Evaluation du logiciel CovCop dans la LLC
Il existe un grand nombre de facteurs pronostiques dans la leucémie lymphoïde chronique. Il est actuellement indispensable d’étudier avant tout mise en place thérapeutirue le statut de TP53 sur le plan cytogénétique (délétion ou non) et mutationnel. Ceci nécessite la réalisation de plusieurs examens, à savoir un caryotype, de la QMPSF +/- de la FISH en cas d’ininterprétativité de la QMPSF pour certains loci et du NGS pour la détermination des mutations géniques, en particulier de TP53. Afin de simplifier le nombre d’analyses à réaliser et d’optimiser le coût et le délai de rendu des résultats, nous avons voulu tenter de remplacer la QMPSF par le NGS pour la détermination des principales anomalies cytogénétiques de la LLC, à savoir la del(17p), la del(11q), la trisomie 12 et la del(13q). Pour cela, nous avons collaboré avec L’EAϲϯϬϴ pour mettre au point notre panel de NGS pour la détection de ces anomalies grâce au logiciel Cov͛Cop. De plus, nous avons intégré une nouvelle méthode de détection des CNV basée sur L’analyse de la VAF des SNP obtenue par NGS. En effet, en théorie, un SNP hétérozygote est sensé avoir une VAF proche de 50 %. Une déviation de cette valeur peut indiruer une délétion ou une duplication d’un des deux allèles. Nous avons donc mis au point un script utilisable avec le logiciel R permettant la sélection des SNP détectés chez les patients et la construction d’un graphirue automatirue pour visualisation des résultats. Nous avons testé ces deux approches ;Cov͛Cop2 et VAF des SNP) sur une cohorte de 82 patients atteints de LLC pour lesquels nous disposions des données concernant ces anomalies par cytogénétique et/ou QMPSF. Nous avons déterminé les performances de cette stratégie en comparaison aux techniques actuellement utilisées, à savoir le caryotype et la FISH et/ou la QMPSF. Enfin, nous avons mis en évidence des anomalies supplémentaires par NGS, non identifiables par cytogénétique (CNV de petite taille, UPD). 2- Résultats Nous avons participé activement à L’amélioration du logiciel Cov͛Cop2 pour la détection des CNV (voir article 2, page 203). En particulier, une représentation graphique des résultats générée automatiquement a été intégrée dans cette nouvelle version. Un exemple de visualisation de trisomie 12 est présenté dans la Figure 83-A. Afin d’améliorer les performances analytiques de la détection des CNV par NGS, nous avons également mis au point un algorithme (script R) pour la détection de SNP identifiés par NGS et permettant également la génération automatirue d’un graphirue représentant les résultats de la VAF en Evaluation du logiciel CovCop dans la LLC 220 Jasmine CHAUZEIX | Thèse de doctorat | Université de Limoges | 2018 ordonnée pour chaque SNP, ces-derniers étant regroupés par amplicons, dans L’ordre chromosomique en abscisse. Un exemple de trisomie 12 est présenté dans la Figure 83-B. Figure 83 : Visualisation d’une trisomie ϭϮ par le logiciel Cov’CopϮ et l’analyse des VAF. A- La trisomie 12 est identifiée par surlignage en rouge. La courbe Loess en vert montre un ratio normalisé augmenté pour l’ensemble des amplicons localisés sur ce chromosome, bien que certains ne soient pas significatifs au seuil choisi (1,15). B- Le graphique construit sous R représente en abscisse les différents amplicons pour lesquels un SNP a été identifié, rangés du chromosome 1 au chromosome X, et en ordonnée la VAF obtenue par NGS. Les points noirs signifient les SNP identifiés par le script. Les régions gris-rouge au milieu et audessus du graphique indiquent les zones de valeurs non significativement différentes de la normale pour des SNP homozygotes (en haut du graphique) ou hétérozygotes (au milieu). Le rectangle rouge encadre les SNP pour lesquels la VAF est significativement anormale. Ceux-ci sont situés au niveau du chromosome 12. Nous avons ainsi analysé les données de 82 patients atteints de LLC passés en NGS sur notre panel de 70 gènes. Nous avons comparé les résultats obtenus pour les 4 anomalies cytogénétiques principales de la LLC (c͛est-à-dire la del(13q), la trisomie 12, la del(11q) et la del(17p)) entre le NGS seul (approches Cov͛CopϮ et/ou VAF) et les techniques conventionnelles (cytogénétique et/ou QMPSF). Les résultats sont présentés Figure 84 pour chacune des 4 anomalies cytogénétiques. 221 Jasmine CHAUZEIX | Thèse de doctorat | Université de Limoges | 2018 Figure 84 : Tables de contingence entre l’approche par NG“ ;Cov’CopϮ et/ou VAF) et techniques conventionnelles. A- Résultats des CNV sur la base des données NG“ avec les Ϯ approches ;Cov’Cop2 et VAF) B- Résultats des CNV obtenus par NG“ avec le logiciel Cov’Cop2 uniquement Résultats donnés pour chacune des 4 principales anomalies cytogénétiques de la LLC : la del(13q) (1), la trisomie 12 (2), la del(11q) (3) et la del(17p) (4). Pour la del;ϭϯrͿ, L’approche par NGS entraîne ϲ faux négatifs et ϵ avec L’approche Cov͛Cop seule (Figure 84-1). Les ϯ cas non détectés par Cov͛CopϮ sont issus de puces enrichies en patients porteurs de del(13q) (n=4 sur les 2 puces concernées) et en L’absence de contrôle sain, pouvant expliruer un manrue de sensibilité de L’approche Cov͛CopϮ. La VAF a alors permis de détecter ces patients. L’approche VAF peut toutefois étre en défaut en L’absence de SNP sur la région d’intérét explorée. Dans le cas de la del;ϭϯrͿ, un seul patient parmi les ϴϮ étudiés était non contributif par absence de SNP sur cette région. Enfin, deux cas sont détectés comme positifs pour la del;ϭϯrͿ ;délétion de type ϭ, c͛est-à-dire RB1 conservé), avec le logiciel Cov͛CopϮ et L’approche VAF, alors rue le caryotype est normal. Pour L’un de ces deux cas, la FISH a été réalisée et est négative, tandis que la QMPSF est également positive (réalisée sur un prélèvement antérieur). Il s’agit donc d’une délétion de petite taille, non visible par FISH. Dans certains de ces cas, nous disposions des résultats par caryotype et/ou FISH, nous permettant une ruantification relative de la présence de L’anomalie parmi les cellules de 222 Jasmine CHAUZEIX | Thèse de doctorat | Université de Limoges | 2018 L’échantillon. Les résultats montrent un proportion de cellules porteuses de la del(13q) inférieure à 30 % (Figure 85-A), la fréquence la plus élevée étant à 24 %. La concordance entre les différentes techniques utilisées est parfaite pour la trisomie 12 (Figure 84-2). Les cas de notre série présentent un proportion de cellules porteuses de L’anomalie supérieure ou égale à 25 % (Figure 85-B).
– Remaniements atypiques impliquant les gènes des immunoglobulines dans la LLC/lymphome lymphocytique Nous nous sommes concentrés sur trois cas de LLC/lymphome lymphocytique présentant en cytogénétique des translocations originales impliquant les gènes des immunoglobulines et un locus inconnu. Notre étude a permis d’identifier pour chaque dossier les points de cassures et les gènes partenaires. Ceci nous permet de formuler des hypothèses concernant le mécanisme de survenue de ces translocations, ainsi que sur leur potentiel impact dans la pathogénèse.
Mécanisme de survenue des remaniements impliquant les gènes des immunoglobulines
Mécanismes au niveau du locus des immunoglobulines
Chacun des trois remaniements identifiés possède des caractéristiques propres et semblent résulter de mécanismes de survenue distincts. Chez le patient 1, un remaniement entre les chromosomes 14 et 17, impliquant IGH avait été mis en évidence. Les points de cassures identifiés dans ce travail impliquent IGHJ4 et IGHD4- 17, et sont situés au niveau de RSS. Le mécanisme de survenue du remaniement est très probablement lié à L’activité des enzymes ‘AG au cours du réarrangement VDJ au niveau du locus IGH. Un autre argument en faveur de ce mécanisme est L’insertion de nucléotides pouvant mimer des N-nucléotides au niveau des jonctions. On note dans le cas de la jonction 230 Jasmine CHAUZEIX | Thèse de doctorat | Université de Limoges | 2018 IGHJ4-chromosome 17 un possible P-nucléotide : on retrouve à ce niveau L’insertion de nucléotides au hasard (chromosome 14-TTTACGATC-chromosome 17), et la première thymine insérée peut correspondre à un P-nucléotides dans la mesure où le nucléotide adjacent tronqué est une adénine. Dans le cas du patient 2, une translocation entre les chromosomes 17 et 22, impliquant IGL avait été identifiée. Le point de cassure est situé au niveau des régions variables d’IGL, et touche un gène non fonctionnel (IGLV3-6), à distance du RSS. Ces éléments sont des arguments en défaveur d’un mécanisme médié par ‘AG. En particulier, les points de cassure dans les translocations supposées liées au mécanisme de recombinaison VDJ sont situés directement au niveau du signal. En revanche, un mécanisme lié à AID au cours du processus d’hypermutation somatique est potentiellement en cause. Les arguments en faveurs sont la localisation du point de cassure au niveau des régions variables d’IGL, L’identification d’un motif CGCG au niveau du point de cassure sur le chromosome 17 et la présence d’une mutation ponctuelle, supposée somatique à proximité du point de cassure au niveau d’IGL (G>A dans 1 des 4 séquences lues). Etant donnée la faible couverture au niveau de la base concernée par cette dernière mutation, il pourrait s’agir d’une erreur de séquençage. Cependant, elle est située au niveau d’un motif WGCW suggérant une potentielle cible d’AID et confortant la présence de cette mutation. Le séquençage par Sanger permettra de vérifier la présence celle-ci. Chez le troisième patient, une translocation impliquant IGH et le locus 8q24 avait été identifiée. Le point de cassure au niveau du chromosome 14 se situe dans la région switch d’IGGϮ, au niveau d’une cytidine adjacente à un motif WGCW. Ceci suggère un mécanisme de survenue de la translocation médié par AID au cours de la recombinaison de classe isotypique. Au total, les mécanismes de survenue de ces trois translocations au niveau du locus des immunoglobulines semblent liés aux enzymes RAG et AID.
Mécanismes au niveau du gène partenaire
Chez le patient ϭ, il n͛a pas été mis en évidence de séruence type ‘SS cryptirue pouvant évoquer une implication de RAG ou de séquence WGCW ou CG, cibles d’AID ou encore de motif ‘GYW, hotspot d’AID pour L’hypermutation somatirue, ne permettant pas de suggérer un mécanisme particulier de survenue de la cassure double brin au niveau du chromosome 17. Une implication de RAG dans la survenue de la cassure double brin au niveau du locus d’immunoglobuline étant suspecté, une analyse par ChiP-Seq de L’interaction de ces enzymes avec la région au niveau du chromosome 17 serait intéressante. En effet, il a été montré une interaction possible de RAG avec certaines régions chromatiniennes riches en H3K4me3 (associée à une activation de la transcription) ou directe avec les histones61 . Il est possible ru͛une erreur de recombinaison liée à L’activité de ces enzymes soit en cause. Une autre 231 Jasmine CHAUZEIX | Thèse de doctorat | Université de Limoges | 2018 hypothèse est ru͛il s’agisse de cassures double brin générées de façon non spécifirue par d’autres mécanismes ;radiations ionisantes, radicaux libres oxygénés…Ϳ. Le mécanisme responsable de la cassure double brin au niveau du gène peut étre lié à L’action d’AID dans deux cas. Pour la patiente Ϯ, un motif CGCG est retrouvé au niveau du point de cassure sur le chromosome ϭϳ, ce rui suggère une implication d’AID au cours de L’hypermutation somatirue. Dans le cas du patient ϯ, le point de cassure au niveau du chromosome ϴ est situé à proximité d’un dinucléotide CG, pouvant étre un argument en faveur d’un rôle d’AID. Il s’agit probablement dans ces deux cas d’un mécanisme type AID-AID tel que décrit par Lieber et al.47. Cela signifie rue L’enzyme AID est responsable de la survenue de cassure double brin au niveau du gène des immunoglobulines et du gène partenaire.
Mécanisme de remaniement complexe dans le cas n°1
Le remaniement observé chez le patient ϭ est complexe. Nous pensions initialement ru͛il s’agissait d’une translocation. Nos résultats montrent rue c͛est une insertion complexe d’une portion d’IGH dans le chromosome 17. Nous ne connaissons pas exactement le fragment délocalisé. Le mécanisme de survenue semble faire intervenir plus de 3 cassures double brin ;au moins au niveau d’IGHJϰ, IGHDϰ-17 sur le chromosome 14 et B3GNTL1 sur le chromosome 17). Nous pouvons évoquer un processus en plusieurs étapes dans L’apparition de ce remaniement avec par exemple une première translocation au cours du réarrangement VDJ et un ou des remaniements ultérieurs aboutissant à cette insertion complexe. La probabilité de survenue de plusieurs cassures double brin apparaissant de façon successive dans deux régions chromosomiques restreintes semble faible. Un autre mode de survenue proposé est L’apparition de cassures double brin au niveau du chromosome 14 ayant entraîné la formation d’un fragment circularisé (potentiellement au cours du réarrangement VDJ) avec insertion de celui-ci dans le chromosome 17. Enfin un phénomène de chromothripsis est également possible. Afin d’avancer plus dans le mécanisme de cette translocation, il est nécessaire de connaître plus précisément les régions d’IGH insérées dans le chromosome 17. Pour cela, nous allons utiliser les données obtenues par séquençage du génome entier et générer de nouveaux alignements (de novo et alignements contre référence avec des paramètres de stringence diminués) afin de tenter de visualiser des jonctions chromosome14-chromosome 14 aberrantes. L’alignement de novo risque d’étre difficile à analyser étant donnée la structure du gène IGH avec de nombreuses régions de séquence très proche. Les éventuels résultats d’intérét mis en évidence seront confirmés ensuite par PC‘ standard.