La leucémie aigüe myéloïde (LAM) se définit comme une prolifération maligne clonale à point de départ médullaire, de cellules myéloïdes immatures et bloquées à un stade précoce de leur différenciation (blastes), responsable d’un syndrome d’insuffisance médullaire et/ou d’un syndrome tumoral [1]. Elle représente 1 % des cancers et 80 % des leucémies aiguës de l’adulte dont l’incidence est en constante augmentation [2]. L’âge médian de survenue est de 65ans [3]. L’âge médian de diagnostique en USA est environ 67 ans [4, 5]. Mais il est vraisemblable que la maladie reste sousdiagnostiquée dans les populations très âgées étant donné la nette augmentation de la fréquence de la maladie après 60 ans [2]. En effet, si l’incidence globale est de 5 à 8/100 000 par an en Europe, celle-ci varie considérablement avec l’âge (15 à 20/100 000 après 60 ans). La fréquence des LAM est sensiblement plus importante chez l’homme avec un sex-ratio d’environ 1,3 [2].
Actuellement, les stratégies thérapeutiques, basées sur la chimiothérapie, permettent d’obtenir une rémission complète de la maladie chez près de 80 % des sujets de moins de 60 ans, mais la plupart d’entre eux rechutent et seuls 30 % environ des patients sont guéris [6]. Chez le sujet âgé, les résultats sont beaucoup plus décevants avec moins de 10 % de survie à long terme après un traitement conventionnel [6].
Dans le service d’hématologie et d’oncologie de CHU de Marrakech, on a commencé à traiter les patients présentant LAM en 2009, en utilisant le protocole national AML03 puis le protocole national AML 11 comme traitement pour les patients âgés de moins de 60 ans,. Ces protocoles nationaux qui ont été réalisés par collaboration entre le service d’hématologie et d’oncologie de CHU de Casablanca et le service d’hématologie et d’oncologie de CHU de Rabat et sous la supervision de Dr Raul Ribeiro [Hémato Oncologue Pédiatre et directeur du programme International de collaboration avec les pays en voie de Développement à Memphis (USA)], ont pour objectifs, d’obtenir un taux de rémission de 80% après la fin de la première phase de traitement, la réduction du taux de mortalité avant et pendant l’induction à moins de 10% et l’amélioration du taux de survie sans événement à 5 ans à 40%. Les retombées d’un tel projet auront des impacts pratiques, l’acquisition d’un savoir-faire et d’une performance dans la prise en charge et la stratégie thérapeutique de cette hémopathie maligne.
Rappel sur les LAM
Les LAM sont des hémopathies clonales dues à la transformation d’une cellule devenue capable de se multiplier indéfinitivement et donnant naissance à un clone leucémique [7]. L’origine monoclonale de la maladie est démontrée depuis longtemps et reste exacte. Un grand nombre d’arguments expérimentaux et cliniques montre qu’il faut plusieurs étapes de leucémogénèse pour aboutir à une LAM. La cellule sur laquelle porte le premier événement leucémogénèse et dont dérive tout le clone malin est en fait une cellule souche indifférenciée de la moelle osseuse qui est capable d’auto renouvellement. Cette cellule va subir, avant de devenir véritablement leucémique, au moins deux étapes de leucémogénèse qui sont classées en mutation de classe I et mutation de classe II [8]. Les LAM représentent 1% des cancers et 80% des LA de l’adule [2]. Pour les facteurs de risques : on distingue 2 types de LAM: la LAM dite primitive ou LAM de novo qui survient chez un sujet sans antécédents notables et la LAM secondaire qui complique l’exposition à des radiations ionisantes et des toxiques et qui survient dans le contexte des syndromes myéloprolifératifs, des syndromes myélodysplasiques et des pathologies génétiques.
En ce qui concerne les circonstances de diagnostic ,il s’agit le plus souvent d’un tableau clinique d’apparition brutal révélé par des signes d’insuffisance médullaire qui comprend un syndrome anémique fait d’asthénie, dyspnée, vertiges et pâleur cutanéo-muqueuse [9-11] ;un syndrome infectieux fait de fièvre, une infection persistante ,angine ulcéronécrotique et de pneumopathie et enfin un syndrome hémorragique fait de purpura, épistaxis, gingivorragie …[9,12].
Le syndrome tumoral peut être le premier signe d’appel, et le plus souvent important dans LAM4 ou les LAM5 et habituellement absent dans les LAM3 [2]. Il associe une hépatomégalie, splénomégalie et des adénopathies superficielles ou profondes symétriques, fermes, indolores et mobiles. On peut observer également un envahissement extrahématopoitiques. Ainsi, l’infiltration gingivale est fréquente dans les LAM5. Les localisations cutanées sous formes de papules fermes voir durs, violacées, sont fréquentes dans les LAM5 et LAM4 [13]. Une atteinte du système nerveux central plus fréquente dans les LAM4 ,les LAM5 et les formes hypérleucocytaires . Les manifestations cliniques les plus fréquentes sont un syndrome méningé, une hypertension intracrânienne ou des signes focaux en cas de chloromes [9,15,16] . L’atteinte testiculaire et osseuse est rare .il peut également exister des manifestations liées au syndrome de leucostase en particulier dans LAM4 et LAM5. Le syndrome de leucostase s’observe dès que la leucocytose dépasse 100.000 /ml. Il associe leucostase pulmonaire avec détresse respiratoire, hypoxie et leucostase cérébrale avec troubles de conscience, convulsions, ataxie, nystagmus…
Le diagnostic positif est évoqué sur la numération formule sanguine qui montre le plus souvent une atteinte des trois lignées. L’anémie est normochrome, normocytaire ou macrocytaire, non régénérative. Une thrombopénie est fréquente, parfois majorée par une coagulation intravasculaire disséminée (CIVD). La leucocytose est variable ; 20 % des LAM sont hypérleucocytaires à plus de 100.000/ml. Une leucopénie est habituelle dans les LAM3. Le frottis révèle le plus souvent une blastose circulante. Peuvent être présentes : une myélémie, une éosinophilie ou une basophilie. Rarement la NFS est normale ou une seule lignée sera concernée [2].
Le myélogramme est indispensable pour affirmer le diagnostic. Il montre typiquement une moelle riche avec diminution des lignées cellulaires normales (granuleuse, érythroïde et mégacaryocytaire), un infiltrat blastique souvent élevé (90%). Il faut au moins 20% de blastes pour poser le diagnostic de LAM selon la nouvelle classification de l’OMS [17,18]. Les blastes et les éléments de différentiation peuvent contenir des granulations anormales comme les corps d’Auer, qui sont rares dans les LAM1, LAM4 ou LAM5; fréquents dans les LAM2 et très nombreux, en (fagot) dans les leucémies aiguës promyélocytaires (LAM3). La biopsie ostéomédullaire (BOM) est rarement indiquée. Elle s’impose pour permettre d’apprécier l’infiltration blastique et rechercher un éventuelle myélofibrose. L’étude cytochimique se fait sur les frottis sanguins ou médullaires. Elle recherche une activité enzymatique caractéristique de ces blastes. Dans les leucémies aiguës myéloblastiques, il s’agit de l’étude de la myélopéroxydase (MPO) qui confirme le caractère myéloïde des blastes par la mise en évidence de granulations positives. L’étude des estérases inhibées par le fluorure de sodium (NaF) qui confirme la présence d’un contingent monoblastique (LAM4 et LAM5). L’immunophénotypage des blastes se fait en utilisant des anticorps monoclonaux reconnaissant des antigènes de surface par une technique de cytométrie de flux [19]. Les principaux marqueurs myéloïdes sont le CD13 et le CD33. L’intérêt de l’immunophénotypage dans les LAM est de différentier des LAM très immatures (LAM0) des LAL, qui présentent des marqueurs lymphoïdes et de confirmer le diagnostic de certaines LAM de diagnostic cytologique parfois difficile comme LAM6 : positivité de la glycophorine A et la LAM7 : positivité des marqueurs mégacaryocytaires CD41, CD42, CD61 [17,18]. Le phénotypage a beaucoup moins d’intérêt diagnostique dans les LAM que dans les LAL. L’étude du caryotype des blastes montre, dans 50% à 70% des patients, des anomalies chromosomiques dont l’intérêt principal est le diagnostic précis ainsi que l’évaluation pronostique . Certaines anomalies cytogénétiques correspondent à des variétés cytologiques :t(15 ;17) dans les LAM3, t(8 ;21) dans les LAM2, invérsion du chromosome 16 dans les LAM4 éosinophiles, t(9 ;11) dans les LAM4 et LAM5, anomalies des chromosomes 5 et/ou 7 dans les LAM chimio-induites [9,21].
INTRODUCTION |