EVALUATION DES STRATEGIES DE RESTAURATION ET DE GESTION DURABLE DES ECOSYSTEMES
Généralité sur les mangroves
La mangrove est un écosystème constitué d’espèces halophiles qui se développent dans les zones subdidales et intertidales correspondant aux zones de balancement des marées. En tant que telle, elle constitue une forme particulière de la végétation existant à la limite de deux environnements (Spalding et al., 1997). La caractéristique commune que possèdent les espèces qui la composent est la tolérance au sel et aux eaux saumâtres (Spalding et al., 1997). Ainsi, ces espèces végétales appelées palétuviers ont la particularité de croitre dans des milieux pauvres en oxygène et nutriments (vase), et dont la salinité est très élevée. On trouve les forêts de mangrove le long des côtes et des estuaires dans l’ensemble des régions tropicales et subtropicales (Duke et al., 2014). On estime que plus de quarante pour cent des dix-huit millions d’hectares de forêt de mangrove dans le monde se situent en Asie. Les plus grandes se trouvent en Indonésie, au Brésil et aux Sundarbans de l’Inde et du Bangladesh (Spalding et al., 1997). En Afrique, les écosystèmes de mangrove sont essentiellement localisés sur la façade atlantique du continent allant du Sénégal à la Sierra Leone. Les mangroves sont des ressources côtières importantes, essentielles au développement socio économique des populations (Kathiresan, 2012). En effet, ces écosystèmes ont une importance capitale de par leurs fonctions à la fois écologiques, socio-économiques et récréative. Sur le plan écologique: Une grande partie du service écologique des mangroves réside dans la protection des côtes contre le rayonnement solaire, les effets de serre et la fureur des cyclones, les inondations, l’élévation du niveau de la mer, l’action des vagues et l’érosion côtière (Kathiresan, 2012). De plus, Elles stockent en moyenne quelque 1 000 tonnes de carbone par hectare dans leur biomasse et le sol sous-jacent, ce qui les place au rang des écosystèmes les plus riches en carbone de la planète (Duke et al., 2014) . Ces milieux constituent également des zones de frayère (zones de reproduction) pour les espèces halieutiques notamment les poissons et crustacées ; ils constituent également des abris naturels ou nichoirs pour les oiseaux et certaines espèces menacées de disparition. Sur le plan socio-économique : La valeur économique annuelle des mangroves, estimé par le coût des produits et services qu’elles fournissent, a été estimée à 200 000 à 900 000 dollars par hectare (Wells & Ravilious, 2006) 5 De nombreuses communautés ont une dépendance traditionnelle sur les mangroves pour leur survie et une gamme de produits naturels provenant des mangroves et des eaux environnantes sont utilisées (Spalding et al., 1997). En effet, les mangroves fournissent des produits forestiers (bois de chauffage, charbon, bois d’œuvre, miel, etc.) et des produits halieutiques (poissons, crevettes, crabes, mollusques, etc.) (Kathiresan, 2012). Ces derniers sont destinés à la fois à la consommation et au commerce local et national ce qui contribue aux moyens de subsistance de milliers de communautés côtières (Duke et al., 2014) o Sur le plan récréatif : les écosystèmes de mangrove sont de hauts lieux de divertissement, qui se caractérisent souvent par une activité touristique très importante. Ils abritent des bolongs, des cours d’eaux et une verdure qui offrent une certaine externalité positive. Malgré sa valeur, les écosystèmes de mangroves figurent parmi les plus menacés de la planète (Duke et al., 2014). Ils disparaissent à hauteur de 1 à 2 % par an dans le monde, un taux supérieur ou égal aux diminutions des récifs coralliens ou des forêts tropicales humides adjacents (Wilkie & Fortuna, 2003) . Ces pertes se produisent dans presque tous les pays qui possèdent des mangroves, et ces taux sont plus importants dans les pays en développement, dans lesquels plus de 90 % des mangroves sont situées (Duke et al., 2007). L’augmentation de la population, la production alimentaire, industrielle et urbaine ont conduit à une proportion importante de destruction des ressources mondiales en mangroves. La pénurie dans les pays en développement a conduit au défrichage de nombreuses zones à des fins agricoles ou pour la mise à disposition d’étangs à poissons et à crevettes pour la production (Spalding et al., 1997). Ainsi, il apparait important de préserver ces écosystèmes. Les mangroves doivent être protégées contre les menaces, car de cette manière elles seront également mieux à même de s’adapter aux changements mondiaux (McLeod & Salm, 2006).
Présentation de la zone d’étude
La région du Delta du Saloum, se trouve à 150 km au Sud de Dakar, à environ 50 km au Sud-ouest de Kaolack et à 20 km de Banjul, en Gambie. La réserve de biosphère du Delta du Saloum (RBDS) s’étend sur environ 234.000 ha. Elle englobe les arrondissements de Djilor, Toubacouta, Fimela et Niodior. Elle est localisée 6 entre 13°35 et 14°15 de latitude Nord et entre 16°03 et 16°50 de longitude Ouest (Dia, 2003) (Figure 1). Figure 1 : Situation géographique de la Réserve de Biosphère du Delta du Saloum Reconnu site RAMSAR (1984), et patrimoine de l’UNESCO (2011), le delta du Saloum est le site de reproduction et de croissance de plus de 50 espèces particulièrement de la sterne royale dont 1/3 de sa population est localisée dans la zone. A ce titre, le delta du Saloum est une zone humide d’importance internationale car elle remplit le critère spécifique 4 de la Convention sur les zones humides. Ainsi, l’ensemble de la région du Delta du Saloum abrite une importante biodiversité et comprend environ 200 îlots séparés par des bolongs (chenaux ramifiés). L’écosystème emblématique de la région est la mangrove. En tant que réserve de biosphère, la zone, doit assurer les fonctions de recherche et de protection de l’environnement, les fonctions d’éducation et de formation, et les fonctions de coopération pour le développement (Fall, 2007). Sur le plan géographique, la RBDS forme un écosystème côtier et marin qui s’ouvre sur l’Océan Atlantique (Fall, 2007). C’est l’une des rares réserves de biosphère d’Afrique de l’ouest où l’on trouve un continuum d’écosystèmes terrestre, marin et côtier, fortement 7 dépendants du point de vue de leur fonctionnement, de leur dynamique et de leur évolution. La diversité de ses écosystèmes fonde l’originalité de la RBDS. Du point de vue hydrologique, elle est située dans la partie estuarienne du bassin hydrographique du Sine Saloum formé de trois bras principaux : le Saloum au nord (110 km de long), le Bandiala au sud (18 km) et le Diomboss entre les deux (30 km)… Ces trois cours d’eau séparent trois grands groupes d’iles : les îles Gandoul, les îles Betenti et les îles Fathala. Ces îles entourées par la mangrove abritent de gros villages de pêcheurs dont les plus importants sont Niodior, Dionewar, Betenti, Bassoul et Djirnda (Fall, 2007). L’eau de mer coule vers l’amont dans les fleuves pour compléter des déficits hydriques causés par l’évaporation sur les fleuves à cause d’une alimentation irrégulière en eaux douces par des rivières du continent. Le relief de la RBDS est d’une manière générale assez plat, l’altitude étant partout inférieure à un mètre (Dia, 2003). Les seules élévations observables sont les dunes et les accumulations de coquilles d’huîtres et d’arches d’origine anthropique (Dia, 2003). D’après Marius (1977), le climat de la RBDS est de type soudanien à soudanosahélien. Ce dernier présente un cycle saisonnier très contrasté avec une saison des pluies qui va de juillet à octobre alternant avec une saison sèche de huit mois qui s’étend de novembre à juin. Néanmoins la zone est confrontée à une baisse drastique de la pluviométrie ces dernières années. Cette situation n’est pas sans conséquence sur la dynamique des écosystèmes. Concernant la température moyenne mensuelle, elle varie au cours de l’année entre 22 et 32 °C (CORMIER, 1999) et varie selon que l’on se trouve à l’intérieur du continent ou dans les îles. Selon Dia, 2003, la zone est soumise à trois types de vent : • l’alizé maritime, relativement frais, de direction NNW; son pouvoir hygrométrique est très faible; • l’alizé continental ou harmattan, vent chaud et sec qui souffle en saison sèche; son pouvoir hygrométrique est quasi nul; • la mousson qui après avoir effectué un long parcours océanique, arrive sur le continent avec une humidité élevée de l’air qui apporte la pluie. 8 Du point de vue chimique, les deux caractères dominants du sol sont l’acidité potentielle et la salinité, l’un étant lié au stock important de souffre et l’autre à l’influence de la mer (Marius, 1985).
Enjeux socio-économiques et écologiques du milieu
Caractéristiques du milieu
La RBDS regorge de potentialités économiques, culturelles et écologiques très importantes. Les Hommes en sont principalement les bénéficiaires au plan de l’autoconsommation et de l’amélioration de leurs revenus (Ndour et al., 2012). Sur le plan économique, la grande majorité de la population tire leurs revenus à travers des activités liées à l’exploitation des ressources naturelles. Il s’agit de l’agriculture, de la pêche, de l’élevage, de la cueillette de produits forestiers, du tourisme, de l’extraction du sel et de l’exploitation des coquillages (Dia, 2003). La pèche et l’exploitation de produits halieutiques concentrent une part importante de la population étant donné la configuration écologique de la zone qui offre aux espèces un milieu propice pour leur reproduction et leur survie. L’attraction touristique est justifiée par l’originalité du paysage formé de bolongs et d’une verdure qui offrent une certaine externalité positive. L’agriculture et l’élevage dans une moindre mesure, concentrent une part importante de la population et se pratiquent plus dans la frange continentale de la RBDS. Sur le plan culturel, on note 218 amas coquillers, dont certains font plusieurs centaines de mètres de long, qui résultent de l’activité humaine au cours des millénaires (UNESCO). Sur ces amas coquilliers, figurent 28 sites funéraires en forme de tumulus (UNESCO). Sur le plan écologique, la RBDS renferme une grande diversité de paysage et d’écosystèmes maritimes qui permettent la survie de nombreuses espèces animales et végétales. Le Delta du Saloum est classé premier site mondial de reproduction des sternes royales (Dia, 2003). Cette richesse en avifaune lui a valu d’être érigé en « zone humide d’importance internationale ». Toutefois, des risques importants sont notés sur la RBDS.
Menaces pesant sur le site
La baisse de la pluviométrie notée dans la zone a eu des conséquences drastiques sur l’écosystème de mangrove, mais également sur certaines activités économiques. L’augmentation de la salinité de l’eau et des terres a occasionné l’expansion des tannes et la dégradation des terres productives. L’association mangrove-tanne est omniprésente au sein du Sine-Saloum. (Ackermann et al., 2006) 11 L’augmentation de la salinité de l’eau a une influence physique négative sur la mangrove et par voie de conséquence, sur la reproduction des poissons et des mollusques. En effet, les palétuviers, qui ont une capacité d’absorption du sel limitée surtout pour le Rhizophora, subissent une entrave à leur développement. Ainsi, progressivement la diminution de la faune aquatique par perte de leur habitat est notée. D’autre part, la rupture de la pointe de Sangomar qui a eu lieu en 1987 a eu des conséquences dramatiques pour les populations vivant sur la pointe, notamment celles du village de Djifer, dont une partie a dû être évacuée et relogée (Balla Dieye et al., 2013). L’érosion hydrique est principalement à l’origine de l’ensablement des sites de mangrove. Ceci a pour conséquence de compromettre la régénération du Rhizophora qui a la vasière comme zone de prédilection. A cela s’ajoute la perte de leur abri naturel qui pourrait occasionner la migration de l’avifaune qui donnent à ce milieu sa particularité et qui a conduit à son érection en zone humide d’importance internationale.