Evaluation diagnostique, formative et sommative

Facteurs qui influencent l’apprentissage musical :

Gruhn (1996) distingue trois facteurs que sont le mode d’apprentissage (par la théorie / par la pratique), la vitesse de l’apprentissage ainsi que la structure de la matière. Giordan (1998) explique quant à lui l’importance d’un rapport au savoir où l’élève est luimême acteur de ses apprentissages. Il montre qu’un enfant ne peut véritablement apprendre, c’est-à-dire intégrer pleinement de nouvelles connaissances, se les approprier, s’il n’entre pas en apprentissage. Ce concept fondamental est étroitement lié au rapport au savoir: « j’apprends si j’y trouve du sens ». Il est également lié à la motivation: « j’apprends si j’y trouve un plus (intérêt, plaisir) », à la psychologie « j’apprends si j’ai confiance en moi ». D’autres facteurs entrent en ligne de compte, le principal étant peut-être « j’apprends si je fais des liens », directement lié à l’interdisciplinarité. Entrer en apprentissage en musique, à l’adolescence où s’opèrent des remises en question et des changements de direction en matière de goûts, d’activités extra-scolaires, n’est pas une évidence. Il s’agit là d’une réalité fondamentale qui va au-delà de tous les contenus, objectifs et modalités de l’enseignement. Donner du sens au savoir, lui donner une saveur (Astolfi, 2008), voilà un défi auquel nous sommes confrontés quotidiennement. La motivation est sans doute déterminante pour permettre les apprentissages chez nos élèves.

Elle tient selon nous à plusieurs facteurs tels que l’élève lui-même (ses goûts, expériences, capacités, humeurs), l’objet d’étude (la chanson, le style, l’arrangement, les instruments utilisés) ainsi que la manière donc est abordé cet objet (type d’enseignement, configuration de la classe, logistique, démarche utilisée, etc). Si nous nous référons à ces trois facteurs, nous voyons que nous ne pouvons avoir un impact direct que sur les deux derniers, à savoir l’objet d’étude et la manière dont celui-ci est abordé en classe. Un de nos buts est précisément d’avoir un impact sur l’élève lui-même (évolution de ses goûts, de son esprit critique, de son développement en général) mais ce sont des visées à long terme. Les difficultés surgissent quand les élèves entretiennent un rapport au savoir de type utilitaire où l’école « se réduit à la course d’obstacles permettant de « passer » de classe en classe /…/ dans l’attente d’en être libérés »3. Nous vivons cette réalité quotidiennement avec certains élèves et aimerions les faire progresser d’abord sur ce point-là, à savoir entrer dans une nouvelle logique d’apprentissage dans laquelle ils pourraient « conférer sens et valeurs aux activités et contenus d’apprentissage dans l’ici-et-maintenant de leur présent d’élève »4. Un élève qui met les pieds au mur parce que cela ne fait pas sens pour lui n’adhèrera pas au projet, et sans empathie il n’acquerra pas les objectifs cognitifs ni psychomoteurs.

Processus, production et créativité :

Parler de progression dans les apprentissages en musique c’est aussi soulever un concept important dans la gestion et la préparation des séquences d’enseignement-apprentissage. Dans la pléiade d’objectifs formulés tant par les taxonomies existantes que par le PER, nous voyons que celui de production finale n’est pas prioritaire. Il est notamment mentionné que l’élève, au plus tard à la fin du cycle, « interprète avec expression les chansons du répertoire travaillé en classe ». Le cadre de la classe est parfois élargi, lorsqu’on encourage la « réalisation d’une activité musicale interdisciplinaire », ou « l’utilisation de la voix, des instruments et des objets sonores en vue de la réalisation d’un projet ». Nous constatons que l’aboutissement d’un travail de classe est rarement sinon jamais réalisé sous forme d’un concert. La participation aux spectacles de l’école, aux promotions, induit généralement des répétitions supplémentaires qui dépassent le cadre de la classe. Il arrive toutefois à certains enseignants d’enregistrer leur classe. C’est une façon idéale de clôre une activité, tout en offrant aux élèves un miroir de leur production sur lequel un retour de type qualitatif est possible. La question de la production finale est fondamentale car implicitement liée à une idée reçue qui existe fréquemment dans les esprits, et qui est qu’un bon « produit fini » serait la preuve d’un bon apprentissage.

Nous soutenons quant à nous l’idée qu’un apprentissage de qualité n’a pas de lien direct avec le résultat. Notre pédagogie est orientée davantage sur le processus, terme qui englobe le concept même de progression, et le résultat final, lié à une idée de perfection qualitative, n’est qu’une modalité parmi d’autres, et non un objectif en soi. Notre culture musicale occidentale étant intimement liée au mythe de la perfection, du respect de la partition, elle présuppose un enseignement qui vise à éliminer l’erreur, « toujours vue comme une faute » (Leroy). Ne pas mettre de pression quant à l’élaboration d’un produit fini permet, pendant le court laps de temps où nous voyons nos élèves, de travailler davantage sur un processus d’apprentissage lié à un ancrage en profondeur des concepts étudiés, que sur une idée de production idéale, où chacun pourrait jouer ou chanter sans faute. Pensons à l’ « éloge de l’imperfection » décrit par Astolfi5 qui constate que si « le développement contemporain des didactiques s’efforce de faire de l’erreur un analyseur positif du processus d’apprentissage en cours /…/ les pratiques évaluatives [au cours du musique] privilégient toujours le « respect du texte ». La production finale n’est par ailleurs pas sans avantages, lesquels se situent principalement dans le domaine psycho-affectif: réunion du groupe-classe autour d’un projet, motivation d’aboutir à un résultat de qualité, estime de soi décuplée lorsque la production est à la hauteur des attentes, de part et d’autres (interprètes, public, enseignant). Les retours positifs sont autant de tremplins qui permettent à l’élève de gagner en confiance et en plaisir. La production n’est donc pas un but en soi, mais ne la négligeons pas pour autant. Elle n’est pas incompatible avec la progression des apprentissages et peut même l’influencer positivement, mais ne remplace pas les objectifs spécifiques et généraux d’apprentissages de la musique.

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Analyse de la séquence didactique

Au terme de notre séquence nous avons mis en commun nos notes de travail qui comprenaient les réflexions rédigées à la fin de nos leçons ainsi que celles rédigées pendant les leçons où nous nous visitions mutuellement. Nous avons de la sorte pu confronter deux regards, celui de l’enseignant et celui de l’observateur. Cette démarche a permis d’analyser le comportement des élèves face à aux différents contenus afin de voir la nature de leurs progrès. Nous aimerions à ce stade faire une distinction capitale et pourtant parfois mal définie. Certains objectifs de notre séquence didactique sont directement liés au jeu de groupe. Or, peut-on évaluer un élève individuellement lors du jeu de groupe? Peut-on véritablement mesurer, quantifier, apprécier ses progrès? Cette question est régulièrement débattue en cours de didactique et pose la distinction entre progression de l’élève et progression du groupe. Evaluer les progrès d’un élève est certainement un exercice difficile car il présuppose un suivi particulier qu’on ne peut faire dans le cadre de la classe; les résultats que nous obtiendrions n’auraient de plus pas de valeur transférable à tous les élèves, puisque nous avons vu que chaque sujet a des connaissances et pratiques préalables diverses en musique. A l’inverse, évaluer les progrès d’une classe revient probablement à évaluer soit la qualité du travail (concentration et implication de la classe pendant le processus d’apprentissage) soit la qualité de la production, c’est-à-dire apprécier le résultat au détriment de la démarche, ce que nous voulons éviter. Forts de ce constat, nous avons opté pour une présentation de nos observations qui privilégiera le groupe pour l’évaluation formative, et l’élève en tant qu’individu pour l’évaluation certificative (notamment les objectifs cognitifs liés au test écrit). Nous ferons ensuite le point sur les objectifs psycho-affectifs et psychomoteurs, puis mettrons en lumière quelques différences susceptibles de faire varier les résultats de nos observations constatées entre les classes et entre les enseignants.

Observations en classe: Activité vocale:

Nous avons eu des résultats très différents selon les chansons. Nous les proposons ici dans l’ordre dans lequel elles ont été apprises. We will rock you: Cette chanson a été bien perçue par les classes. Les objectifs spécifiques opérationnels suivants ont été atteints par la majorité. L’objectif spécifique opérationnel qui n’a pas été atteint par environ deux tiers de la classe concerne le deuxième et le troisième couplet, la prononciation et le nombre de syllabes à scander ayant posé problème, notamment par un travail de fond sur le premier couplet qui a occulté les autres. Wake me up when September ends: Les objectifs liés à la mélodie ainsi que l’aisance au niveau des paroles ont été atteints. Les classes sont rapidement parvenues à chanter cette chanson avec aisance et empathie. Les objectifs spécifiques opérationnels ont été atteints par la majorité. Somebody that I used to know: Malgré l’élan affectif de la grande majorité des élèves à l’égard de cette chanson, les difficultés liées à la prononciation ont passablement compliqué sa réalisation en classe. Ainsi, les objectifs spécifiques opérationnels ont été atteints par environ un cinquième des élèves, toutes classes confondues. Nous avons de ce fait diminué nos exigences en nous concentrant sur le refrain. Help!: Cette chanson a été bien accueillie par les classes en général. Les objectifs spécifiques opérationnels ont été atteints par la majorité, sauf pour le deuxième couplet, pour la même raison que We will rock you. Sunday Bloody Sunday: RPG ayant pris beaucoup de temps pour mettre en place Somebody that I used to know, sans beaucoup de succès, elle a décidé de ne pas faire chanter celle-ci à ses élèves et a travaillé cette chanson exclusivement sur l’écoute musicale et le riff de xylophone JN s’y est attelé avec ses classes; les objectifs spécifiques opérationnels liés à la mélodie et à l’aisance vocale en groupe n’ont pas été atteints par la majorité des élèves, faute de temps.

Table des matières

1. Introduction
2. La musique au Secondaire I: concepts et taxonomies
2.1 Enseignement de la musique dans le canton de Vaud
2.1.1 Aperçu historique: de la leçon de chant au PER
2.1.2 Contenus des cours de musique
2.2 Taxonomies des objectifs d’apprentissage
2.2.1 Taxonomie des habiletés cognitives
2.2.2 Taxonomie des objectifs en musique
2.3 Progression des apprentissages en musique
2.3.1 Pratique et conceptualisation
2.3.2 Facteurs qui influencent l’apprentissage musical
2.3.3 Processus, production et créativité
2.3.4 Evaluation diagnostique, formative et sommative
3. Question de recherche
4. Méthodologie
4.1 Choix et présentation des classes
4.1.1 Les classes de JN
4.1.2 Les classes de RPG193
4.2 Modalités d’analyse de notre enseignement
4.2.1 Visites de classe réciproques
4.2.2 Prises de notes type “cahier de bord”
4.2.3 Discussions, remédiations, échanges
5. Présentation de la séquence didactique
5.1 Choix des contenus musicaux
5.1.1 Chanter en anglais
5.1.2 Les notions théoriques
5.1.3 Les percussions corporelles
5.1.4 Le xylophone
5.2 Objectifs
5.2.1 Buts et finalités
5.2.2 Objectifs généraux
5.2.3 Objectifs spécifiques opérationnels
5.3 Approche taxonomique
5.4 Régulations opérées en cours de route
5.4.1 Modifications de contenus
5.4.2 Modifications de modalités d’apprentissage
5.5 Evaluation certificative
5.5.1 Chez RPG
5.5.2 Chez JN
6. Analyse de la séquence didactique
6.1 Observations en classe
6.1.1 Activité vocale
6.1.2 Activité rythmique et corporelle
6.1.3 Activité instrumentale
6.1.4 Activité d’écoute
6.2 Evaluations
6.2.1 Test pratique (chant)
6.2.2 Test écrit
6.3 Objectifs affectifs et psychomoteurs
6.3.1 Réception/évocation
6.3.2 Eveil empathique
6.3.3 Adhésion et valorisation
6.3.4 Capacité physique
6.3.5 Discrimination perceptive
6.3.6 Mémoire motrice
6.3.7 Interprétation organisationnelle
6.3.8 Création non verbale
6.4 Différences entre les classes
6.5 Différences entre les enseignants
7. Vers une progression des apprentissages
7.1 Eléments déterminants
7.1.1 La motivation
7.1.2 L’anglais en 9è Harmos
7.2 Bilan de notre approche taxonomique
8. Conclusion
9. Liste des références bibliographiques
10. Annexes

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