Evaluation du traitement de l’hypospadias
antérieur ou moyen
L’hypospadias est une malformation congénitale caractérisée par une hypoplasie des tissus formant la face ventrale de la verge. Il associe classiquement 3 anomalies : -un abouchement ectopique du méat urétral à la face ventrale de la verge, -une coudure ventrale de la verge, -un prépuce en tablier de sapeur. Les localisations antérieure ou moyenne sont plus fréquentes que la localisation postérieure, avec une incidence variable selon les pays [1-2]. Le diagnostic est essentiellement clinique. Sa prise en charge est chirurgicale et consiste en la création d’un néo-urètre prolongeant l’urètre natif jusqu’au sommet du gland, donnant ainsi à la verge un aspect le plus proche possible de la normale. Le but de la prise en charge chirurgicale de l’hypospadias est la création d’un néo-urètre fonctionnel, la correction de la coudure afin de donner au pénis une apparence cosmétique la plus proche possible de la normale. Le tout, avec le minimum de complications. Durant ces dernières décennies, on a assisté à un intérêt croissant pour les techniques utilisant la plaque urétrale pour la reconstruction de l’urètre dans l’hypospadias antérieur ou moyen. La technique de Duplay constitue une des premières techniques de tubulisation de la plaque urétrale décrite[3]. Son association à l’artifice de Snodgrass, à chaque fois que la plaque urétrale est conservée et de bonne qualité, avait permis d’améliorer les résultats de la cure[3]. Ainsi la technique de Duplay-Snodgrass donne de bons résultats, selon les différents travaux publiés, qui sont pour la plupart réalisés dans des pays développés.La chirurgie de l’hypospadias étant une chirurgie plastique, elle doit obéir à des principes rigoureux et être réalisée par un personnel qualifié, pour garantir la réussite de cette chirurgie de reconstruction. Au Sénégal, les études portant sur les évaluations des techniques opératoires utilisées dans le traitement de l’hypospadias sont rares. L’objectif de notre étude était de rapporter les cas d’hypospadias antérieur ou moyen traités par les techniques de Duplay ou Duplay-Snodgrass et de comparer les résultats de ces deux techniques. Pour atteindre ces objectifs, nous avons adopté le plan suivant : -Dans une première partie, nous allons faire un rappel épidémiologique, embryologique, anatomo-pathologique, diagnostique et thérapeutique de l’hypospadias antérieur ou moyen. -Dans une deuxième partie, nous exposerons notre méthodologie, nos résultats et leur discussion. -Nous terminerons par une conclusion et des recommandations.
EPIDEMIOLOGIE DESCRIPTIVE
La fréquence de l’hypospadias a connu une évolution variable en 2 temps. Avant les années 1990, la fréquence de l’hypospadias n’a cessé de croitre. En Hongrie la fréquence passait de 5,5 à 23,5/10000 naissances durant la période 1960-1970. Au Royaume Unis, elle passait de 7,3 à 16/10000 naissances entre 1960 et 1980. La même tendance est constatée aux Etats Unis, avec une fréquence qui passait de 20,2 à 39,7/10000 naissances entre 1970-1993 [1]. Cependant, à partir des années 90, la fréquence de l’hypospadias est restée sensiblement inchangée. Une des explications avancée, en ce qui concerne l’augmentation de la fréquence de l’hypospadias, serait l’amélioration progressive des connaissances des médecins par rapport à l’hypospadias et l’importance du prépuce dans la chirurgie de l’hypospadias. Ceci a incité ces derniers à examiner soigneusement la verge avant la circoncision à la recherche de cette malformation [4]. Cependant, des problèmes méthodologiques concernant les registres nationaux répertoriant les malformations pouvaient aussi expliquer cette augmentation de la fréquence. Ces registres étaient la seule source de donnée pour l’étude des malformations [1]. Ces problèmes méthodologiques ont été surmontés au milieu des années 90 grâce à l’amélioration de la qualité des registres nationaux. A coté de ces problèmes méthodologiques, plusieurs études ont conclu en une variation géographique de la fréquence de l’hypospadias. En Europe par exemple durant la période 1960-1990, on constate une grande différence en fonction des pays concernés, allant de 2,0 à 39,7/10000 nouveaux nés selon les registres européens [1]. Certaines études ont constaté des différences au sein du même pays, comme le montre l’étude réalisée au Pays Bas par Pierik et al. entre 1998 et 2000[5]. Cette étude a mis en évidence une fréquence d’hypospadias de 38/10000 nouveaux nés à Rotterdam et qui est 6 fois plus élevée que celle rapportée pour le sud-ouest des Pays Bas (6,2/10000 nouveaux nés). La fréquence de l’hypospadias antérieur, est aussi variable selon les pays. On note qu’au Pays-Bas dans l’étude réalisée à Rotterdam, 51% des hypospadias enregistrés étaient balanique ou balano-prénuptial alors qu’en Finlande ces 2 variétés représentaient 95% des cas d’hypospadias rapportés [1-5]. Dans beaucoup de pays l’hypospadias antérieur ou moyen est considéré comme une malformation bénigne dont la déclaration au niveau du registre national de malformation n’est pas toujours réalisée [6]. A titre d’exemple, en Australie et au Japon, seuls les hypospadias sévères (pénien postérieur, péno-scrotal, scrotal et périnéal), sont rapportés au niveau des registres nationaux ; les autres formes distales étant considérées comme bénignes [2]. Tous ces problèmes rendent compte de la difficulté de la réalisation d’études multicentriques, d’où la nécessité d’une élaboration de critères standards aussi bien pour la classification que pour le traitement.
LES FACTEURS DE RISQUES
L’hypospadias reste l’une des malformations génitales les plus fréquentes. Cependant, les facteurs de risque sont mal définis. Les facteurs étiologiques sont généralement divisés en facteurs génétiques et facteurs environnementaux. Parmi les facteurs génétiques incriminés on cite: -l’hérédité familiale -les mutations génétiques qui concernent plusieurs gènes comme le gène du récepteur aux androgènes, le gène de la 5 alpha réductase type 2. l’hypospadias est associé à plusieurs syndromes comme le syndrome de Fraser, le syndrome de Mowat-Wilson, le syndrome des yeux du chat, l’association aniridie-tumeur de Wilms-hypospadias…. -race : quelques études ont constaté une possible association entre l’hypospadias et la race (fréquence élevée chez les enfants d’origine turque, et une moindre fréquence chez les hispaniques) [9] A coté de ces facteurs génétiques, les facteurs environnementaux sont de plus en plus incriminés: -les médicaments: l’utilisation lors de la grossesse de certains médicaments comme l’acide valproique, le lopéramide, la nystatine, le diéthylstilbestrol, – les drogues illicites comme la cocaïne, -le tabagisme, -des facteurs maternels comme l’obésité, l’âge avancé, les aliments contenant des toxines, -les perturbateurs endocriniens comme les pesticides, les phytoestrogènes, les polluants atmosphériques, les phtalates, le bisphenol-A (largement utilisé dans l’industrie du plastique), -l’insuffisance placentaire : plusieurs études ont mis en évidence cette association. L’hypothèse la plus probable serait une perturbation de la sécrétion d’HCG.
RAPPELS EMBRYOLOGIQUES
La différenciation sexuelle
La différenciation sexuelle des sujets génétiquement mâles commence à la fin de la sixième semaine, lorsqu’un gène spécifique du chromosome Y (SRY) est exprimé dans les cellules des cordons sexuels. Les embryons dans lesquels ce gène n’est pas exprimé se développent comme des femelles même si le chromosome Y est présent. Le produit de ce gène, appelé protéine SRY, initie un développement en cascade qui aboutit à la formation des testicules, des voies spermatiques, des voies associées, des organes génitaux externes mâles ainsi que les caractères sexuels secondaires masculins. A coté de cette action dominante du SRY, d’autres gènes jouent un rôle important dans la différenciation sexuelle. Le taux d’expression de ces gènes parait tout aussi critique pour la gonadogénèse. Parmi ces gènes on cite : le gène WT1 (chromosome 11), le gène SOX9 (chromosome17), le gène SF1 (chromosome9), le gène DAX1 (chromosome X), le gène de l’AMH (chromosome19) (figure 1). Figure 1 : facteurs génétiques de la différenciation sexuelle. Les voies génitales internes de l’embryon, jusqu’à la 6eme semaine du développement intra-utérin (Diut) et quelque soit le sexe de l’embryon, sont représentées par deux paires de conduits génitaux que sont les canaux de Wolff et les canaux de Müller. Ces canaux prendront l’une ou l’autre direction selon les hormones produites. Au cours de la 7ème semaine développe à partir de gonades indifférenciées, permettant ainsi, entre autre, la sécrétion de la testostérone et A partir de la 8ème semaine Muller régressent et laissent en place des vestiges (hy prostatique). D’autre part les canaux de Wolf vont se développer et se différencier. Les organes génitaux externes indifférenciés comprennent une paire de bourrelets labio-scrotaux (bourrelets génitaux), une paire de plis urogén séparée par la membrane urogénitale et un tubercule génital différenciation nécessite la conversion de la testostérone en dihydrotestosterone Cette dernière va entrainer, morphologiques progressives aboutissant aux organes génitaux externe masculin avec la formation du scrotum par soudure des bourrelets labio au niveau de la ligne médiane, corps du pénis et le gland. La mem gouttière urétrale. Figure 2 : les organes génitaux externes indifférenciés. et les canaux de Müller. Ces canaux prendront l’une ou l’autre direction selon me semaine du Diut et sous l’influence du SRY, le testicule se éveloppe à partir de gonades indifférenciées, permettant ainsi, entre autre, la sécrétion de la testostérone et de l’AMH. me semaine du Diut et sous l’influence de l’AMH les canaux de Muller régressent et laissent en place des vestiges (hydatide sessile et utricule prostatique). D’autre part les canaux de Wolf vont se développer et se Les organes génitaux externes indifférenciés comprennent une paire de scrotaux (bourrelets génitaux), une paire de plis urogén séparée par la membrane urogénitale et un tubercule génital différenciation nécessite la conversion de la testostérone en dihydrotestosterone Cette dernière va entrainer, à partir de la 8ème semaine, des modifications progressives aboutissant aux organes génitaux externe formation du scrotum par soudure des bourrelets labio au niveau de la ligne médiane, l’allongement du tubercule génitale donnant le corps du pénis et le gland. La membrane uro-génitale va laisser place à une : les organes génitaux externes indifférenciés. 8 et les canaux de Müller. Ces canaux prendront l’une ou l’autre direction selon et sous l’influence du SRY, le testicule se éveloppe à partir de gonades indifférenciées, permettant ainsi, entre autre, la t sous l’influence de l’AMH les canaux de datide sessile et utricule prostatique). D’autre part les canaux de Wolf vont se développer et se Les organes génitaux externes indifférenciés comprennent une paire de scrotaux (bourrelets génitaux), une paire de plis urogénitaux (figure 2). Leur différenciation nécessite la conversion de la testostérone en dihydrotestosterone. des modifications progressives aboutissant aux organes génitaux externes de type formation du scrotum par soudure des bourrelets labio-scrotaux allongement du tubercule génitale donnant le génitale va laisser place à une .Les plis urogénitaux vont s’unir à la face caudale pour donner le raphé médian. Au centre, il y a une prolifération de l’endoderme à partir de la gouttière urétrale formant un massif plein appelé la lame urétrale. Ceci se fait selon une progression crânio-caudale. Cette lame urétrale va se creuser pour former le pli urétral puis l’urètre pénien. La formation de l’urètre pénien est acquise vers le 3ème mois du Diut(figure 3). Figure 3 : formation de l’urètre pénien et balanique. L’urètre balanique se forme, quant à lui, au cours du 4ème mois du Diut. Deux hypothèses étaient développées pour expliquer la formation de l’urètre balanique (figure 4). Une première voulait que l’urètre balanique soit d’origine ectodermique et qu’une invagination épithéliale au sein du gland était à l’origine de cette portion d’urètre. Les travaux d’immuno-histochimie de Baskin [13] ont montré que l’urètre est d’origine endodermique sur toute sa longueur, de la base à l’apex. La plaque urétrale continue sa croissance dans le tubercule génital et se tubulise jusqu’au niveau de l’apex du gland où elle se différencie en épithélium stratifié. Figure 4 : théories du développement de l’urètre balanique. Le prépuce possède une origine ectodermique. Son développement s’effectue durant le 2ème mois du Diut par la croissance de replis préputiaux en parallèle avec la croissance du tubercule génital. Après la fin de la tubulisation de la gouttière urétrale, le prépuce fusionne sur la face ventrale de la verge entre le 3ème et le 4ème mois du Diut.
Embryogenèse de l’hypospadias
L’hypospadias est provoqué par un arrêt du développement de l’urètre pendant la période embryologique de la différentiation sexuelle. La localisation du méat hypospade dépend du moment où, pendant l’embryogenèse du sexe phénotypique masculin, les différentes fusions devant former l’urètre ont échoué. Plusieurs localisations peuvent être observées : -l’hypospadias glandulaire correspond à un développement défectueux de l’endoderme distale du méat urétral ce qui en résulte une invagination défectueuse de l’épithélium du gland (figure 5). Théorie 2 : transformation endodermique en épithélium stratifié Théorie 1 : invagination ectodermique 11 Figure 5 : développement embryologique de l’hypospadias glandulaire. -l’hypospadias pénien est secondaire à une fusion incomplète des replis génitaux (figure 6). Figure 6 : développement embryologique de l’hypospadias pénien. -l’hypospadias péno-scrotal correspond à une fusion partielle des bourrelets génitaux (figure 7) -l’hypospadias périnéal correspond à un défaut de fusion des bourrelets génitaux avec localisation périnéale du méat hypospade. Cet état s’accompagne d’un retard de croissance du pénis de sorte que les organes génitaux externes ressemblent à ceux d’une fille à la naissance. Figure 7 : développement embryologique de l’hypospadias péno-scrotal 3
RAPPELS ANATOMIQUES
L’urètre chez l’homme représente un long canal qui a une double fonction : fonction urinaire et génitale. Il s’étend du col vésical sur la ligne médiane, traverse la prostate (urètre prostatique), le diaphragme uro-génital (urètre membranacée) et le corps spongieux (urètre spongieuse) et se termine au sommet du gland par le méat urétral.
Les dimensions de l’urètre masculin
La longueur
L’urètre dans sa partie prostatique mesure 3 cm, la partie membranacée 1,5 cm et la partie spongieuse 12 cm.
Le calibre
Le calibre de l’urètre est variable lors de la miction. Il présente trois zones de dilatation (fosse naviculaire, cul de sac bulbaire et le sinus prostatique) et quatre zones de rétrécissement physiologique (col vésical, partie membranacée, partie moyenne de l’urètre spongieux et le méat urétral qui est la zone la plus étroite).
La configuration interne de l’urètre masculin
L’urètre prostatique présente une saillie médiane sur sa paroi postérieure, le veru-montanum avec trois orifices au sommet (2 orifices des canaux éjaculateurs qui sont localisés de part d’autre de l’orifice de l’utricule prostatique). L’urètre membraneux présente des plis longitudinaux qui s’effacent lors de la miction. L’urètre spongieux est marqué par des plis longitudinaux, les orifices des glandes bulbo-urétrales (au niveau du cul de sac bulbaire), les lacunes urétrales et la fosse naviculaire (qui présente au niveau de sa paroi dorsale la valvule de la fosse naviculaire).
Les rapports de l’urètre masculin
La partie prostatique est entourée à son origine par le col vésical puis la prostate. La partie membranacée est entourée du sphincter strié et répond en arrière aux glandes bulbo-urétrales. La partie spongieuse est entièrement engainée dans le corps spongieux(figure 8). Son segment périnéal répond en bas et en arrière, de la superficie à la profondeur à la peau, au fascia superficialis, au tissu cellulaire sous cutané, au fascia superficiel du périnée, puis aux muscles superficiels antérieurs. L’urètre spongieux, dans son segment pénien est logé en haut dans la gouttière que forment les corps caverneux. En bas, l’urètre pénien et le corps caverneux répondent aux enveloppes du pénis qui sont (de la superficie à la profondeur) : la peau, le fascia superficiel du pénis, une couche celluleuse puis le fascia profond du pénis. Au niveau du gland l’urètre est entouré par le tissu érectile du gland. La peau de la verge est très extensible et se prolonge par le prépuce qui recouvre plus ou moins complètement le gland, chez le sujet non circoncis. Le prépuce comprend une face cutanée et une face muqueuse.
INTRODUCTION |