EVALUATION DES TENEURS EN NITRATES DES EAUX SOUTERRAINES UTILISEES
MALADIES HYDRIQUES D’ORIGINE CHIMIQUE
L’eau constitue un élément essentiel pour le développement de la vie. Le corps d’un être humain adulte est composé de 60 % d’eau et une consommation minimale de 1,5 litre d’eau par jour lui est nécessaire. En raison de son caractère vital, l’eau consommée doit être de bonne qualité afin d’éviter la survenue de pathologies d’origine hydrique. La qualité de l’eau se définit le plus souvent par rapport à l’usage que nous en faisons. Des défauts dans cette qualité peuvent être source de risques, du fait de la présence d’agents chimiques ou biologiques (ANSES, 2013) La grande majorité des problèmes sanitaires en lien direct avec l’eau sont dus à une contamination microbienne (bactérienne, virale, provoquée par un protozoaire ou un autre agent biologique). Néanmoins, un nombre significatif de problèmes sanitaires graves peut résulter de la contamination chimique de l’eau de boisson (OMS, 2017). Les maladies d’origine hydrique résultent d’une exposition à des microorganismes pathogènes ou à des produits chimiques présents dans l’eau potable ou les eaux utilisées pour les activités récréatives. L’eau contaminée pénètre le plus souvent dans l’organisme par ingestion; toutefois, les contaminants de l’eau peuvent aussi être inhalés ou adsorbés, ou peuvent pénétrer dans le corps par les plaies ouvertes (CHARRON et coll., 2014). Le risque d’origine chimique, d’une façon générale, peut être lié, soit à une contamination de l’eau brute (pesticides, nitrates…), soit à un traitement de l’eau (dérivés de l’aluminium coagulant, sous-produits de désinfection), soit au transport de l’eau (présence dans les tuyaux de contaminants tels que plomb, amiante, hydrocarbures au transport de l’eau (présence dans les tuyaux de contaminants tels que plomb, amiante, hydrocarbures aromatiques polycycliques). Ce risque a été principalement étudié pour l’eau destinée à la consommation humaine Dans de rares cas, il tient à un déficit en élément nutritif (iode, fluor). La plupart du temps, le risque, réel ou suspecté, à court ou long terme, est le fait d’un accroissement de la teneur dans l’eau d’un composant, phénomène qui peut être momentané ou non, accidentel ou non. Il existe par exemple des contaminations naturelles par le fluor qui dans la région de Maria en Gaspésie (Québec, Canada) et d’Etain dans la Meuse (France). 7 A long terme, le rôle néfaste de macro-constituants des eaux (sodium, dureté…) n’a pas été confirmé ; en revanche, certains micro-constituants sont réellement impliqués dans un risque hydrique, tels des métaux lourds (plomb, cadmium etc.) ; des interrogations subsistent sur le risque cancérogène qui pourrait être induit par certaines molécules organiques (pesticides, haloformes) et, d’une manière plus générale, par les sous-produits minéraux ou organiques de la désinfection des eaux (chloration surtout) (HARTEMANN, 2013). La pollution chimique, est inquiétante par son aspect ubiquitaire, persistant, insidieux et polyvalent de certaines de ces substances. L’on se pose de plus en plus la question d’éventuels effets perturbateurs endocriniens de ces substances qui pourraient en effet interférer avec le système hormonal et influencer négativement les processus de synthèse, de sécrétion, de transport, l’action ou l’élimination des hormones, comme cela a été démontré sur diverses espèces animales (poissons et oiseaux prédateurs de poissons, mais aussi chez des mammifères), y compris l’homme (HARTEMANN, 2013). D’après la littérature, des millions de nourrissons et d’enfants meurent chaque année de maladies d’origine hydrique dues à la contamination de l’eau de boisson. Cette pollution de l’eau de boisson notamment d’origine chimique peut favoriser la propagation de maladies graves telles que les irritations, les allergies, l’avortement, les cancers et les intoxications chimiques (OUEDGHIRI et coll., 2014). Les risques de maladies causées par des contaminants chimiques trouvés dans l’eau, ont fait l’objet de plusieurs études au Canada, particulièrement concernant les nitrates dans les eaux souterraines (Arbuckle et coll., 1988; Levallois et coll., 1998, 2000; Van Leeuwen et coll., 1999; Thompson, 2001 in (CHARRON et coll., 2014). La méthémoglobinémie est la principale manifestation d’une intoxication aux nitrates. Selon le pourcentage de méthémoglobine formé, cette pathologie peut entraîner divers problèmes respiratoires tels qu’une cyanose, une céphalée ou un coma (Laferrière et al. 1995). Aux ÉtatsUnis, certains cas de mortalités infantiles causés par la méthémoglobinémie ont été identifiés principalement dans les familles de fermiers (Johnson, 1987). Les concentrations en nitrates de la source d’eau potable de ces fermes dépassaient la limite permise par l’Environmental Protection Agency (EPA) qui est de 10 mg-N/L. Les groupes à risque sont les femmes enceintes et les nourrissons de moins de trois mois (GAREAU et coll., 1999). 8 Les cancers les plus souvent associés à la consommation d’eau dont les teneurs en nitrates sont élevées sont ceux de l’œsophage et de l’estomac (Bisson et Gaudreau, 1992). Selon d’autres études, les nitrosamines en traversant la barrière placentaire pourraient affecter le développement de l’enfant (GAREAU et coll., 1999). Les nitrates peuvent, également, réagir avec des amines dans l’estomac et former des nitrosamines (Rousseau, 1995). Ces derniers auraient un potentiel cancérogène, tératogène et mutagène chez plusieurs espèces animales, incluant les primates (Bisson et Gaudreau, 1992). Les cancers les plus souvent associés à la consommation d’eau dont les teneurs en nitrates sont élevées sont ceux de l’œsophage et de l’estomac (Bisson et Gaudreau, 1992). Selon d’autres études, les nitrosamines en traversant la barrière placentaire pourraient affecter le développement de l’enfant (GAREAU et coll., 1999). Alors que l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) recommande une concentration de 0, 05 mg-N/L de nitrates dans l’eau potable, le Canada, à l’instar des États-Unis, tolère une concentration maximale de 10 mg-N/L dans l’eau de consommation (SANTE CANADA, 1996). Malgré cette concentration réglementaire, des intervenants en santé publique mentionnent dans leur étude qu’une eau où les concentrations dépassent 1 mg-N/L est fortement soupçonnée d’être contaminée. En effet, les teneurs en nitrates retrouvées naturellement dans l’eau se situeraient entre 0,2 et 3 mg- N/L (GAREAU et coll., 1999
GENERALITES SUR LES NITRATES
Formule et structure
Le nitrate est un composé inorganique composé d’un atome d’azote (N) et de trois atomes d’oxygène (O). L’ion nitrate est l’ion poly atomique de formule chimique NO3 − .Sa masse moléculaire est de 62 g.mol¯¹. CAS Number: Nitrate 14797-55-8 – Structure Figure 1 : Vue planaire de la structure de l’ion nitrate Figure 2 : Modèle boules et bâtonnets
Propriétés
Substances chimiques naturelles, les nitrates entrent dans le cycle de l’azote L’azote constituant la molécule de nitrate est dénommé azote nitrique et est généralement noté N-NO. Ainsi un gramme d’ion NO3 − correspond à 0,22 gramme d’azote nitrique. – Propriétés chimiques D’un point de vue chimique, les nitrates sont des sels minéraux de l’acide nitrique. Ils sont très solubles dans l’eau, ne sont pas retenus par le sol et migrent vers les eaux superficielles et souterraines. (ORS RA, 2007) L’ion nitrate est un oxydant assez fort, surtout en milieu acide ; c’est la forme de l’azote ayant le nombre d’oxydation le plus élevé. Il oxyde par exemple des métaux comme le cuivre et même l’argent qui ne sont pas attaqués par les acides dits « non-oxydants », par exemple l’acide 10 chlorhydrique. Le couple redox mis en jeu est souvent NO3 − /NO, plus rarement le couple NO3 − /NO2 − . L’ion nitrate est également impliqué dans la nitration des composés organiques. En milieu acide nitrique fumant (acide très concentré), l’ion nitrate se transforme en ion /NO2 − capable de réagir avec les noyaux aromatiques. La substitution électrophile aromatique qui en résulte produit des produits qui peuvent être explosifs comme le trinitrotoluène. Avec les alcools, il réagit pour donner des esters nitriques. C’est le cas avec le glycérol, ce qui conduit à la trinitroglycérine, un explosif puissant très utilisé, en particulier pour préparer la dynamite. – Propriétés biologiques L’azote, comme le potassium et le magnésium, est un élément vital pour la plupart des organismes mais les plantes ne savent pas le capter directement dans l’air. Sous forme de nitrate, il est très soluble dans l’eau et alors « bio-disponible » pour les racines. Les nitrates sont en outre des sels qui en tant que tels facilitent ou « forcent » l’entrée d’eau dans les racines et dans la plante (rééquilibrage osmotique). Les nitrates, comme les phosphates sont de puissants eutrophisants, et en tant que tels considérés comme des polluants de l’environnement au-delà des doses normalement trouvées dans la nature, qui varient selon les types d’habitats naturels (ORS RA, 2007). La présence d’un excès de nitrates dissous dans l’eau est un indice de pollution d’origine agricole (engrais), urbaine (dysfonctionnement des réseaux d’assainissement) ou industrielle.
Utilisation
Le nitrate est un élément minéral nutritif pour les végétaux et les microorganismes. Pour cette raison, les sels de nitrate comme par exemple le nitrate de potassium (encore appelé salpêtre, de formule KNO3), le nitrate de sodium (NaNO3), le nitrate de calcium (Ca(NO3)2) ou le nitrate d’ammonium (NH₄NO3), sont utilisés pour la fabrication de fertilisants azotés. Le nitrate est également utilisé pour la composition d’explosifs ou de ciments spéciaux, comme additif et colorant alimentaire, pour la coagulation de latex, dans l’industrie nucléaire et pour le contrôle des odeurs et de la corrosion dans les systèmes hydrauliques (BANAS et coll., 1994).
Sources
– Les sources naturelles En l’absence de toute fertilisation azotée, les nitrates présents dans les sols proviennent de la fixation de l’azote atmosphérique par certaines espèces végétales, les légumineuses. Ces plantes captent l’azote de l’air et le transforment en matière organique azotée dans leurs racines. Quand la plante a fini son cycle saisonnier, la matière organique azotée est peu à peu décomposée par des bactéries nitrifiantes du sol, et transformée en nitrates. Si la majorité des nitrates est consommée par la végétation en place, une légère fraction est cependant toujours lessivée par l’infiltration de l’eau de pluie, et se retrouve dans les nappes en profondeur (ORS RA, 2007). Une autre source naturelle est due à l’urine des animaux. Celle-ci contient de l’ammoniac et de l’urée (contenant de l’azote), qui peuvent être rapidement oxydés en nitrates dans les sols. En général, cette source est diffuse, et négligeable (ORS RA, 2007). Il en va de même des déjections humaines, qui contiennent aussi de l’ammoniac et de l’urée, et qui, si elles sont concentrées en un point, peuvent engendrer un excès de nitrates. Plus anecdotique, ajoutons que les éclairs peuvent produire des nitrates à partir de l’azote de l’air, que les termites aussi. Il a été démontré que les cimetières (par décomposition des corps) engendrent aussi des nitrates. Mais ces sources restent très négligeables (ORS RA, 2007). – Les sources anthropiques La présence de nitrates dans les eaux peut résulter de l’épandage excessif d’engrais ou de la lixiviation des eaux usées ou d’autres déchets organiques vers les eaux de surface et les eaux souterraines (OMS, 2004). La source majeure est l’apport d’engrais azotés. Les rejets industriels ou urbains restent moindres comparés à cet apport. L’amendement d’engrais azoté peut se faire soit directement sous forme de nitrates, soit sous forme d’ammoniac, ou d’urée, lesquels se transforment dans le sol (ORS RA, 2007).
Mécanismes de formation des nitrates dans le sol et les eaux
La formation des nitrates dans le sol et les eaux est une étape du cycle de l’azote qui fonctionne naturellement dans l’environnement (Figure 3) sous l’action de microflores plus ou moins spécifiques, présentes dans les sols et les eaux. Parmi ces microflores, un ensemble de populations bactériennes sont capables de transformer l’azote gazeux inerte de l’atmosphère (N₂), en azote ammoniacal (NH₄⁺), utilisable par les plantes, notamment les légumineuses associées à certaines bactéries spécifiques. L’azote absorbé par les plantes permet la synthèse de leurs protéines (R-NH₂) et autres produits organiques azotés végétaux utilisés en alimentation animale ou humaine. Lors de la décomposition des produits végétaux ou animaux dans le sol cet azote organique est à nouveau transformé en azote ammoniacal (NH₄⁺) ; c’est la minéralisation de la matière organique qui concerne à la fois les matières organiques du sol (l’humus) et les matières organiques récemment enfouies. L’azote ammoniacal formé peut être utilisé à nouveau par les plantes ou va être transformé par la nitrification en nitrites (NO2 − ) puis en nitrates (NO3 − ). Les nitrates sont la forme la plus oxydée de l’azote présente dans le sol et les eaux, sous forme de sels minéraux très solubles et très mobiles. Ils sont assimilables par les plantes et servent de base à l’alimentation azotée de nombreuses plantes cultivées. Ils peuvent être aussi assimilés par les microorganismes du sol en compétition avec les plantes. En milieu pauvre en oxygène, ces nitrates peuvent également être utilisés par certaines bactéries du sol pour leur respiration en remplacement de l’oxygène : ils subissent une dénitrification, qui transforme ces nitrates en nitrites puis en oxydes d’azote gazeux (NO et N₂O) et finalement en diazote atmosphérique inerte (N₂), revenant ainsi au point de départ du cycle [3]. La présence de nitrates dans le sol est donc une résultante de l’ensemble de ces transformations .
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