Tableau II.6) connus pour être des précurseurs de radicaux hydroxyles (Brezonik and Fulkerson-Brekken, 1998; Park et al., 2014), elle ne contient probablement pas assez de précurseurs de radicaux hydroxyles pour compenser la faible transmittance de l’eau. Toutefois, dans la présente étude, le protocole mis en place ne permet pas de faire la part entre photolyse directe et photolyse indirecte. 

Taux d’abattement à 1000 mJ/cm² 

A partir des équations de droites représentatives des cinétiques de dégradation de chaque hormone, il est possible de calculer le pourcentage d’abattement pour une dose donnée. Une dose de 1000 mJ/cm² est utilisée pour comparer les différents traitements car selon Rosenfeldt et al (2004), il s’agit d’une dose UV maximale pertinente pour le traitement de l’eau. Au-delà, les coûts techniques et énergétiques sont trop importants. D’après la Figure IV.3, cette dose ne permet d’éliminer que 70 % d’E1 dans l’eau du réseau et 60 % dans l’eau usée traitée. Les hormones E2 et EE2 sont à peine dégradées dans les deux matrices étudiées (< 7% and <13%, respectivement). L’efficacité de la photolyse UV est donc limitée pour l’élimination des composés estrogéniques ciblés. D’après la nouvelle loi Suisse (OEaux, 814.201), au moins 80% des 5 composés sentinelles (I.1.3.6 page 23) doivent être dégradés en STEU avant rejet des effluents vers le milieu récepteur. En extrapolant cet objectif aux estrogènes, il faudrait, pour dégrader 80% d’E1 dans l’eau usée traitée, appliquer une dose d’environ 1800 mJ/cm². Cet objectif est possible mais l’émission d’une forte dose UV est économiquement incompatible avec une utilisation en petites STEU. D’autre part, la dégradation d’E2 et d’EE2 par photolyse est si faible que des doses UV irréalistes devraient être appliquées pour atteindre l’objectif de traitement. Ces résultats permettent de conclure que la photolyse UV n’est pas efficace pour éliminer les estrogènes des eaux usées traitées à des doses UV pertinentes. Dès lors, l’attention s’est portée sur le traitement UV/H₂O₂

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Traitement d’E1, E2 et EE2 par UV/H₂O₂ 

Le traitement UV/H₂O₂ est évalué pour 3 doses différentes d’oxydant (10, 40 et 90 mg/L). Le choix de ces doses est basé sur la littérature scientifique et prend en compte le coût de l’oxydant pour une application future à échelle réelle.

Cinétique de dégradation 

De la même manière que pour la photolyse UV, les équations des droites issues des cinétiques réalisées après traitement UV/H₂O₂ permettent de déterminer les constantes de dégradation des différentes hormones aux trois doses d’H₂O₂ étudiées (10, 40 et 90 mg/L). La Figure IV.4 montre les résultats obtenus pour E1 dans ER en comparaison avec le traitement UV seul. La même démarche est réalisée pour les autres hormones (E2 et EE2) et dans les deux matrices étudiées (ER et ET)La Figure IV.5 regroupe toutes les constantes de dégradation calculées après traitement UV/H₂O₂ dans ER et ET.et les compare au traitement UV. Les constantes de dégradation sont toutes plus élevées après traitement UV/H₂O₂ qu’après traitement UV. La dégradation d’E2 dans l’eau du réseau est par exemple 95 fois plus rapide après traitement UV + H₂O₂ à 90 mg/L qu’après simple traitement UV. De plus, le traitement est plus efficace lorsque la concentration en oxydant augmente. Le traitement le plus efficace est observé avec 90 mg/l d’H₂O₂ pour l’ensemble des hormones. L’effet de la concentration en H₂O₂ est également montré dans d’autres études (Hansen et Andersen, 2012; Ma et al. , 2015). Le traitement UV/H₂O₂ est sensiblement altéré par la qualité de la matrice, pour les trois molécules ciblées. Toutes les constantes de dégradation observées dans l’eau usée traitée sont plus faibles que celles obtenues dans l’eau du réseau (20% à 50%). Cette différence est due à la présence de matière organique qui peut agir comme un filtre UV et limiter ainsi l’exposition du peroxyde d’hydrogène au rayonnement UV avec pour conséquence une plus faible formation de radicaux hydroxyles (Olmez-Hanci et al. , 2014). D’autre part, les radicaux hydroxyles formés peuvent réagir avec d’autres molécules ou ions présents dans les matrices complexes. Les réactions avec les hormones cibles seront par conséquent moins fréquentes d’où un ralentissement de leur dégradation. Certains inhibiteurs de radicaux sont déjà connus. Il s’agit principalement des ions chlorures (Cl- ), hydrogénocarbonates (HCO3 – ) et sulfates (SO4 2-) (Ijpelaar et al., 2010; Li et al., 2013). Ces ions n’ont pas été recherchés spécifiquement dans ET A ni ER. 

Taux d’abattement à 1000 mJ/cm²

 Les résultats présentés dans la Figure IV.6 indiquent que l’augmentation de la concentration en H₂O₂ améliore fortement les taux de dégradation des hormones. Une concentration en oxydant de 10 mg/L ne permet d’atteindre l’objectif de 80 % d’abattement que pour E1. Les deux autres traitements (UV + 40 mg/L d’H₂O₂ et UV + 90 mg/L d’H₂O₂) sont efficaces sur toutes les hormones. Une concentration de 40 mg/L d’H₂O₂ permet d’éliminer plus de 90% de l’ensemble des composés ciblés couplée à une dose de 1000 mJ/cm² dans les deux matrices. En doublant la concentration en oxydant, le gain d’abattement est minime (< 1%). Lors de leurs expérimentations (lampes UV MP), Hansen et Andersen (2012) ont mis en évidence une augmentation des taux de dégradation des micropolluants suivis (dont E1, E2 et EE2) après l’ajout d’une plus forte concentration en H₂O₂ (10, 30, 60 et 100 mg/L). Cependant, à partir d’une concentration de 100 mg/L, ils observent une baisse d’efficacité de la dégradation. Un phénomène similaire a été signalé pour d’autres micropolluants comme les produits pharmaceutiques (Rosario-Ortiz et al. , 2010). En effet, plus la concentration en oxydant est importante dans le réacteur UV, plus la quantité de radicaux formés est élevée et plus la dégradation des molécules estrogéniques sera aisée. Cependant, à partir d’une certaine concentration, l’H₂O₂ lui-même peut agir comme un inhibiteur de radicaux OH• en formant le radical HO2•, moins réactif que le radical hydroxyle, ce qui explique la diminution de l’efficacité du traitement. Cette tendance est observée dans la présente étude mais l’utilisation de doses en oxydant plus élevées serait nécessaire pour le confirmer ici. En présentant graphiquement les concentrations en H₂O₂ nécessaires pour éliminer 80% des estrogènes dans l’eau usée traitée en fonction des doses UV (Figure IV.7), il est possible d’observer qu’en dessous d’une concentration en oxydant de 20 mg/L, les doses UV requises dans les conditions de cette étude sont trop importantes (> 1000 mJ/cm²) et non viables économiquement pour une utilisation dans les petites STEU. A l’inverse, de trop fortes concentrations en H₂O₂ (> 50 mg/L) vont devenir très couteuse et ne compenseront pas le gain énergétique. Sachant que le coût du peroxyde d’hydrogène est l’un des facteurs limitant du procédé UV/H₂O₂, sa concentration doit donc être optimisée au maximum en fonction de la qualité de l’eau et des objectifs de traitement.

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