Evaluation du test de Widal et Felix pour le diagnostic de la fièvre typhoïde
Structure antigénique des salmonelles
Comme toutes les bactéries à coloration Gram-négative, l’enveloppe des salmonelles est constituée de 3 éléments : la membrane cytoplasmique et la membrane externe étant séparées par un espace périplasmique constitué de peptidoglycane. Cette dernière structure confère à la bactérie sa forme et sa rigidité et lui permet de résister à une pression osmotique relativement élevée dans l’environnement [16].Les Salmonelles peuvent posséder trois types d’antigènes présentant un intérêt diagnostic:
Antigène somatique O (Ag O) :
Les Salmonelles possèdent des antigènes somatiques O (situés dans la paroi).On distingue 67 facteurs O selon la nature des sucres entrant dans la constitution des unités oligosaccharidiques du polysaccharide. La délétion par mutation de l’antigène O entraîne une perte partielle ou totale du pouvoir pathogène. Le lipopolysaccharide, constituant de la membrane externe est thermostable et correspond à l’AgO. Sa structure est représentée sur la figure 2 [17].
Evaluation du test de Widal pour le diagnostic de la fièvre typhoïde
Les antigènes O sont formés d’une fraction lipidique appelée lipide A qui est responsable des effets toxiques, du core ou partie basale et du polysaccharide support de la spécificité [18].Les antigènes sont classés en facteurs O majeurs et en facteurs O accessoires. Les facteurs majeurs sont liés à la présence de certains sucres (abaques pour O : 4, tylose pour O : 9).
Antigène flagellaire (Ag H) :
C’est un polymère de flagelline (protéine de structure des flagelles). Cet antigène est thermolabile, détruit par la chaleur à 100° C, par l’action de l’alcool et par les ferments protéolytiques. Il résiste au formol et perd son agglutinabilité par les anticorps en présence d’alcool et d’acide phénique. Son développement optimal s’obtient sur les milieux liquides mois après un séjour de 8 heures à 37 °C. La grande majorité des sérovars possèdent deux systèmes génétiques et peuvent exprimer alternativement deux spécificités différentes pour leur antigène flagellaire. On dit que les antigènes flagellaires de Salmonella sont diphasiques. [21].Ces derniers peuvent exister sous deux formes différentes : en phase I ou en phase II. Chaque Bactérie ne possède qu’une phase : une population comprend, en générale, des bactéries des deux phases. Lorsqu’une phase n’est pas représentée, il est nécessaire de réaliser une« inversion » de phase afin de l’obtenir en quantité suffisante. Cette technique consiste à faire cultiver la Salmonella dans une gélose semi-molle additionnée de la phase à éliminer et de recueillir, à distance du dépôt, les Salmonella qui possèdent des flagelles de la phase non agglutinée par les anticorps du milieu [22].
L’antigène K ou antigène de virulence (Ag Vi)
L’antigène K qui entoure la paroi de certaines entérobactéries peut masquer l’antigène O (e.antigène Vi, pour virulence, de Salmonella typhi) [23].Ces antigènes sont peu répandus chez les Salmonella. Ils peuvent masquer l’antigène O,rendant les bactéries O inagglutinables. Le chauffage à 100°C de la suspension bactérienne pendant une dizaine de minutes suffit en général à solubiliser l’antigène d’enveloppe et en conséquence à démasquer l’antigène O qui devient alors agglutinable. L’existence de l’antigène Vi n’est connue que chez trois sérovars de Salmonella : Typhi, Paratyphi C et Dublin. Les souches de ces sérovars ne possèdent pas obligatoirement l’antigène VI. Les Souches de Typhi riches en antigène Vi et O inagglutinales sont dites sous formes V, celles qui n’en possèdent pas et sont O agglutinables sont dites formes W [24].L’identification du sérotype est réalisée en se reportant au tableau de Kaufman & White qui donne la formule antigénique des formules répertoriés.
Caractères culturaux
Les salmonelles sont des germes mésophiles aéro-anérobies et hygrophiles qui se présentent sous forme de bâtonnets de deux à trois microns de long et de 0,6 à 0,8 microns de large. La plupart d’entre elles ne sporulent pas et ne possèdent pas de capsule.En effet, les Salmonelles cultivent sur des milieux ordinaires à base d’extraits de viande. A un pH voisin de la neutralité et à une température optimale de croissance de 37°C, les colonies sont généralement rondes, lisses (ou Smooth : S) à bords réguliers et ont un diamètre de 2 à 3mm. Les Salmonelles parviennent aussi à se développer, mais plus lentement, dans des conditions moins favorables de température (de 5 à 47°C) avec une croissance nettement ralentie pour les températures inférieures à 10°C. L’application d’une température de 72°C pendant 15 secondes, utilisée lors de pasteurisation assure leur destruction dans le lait [6].La réfrigération permet la survie des Salmonelles. La congélation provoque un abaissement de leur nombre mais n’entraîne pas leur complète disparition. Les Salmonelles supportent une gamme de pH allant de 4,5 à 9, avec un optimum entre 6,5 et 7,5. Elles se développent bien pour des valeurs d’activité de l’eau (Aw) oscillant entre 0,945 et 0,999. Dans les aliments, les Salmonelles peuvent se multiplier jusqu’à des valeurs d’Aw de 0,93. Les Salmonelles donnent des cultures homogènes après repiquage en bouillon. Il arrive exceptionnellement que des cultures de Salmonella soient isolées sous forme rugueuse (ou Rough : R). La plupart des Salmonelles sont capables de cultiver sur milieu minimum, sans facteur de croissance. Quand Elles sont adaptées à un hôte pour lequel elles ont un pouvoir pathogène manifeste, elles peuvent exiger un ou plusieurs facteurs de croissance pour cultiver [13].
Les principaux caractères biochimiques des salmonelles
Les salmonelles ont des caractères biochimiques communs fondamentaux. Ceux-ci sont utilisés pour leur identification.Les méthodes utilisées visent à identifier l’expression du phénotype au niveau du métabolisme de la cellule. On recherche ainsi :la fermentation du sucre ou d’alcools en présence d’un indicateur de pH (rouge phénol ou bleu de bromothymol). On peut ainsi mettre en évidence la présence d’acides produits par fermentation d’un substrat fermentescible. Lorsqu’ils sont enquantité suffisante, l’indicateur de pH vire.la production de métabolites : recherche de nitrites produits à partir de nitrates,d’indole à partir du tryptophane, recherche des gaz produits au cours de la fermentation du glucose…les enzymes bactériennes : la décarboxylase de la lysine (LDC), le tétrathionate réductase (TTR), la désaminase du tryptophane (TDA), l’uréase, la béta galactosidase…l’aptitude à cultiver en milieu minimal en utilisant une source de carbone définie(par exemple le citrate de sodium en milieu de Simmons) [25].Les caractères biochimiques essentiels pour l’identification des Salmonella sont les suivants:
Caractère biochimique | Salmonella |
Gaz en glucose
Lactose ONPG H2S Uréase TDA Indole LDC TTR Citrate Simmons |
+–+—+++ |
Tableau 1: Principaux caractères biochimiques utilisés pour l’identification des Salmonelles
du sous-genre I, rangés dans l’ordre habituel de leur recherche [26].
Physiopathologie
Salmonellose
La salmonellose est l’une des maladies d’origine alimentaire les plus courantes et les plus répandues. On estime à plusieurs dizaines de millions le nombre de cas recensés chez l’homme chaque année dans le monde, et la maladie entraîne plus de cent mille décès par an.Salmonella est une bactérie omniprésente et résistante, qui peut survivre plusieurs semaines dans un environnement sec, et plusieurs mois dans l’eau.Bien que tous les sérotypes puissent rendre l’être humain malade, quelques-uns sont adaptés à un hôte particulier et ne peuvent infecter qu’un nombre très réduit d’espèces animales, parfois même une seule, par exemple Salmonella dublin chez les bovins; et Salmonella choleraesuis chez le porc. Lorsque l’affection due à ces sérotypes particuliers touche l’être humain, elle prend souvent un caractère invasif et peut mettre la vie du sujet en danger. On retrouve pendant la plupart des sérotypes dans une grande variété d’hôtes.Ces souches provoquent classiquement des gastro-entérites, qui sont souvent simples et guérissent sans traitement, mais qui peuvent devenir graves chez les enfants, les personnes âgées, et les patients dont les défenses immunitaires sont affaiblies. On trouve dans ce groupe Salmonella enteritidis et Salmonella typhimurium, les deux principaux sérotypes de salmonella transmise de l’animal à l’homme dans la plupart des régions du monde [27].
Les fièvres typhoïdes et paratyphoïdes
Seuls les quatre types sérologiques Salmonella Typhi et Paratyphi A, B, C peuvent provoquer une fièvre typhoïde. Le point de départ de la maladie est une contamination orale. Après une période d’incubation de l’ordre de 14 jours, l’infection apparaît progressivement, se caractérisant par une température ascendante et un syndrome digestif (diarrhée). A la phase d’état, le tableau d’une septicémie est caractérisé par une fièvre élevée et peut s’accompagner de tuphos (prostration, obnubilation). Des complications peuvent survenir : cardio-vasculaires (collapsus) digestives (hémorragie, perforations).La fièvre typhoïde est essentiellement une adénite avec essaimage des bactéries dans le sang,et manifestations intestinales et générales secondaires. La conception de la pathogénie est la suivante : après absorption digestive, les bacilles typhiques traversent les entérocytes sans lésion. Ils sont arrêtés par les ganglions lymphatiques mésentériques. A ce niveau, ils se multiplient dans un stade de lymphe mésentérique muette, correspondant à la phase d’incubation. Une partie des bactéries passe dans le sang (septicémie d’origine lymphatique).Une partie se lyse en libérant l’endotoxine qui parvient par voie sanguine aux centres neurovégétatifs du troisième ventricule, dont l’irritation entraîne la fièvre et le typhus, les accidents de collapsus cardiovasculaire et les anomalies de la formule sanguine. L’endotoxine Toujours par l’intermédiaire du système neurovégétatif, va déclencher des lésions intestinales au niveau des plaques de Peyer, des hémorragies digestives et éventuellement des perforations. La multiplication bactérienne locale intervient également dans la constitution de ces lésions intestinales.
Introduction |