Depuis les années 90 le développement de la radiologie interventionnelle a révolutionné la prise en charge de nombreuses pathologies neuro-vasculaires. En particulier dans le cas des anévrismes cérébraux et des malformations artério-veineuses, l’embolisation s’est imposée(1).
Alors qu’auparavant, la prise en charge chirurgicale par clippage de l’anévrisme était la seule option envisageable, l’embolisation par coil constitue maintenant la méthode de référence pour traiter les anévrysmes rompus ou non. Ces embolisations imposent l’administration d’héparine durant la procédure pour réduire le risque de thrombose in situ.
Malgré cela, l’embolisation d’un anévrisme cérébral expose le patient à deux principales complications : les complications hémorragiques (rupture de l’anévrysme per-procédure par exemple), et les complications thromboemboliques (2).
Les complications thromboemboliques sont les plus fréquentes. Plusieurs études ont cherché à évaluer la fréquence de cette complication qui varie entre 4,7% et 7,6% selon les études (3,4). Les complications ischémiques qui ont été évaluées par des études basées sur la recherche d’une ischémie cérébrale grâce à une IRM post embolisation, retrouvent une incidence de lésion ischémiques de 24%(5) à 36%(6) avec une proportion plus importante de séquelles ischémiques chez les patients ayant un anévrisme rompu que chez les patients ayant un anévrisme non rompu (40% vs. 13 % (5) et 51 % vs. 30 % (6)). Cependant, l’IRM est très sensible pour identifier les lésions ischémiques qui ne sont pas toutes parlantes cliniquement.
Concernant les complications hémorragiques, leur fréquence de survenue varient entre 2% et 5% (7–11). Une méta-analyse de Cloft et al (12) objective une fréquence de rupture du sac anévrismal per-procédure de 4,1% dans le cas des anévrismes rompus et de 0,5% dans le cas des anévrismes non rompus. L’hémorragie est souvent la conséquence d’une rupture du sac anévrismal avec perforation par le cathéter ou le coil, il peut également survenir à cause d’une sur-distension du sac.
Ainsi, une anticoagulation per-procédure insuffisante peut aboutir à la formation d’une thrombose ayant pour possible conséquence un AVC ischémique. Ceci se comprend dans la mesure où la réalisation d’une procédure intravasculaire est thrombogène (introduction de cathéters intra vasculaires diminuant le flux sanguin antérograde, vasospasme, agrégation plaquettaire in situ). Il en résulte la migration possible d’emboles cruoriques en aval, provoquant alors une ischémie.
A contrario, une anticoagulation per-procédure trop importante peut aggraver ou provoquer le resaignement d’un anévrisme rompu. Elle peut favoriser des hématomes aux points de ponction, en fin de procédure. Il paraît donc logique d’évaluer l’anticoagulation per-procédure afin de diminuer l’incidence des complications de l’embolisation ; qu’elles soient thrombotiques ou hémorragiques.
Malgré l’utilisation d’héparine qui doit limiter le risque de thrombose, mais expose au risque accru d’hématome ou d’hémorragie, on est étonnés qu’il n’y ait pas de standardisation, ni de consensus quant aux modalités de cette anticoagulation. Si une dose massique d’héparine rapportée au poids est le plus souvent administrée sans contrôle d’hémostase, certaines équipes préconisent l’utilisation de l’ACT (Activated Clotting Time) avec des cibles comprises entre 250 et 300 secondes pour l’embolisation par coils (13). L’ACT est une technique de monitorage, rapide et délocalisé qui détermine sur un échantillon de sang total, la dose d’héparine pour obtenir un certain niveau d’anticoagulation par de l’HNF. C’est une mesure automatisée, qui établit une courbe dose/réponse de l’anticoagulation sous héparine avec le sang du patient. Des mesures itératives permettent de contrôler le niveau d’anticoagulation obtenu sous héparine et de déterminer la dose de protamine requise pour antagoniser l’anticoagulation par l’HNF. Son intérêt a surtout été démontré dans la chirurgie cardiaque (14,15) et durant les procédures d’angioplastie coronaire (16–18).
MÉTHODES
Nous avons réalisé une étude prospective observationnelle de soins courants qui s’est étendue d’octobre 2016 à février 2019. Le projet a reçu l’accord de notre comité d’éthique le 26/09/2016. La durée requise pour l’étude s’explique par la faible disponibilité de notre moniteur d’ACT, dont l’utilisation en chirurgie cardiaque était prioritaire.
Patients
Les critères d’inclusions étaient les suivants : patient majeur, devant bénéficier d’une embolisation neurovasculaire pour un anévrysme cérébral rompu ou non.
Les critères d’exclusion : trouble de l’hémostase contre indiquant l’utilisation d’HNF, allergie à l’HNF, refus du patient pour le recueil des données colligées. Le consentement des patients était recueilli la veille de l’intervention lors de la visite pré-anesthésique. Ils ont été informés par une lettre d’information expliquant l’étude.
Critères de jugements
Les données démographiques suivantes ont été recueillies : sexe, âge, taille, poids, la prise d’anticoagulant ou d’antiagrégant plaquettaire au long cours, et le type de lésion vasculaire à traiter et ses caractéristiques.
Le critère de jugement principal est le pourcentage de patients ayant atteint un ACT> 250 secondes durant la procédure, ainsi que la distribution des ACT aux différents temps de mesure, pour chacun des protocoles étudiés.
Le critère de jugement secondaire est le nombre de complications thrombotiques et hémorragiques liés à la procédure définie de la façon suivante : Thromboses identifiées per-procédure ou en post-procédure (authentification clinique et/ou par imagerie). Les hématomes de tous ordres (rupture anévrisme per-procédure, hématome intra-parenchymateux, point de ponction.) Accessoirement, nous avons identifié la dose théorique d’héparine requise, selon l’ACT pour obtenir une valeur de 250 s.
Protocole
Pour des raisons pratiques les inclusions ont été séparées en deux phases. Durant la 1ere phase les patients ont reçu le protocole 50UI/kg-relai 30 min : un bolus de 50 UI/kg avant la montée des cathéters intra-vasculaires, suivi 30 minutes après d’une perfusion continue de 12,5 UI/Kg/h. Durant la 2nd phase nous avons testé le protocole 50ui/kg-relai immédiat : identique au 1er mais avec un début d’HNF IVSE immédiat après le bolus. Des contrôles ACT (marque et type appareil à trouver) sont réalisés avant le bolus, à 5 minutes, à 30 minutes et en fin de procédure.
ACT
En pratique, à chaque temps, l’ACT (HMS Plus®, MedtronicTM, USA) était mesuré sans délai sur le moniteur ACT, via un échantillon de sang artériel (avant HNF, 5 minutes après le bolus initial, à 30 minutes puis en fin de procédure) immédiatement utilisé pour être analysé par l’appareil d’ACT, présent en salle de radiologie interventionnelle. Deux types de cartouches sont utilisées : 304-20POR et 304 02POR. Le 1er type est utilisé pour déterminer l’ACT de base avant toute injection d’HNF et permet une mesure de la dose nécessaire pour obtenir un objectif d’ACT de 250sec (cartouche utilisant 3 concentrations d’HNF pour établir un calcul de la droite dose/réponse). Le second type permet une mesure de l’ACT après utilisation d’HNF.
Données recueillies
Nous avons également recueilli les données suivantes :
– La présence ou non d’un facteur de risque thrombotique défini comme : la présence d’un collet large, la protrusion d’un coil, la présence d’un vasospasme, l’utilisation d’un micro-cathéter, l’utilisation d’un stent, l’utilisation d’un ballon, d’une embolisation incomplète.
– La dose d’héparine administrée ainsi que celle demandée par la machine ACT pour obtenir un niveau d’ACT de 250 secondes.
– L’utilisation en post-procédure d’HNF.
– L’utilisation en per et/ou post-procédure d’antiagrégant plaquettaire.
Analyse statistique
Une ANOVA à deux facteurs a été utilisée pour comparer les niveaux d’ACT obtenus dans les 2 groupes ; un test du Khi2 a été réalisé pour comparer l’incidence des complications.
INTRODUCTION |