Evaluation des résultats de l’insémination artificielle
Le pourcentage moyen de 36.9 % de réussite de l’insémination artificielle que nous avons trouvé est faible comparé à ceux rapportés par N’DIAYE (1992), OUEDRAOGO (1989) et DIOP (1997) qui sont respectivement de 77,3%, 57,14% et 58,09%. Cependant nos résultats corroborent les pourcentages de 36 % et 35.90 % rapportés respectivement par DIENG (2003) et THIAM (1996) mais ils sont supérieurs aux 28.5 % trouvés par MBAYE et N’DIAYE (1993). La grande variabilité des pourcentages de réussite des inséminations artificielles rapportés par les auteurs sur les animaux de races locales s’explique par le fait que plusieurs facteurs influencent cette réussite (alimentation, inséminateur, nature de la semence utilisée, conduite du troupeau, etc…). Le facteur alimentaire est le plus important dans les conditions d’élevage traditionnel car influençant fortement la fertilité des animaux. Ainsi, le nombre assez important des vaches en anœstrus (29.23 %) dans notre étude témoigne d’une sous-alimentation des animaux, car selon VAGNEUR (1992) la principale cause d’anœstrus est le déficit énergétique non compensé. Cependant, la proportion également importante (33.85%) de vaches cycliques montre que l’alimentation n’est pas seule la responsable du faible pourcentage de réussite de l’insémination artificielle obtenue. Dans ces cas, la responsabilité de l’acte d’insémination ou la qualité de la semence sont en cause. Les résultats de la palpation transrectale confirment le fait que le dosage de la progestérone est un moyen de diagnostic précoce de non gestation. En effet toutes les vaches diagnostiquées non gestantes (cyclées et anoestrus) à J21 par la concentration de progestérone ont été confirmées comme telle par la palpation. Ceci est également rapporté par ADEYEMO (1989) qui trouve que l’erreur du diagnostic positif de la gestation à partir du dosage de la 38 Evaluation des résultats de l’insémination artificielle progestérone est de 10% à J21 et que le diagnostic de non gestation est exact à 100 %. Parmi les vaches déclarées gestantes par le dosage de la progestérone, trois se sont retrouvées non gestantes lors de la palpation. Cette situation a plusieurs explications possibles : mortalité embryonnaire, persistance du corps jaune, problème lors du dosage, etc.…
Influence de la nutrition énergétique
La glycémie
La répartition des animaux en fonction de la concentration du glucose le jour de l’I.A montre un pourcentage plus élevé de vaches ayant une concentration de glucose est faible. Cet état d’hypoglycémie pourrait s’expliquer par le fait que les vaches étant en lactation sont en déficit énergétique. Ce déficit énergétique provient de la différence entre les besoins en énergie des animaux (production de lait, besoins d’entretien, etc.) et les apports limités de la ration alimentaire constituée essentiellement par le pâturage. SAWADOGO et al. (1988) ont noté une forte utilisation de lactose au cours de la lactation. Cette utilisation intense entraîne une diminution des substrats glucoformateurs, d’où celle de la glycémie. Les moyennes de glycémie présentées sur le tableau 4 montrent que les vaches gestantes ont des valeurs de glycémie physiologiques (de 2,19 à 5,93 mmol/) durant les trois prélèvements à Jo, J10-12 et J21. Par contre les vaches en anoestrus et cyclées ont des glycémies moyennes faibles. Cette situation indique que la glycémie influence la réussite de l’IA. La figure 4 montre qu’avec des concentrations physiologiques de glucose à Jo, 73.9 % des vaches sont gestantes contre seulement 10.5 % en cas d’hypoglycémie, l’hypoglycémie au moment de l’insémination n’est donc pas 39 favorable à une bonne réussite de l’IA comme l’ont déjà rapporté beaucoup d’auteurs. La figure 4 montre par ailleurs que 17,4 % des vaches ayant de faibles concentrations de glucose à Jo sont cyclées par la suite. Ceci infirme les constats de certains auteurs qui considèrent qu’une vache devrait être en bilan énergétique nul ou positif pour avoir une cyclicité ovarienne normale. Nos résultats sont conformes à ceux d’ENJALBERT (2002) qui émet l’hypothèse selon laquelle l’ovulation peut survenir alors que le déficit énergétique est encore très négatif. 29 % des vaches en anœstrus présentent des concentrations du glucose très faibles pouvant même aller jusqu’à 0.88 mol/l. Cela confirme que le déficit en énergie est l’une des causes de l’ anœstrus chez la vache locale. Selon BRISSON (2003) l’hypoglycémie exerce un effet néfaste sur la fécondité des vaches en perturbant le fonctionnement de l’hypothalamus, bloquant ainsi tout le système hormonal intervenant dans le cycle œstral. L’hypoglycémie entraîne aussi une atrophie des ovaires qui bloque l’activité du corps jaune responsable de la sécrétion de la progestérone. Or l’absence de progestérone entraîne l’impossibilité physiologique de l’installation d’une gestation (mortalité embryonnaire précoce) et en outre retarde l’apparition d’un nouveau cycle par une perturbation de l’axe hypothalamo-hypophyso-ovarien.
Le cholestérol
Le dosage du cholestérol permet de statuer sur le niveau énergétique de la vache car il renseigne sur la mobilisation des réserves corporelles de l’animal. La répartition des vaches le jour de l’I.A. montre que 93.5 % des vaches sont en situation physiologique. Ceci montre que le niveau énergétique bien qu’il soit faible à J0, n’est pas en situation alarmante pouvant entraîner une mobilisation des réserves. 40 Lorsque les concentrations du cholestérol sont faibles, toutes les vaches recensées sont en situation d’anoestrus. Donc l’hypocholestérolémie n’est pas favorable à une bonne fertilité de la vache. Ceci est illustré à la figure 6 où le pourcentage de vaches ne réussissant pas l’I.A. est de 100 % quand la concentration du cholestérol est inférieure à 2.6 mmol/l. Cette relation négative entre gestation et hypocholestérolémie a été montrée par le professeur TREMBLAY cite par VAGNEUR (1992) qui n’obtenait pas d’embryon quand la concentration du cholestérol est inférieure à 3 mmol/l. Cela pourrait s’expliquer par le fait que la progestérone étant synthétisée à partir du cholestérol, l’hypocholestérolémie engendre une hypoprogestéronémie.
La nutrition azotée
La répartition des animaux le jour de l’I.A., montre que 63.9 % des vaches présentent des concentrations d’urée élevées attestant d’une alimentation riche en protéines LEYE (2004) L’intervalle de valeurs physiologiques de 2.6 à 4.5 mmol/l que nous avons retenu est en accord avec celui de Vagneur qui donne un intervalle de 3.33 à 4.9 mmol/l. LEYE (2004) donne un intervalle plus restreint de 2.12 à 2.85 mmol/l. Dans notre étude, nous avons trouvé qu’il y’a hyperurémie dès que la concentration excède 4.5 mmol/l et dans ce cas la fertilité commence à être affectée. Ceci est confirmé par LEYE (2004) qui trouve que le pourcentage de gestation diminue avec des concentrations supérieures ou égales à 4.68 mmol/l. BUTLER (1998) trouve que la fertilité est affectée dès que la concentration excède 2.66 mmol/l. La répartition des vaches inséminées en fonction de la concentration en urée à J0 sur la figure 8 montre que 76.9 % des vaches sont gestantes quand les concentrations en urée sont physiologiques. En cas d’hyperurémie, seuls 8.7 % 41 des vaches sont gestantes alors que le pourcentage de vaches en anoestrus est de 47.8 % avec des concentrations en urée pouvant atteindre 7.9 mmol/l. Ceci montre que les rations riches en protéines qui se reflètent par des concentrations d’urée élevée dans le lait n’améliorent pas la réussite de l’I.A.. Ceci est d’autant vrai qu’avec des concentrations d’urée élevée, 91.3 % des vaches ne réussissent pas l’I.A.. Nos résultats sont conformes à ceux de FERGUSSON (1989) qui montre une baisse très nette de la fertilité avec des concentrations élevées en urée. Selon WOLTER (1992), une concentration d’urée supérieure à 35 mg/l révèle une intoxication ammoniacale plus ou moins chronique favorisant des troubles de la reproduction. Chez les vaches cyclées, la non réussite à l’insémination pourrait s’expliquer par une concentration d’urée élevée. Comme les autres fluides corporels, la concentration d’urée dans les sécrétions utérines augment parallèlement à l’urée sanguine. Ceci entraîne une diminution du pH utérin affectant la survie des spermatozoïdes. De plus une concentration d’urée élevée diminue la capacité de la progestérone de contrôler la composition ionique du fluide utérin. 47.8% des vaches en anoestrus avec une progestéronémie très faible ont des concentrations élevées en urée. Ces résultats sont en accord avec les travaux de ENJALBERT (2002) qui stipulent que les concentrations d’urée élevées entraînent une diminution de la concentration de progestérone dans le sang. Ceci est aussi confirmé par BUTLER (1998) qui note une sécrétion accrue de prostaglandines lorsque des cellules endométriales d’utérus ont été incubées avec des concentrations élevées d’urée. Or les prostaglandines lisent le corps jaune supprimant toute sécrétion de progestérone. L’ensemble de ces résultats indique clairement que des concentrations élevées d’urée affectent le développement et diminuent les chances de survie et d’implantations de l’embryon (avortements).
Influence de la relation entre nutrition énergétique et nutrition azotée sur la réussite de l’insémination artificielle
Les figures 9, 10, 11 permettent d’analyser simultanément l’évolution de la glycémie, de la cholestérolémie et l’urémie en fonction de l’état physiologique des animaux. Il apparaît ainsi que les vaches en anoestrus présentent une glycémie moyenne très basse durant tous le prélèvements, une cholestérolémie moyenne faible à Jo qui devient très élevée (hypercholestérolémie) à J11-12 et à J21 et enfin une urémie moyenne élevée (hyperurémie) durant les trois prélèvements . Ceci confirme que la glycémie est négativement corrélée à la cholestérolémie et à l’urémie comme rapportés par certains auteurs (SAWADOGO,1998 ; ENJALABERT, 2002). Cette augmentation de la concentration du cholestérol s’explique par le fait qu’en période de déficit énergétique, il y’a une insuffisance d’oxaloacétate dans le cycle de Krebs par rapport à l’accumulation d’acétyle CoA qui peut être alors transformé en corps cétonique et en cholestérol. La corrélation négative entre la glycémie et l’urémie pourrait s’expliquer par le fait que l’élimination de l’excès d’azote sous forme d’urée entraîne une dépense énergétique significative pour la synthèse de l’urée à partir de l’ammoniac. Chaque molécule d’urée produite requiert l’apport de quatre molécules de phosphore provenant d’ATP. Ainsi une concentration d’urée élevée engendre une dépense énergétique supplémentaire qui détériore le bilan énergétique VAGNEUR (1992). Nos résultats nous montrent que des concentrations élevées d’urée (7,9 mmol/l) associée à une glycémie basse ont une incidence négative sur les ovaires. Ceci a été démontré par NOCEK (1991) qui trouve qu’une urémie élevée associée à une glycémie basse chez une vache ayant une faible note d’état corporel sera le plus souvent accompagnée d’anoestrus. Les vaches cyclées présentent presque la même évolution des trois paramètres qu’avec les vaches en anoestrus. La différence réside dans les concentrations plus élevées de glycémie (même si elles demeurent faibles) et le peu de variation de l’urémie (qui est toujours élevée). Il ya donc une amélioration du rapport urémie/glycémie par rapport aux vaches en anoestrus. Les vaches gestantes montrent des glycémies moyennes physiologiques et supérieure aux vaches cyclées et en anoestrus durant les 3 prélèvements. L’urémie moyenne est élevée mais stable durant ces prélèvements et moins élevée que pour les vaches cyclées et en anoestrus. La cholestérolémie moyenne est physiologique à Jo et augmente pour les autres prélèvements comme chez les autres groupes de vaches. A partir de ces observations peut dire que le niveau de glycémie qui reflète la balance énergétique de l’animal semble le plus déterminant pour la survenue et le maintient de la gestation.