EVALUATION DES PROPRIETES ALLELOPATHIQUES DE Ravensara aromatica Sonnerat
INTRODUCTION
La préservation de la biodiversité ainsi que des écosystèmes qui les abritent constitue un défi qui tient à cœur l’homme du 20ème siècle. Or, cette préservation ne peut se faire que par le biais de la valorisation des espèces ou autres structures y afférents, en d’autre terme par l’existence d’intérêts financiers, en plus de ceux écologiques ou environnementaux associés à ces écosystèmes (RAKOTO, 2007). Nombreuses sont les investigations scientifiques qui ont pour but de montrer la valeur commerciale des espèces forestières sur le marché international. C’est ainsi que l’exploitation des plantes à huiles essentielles dont Ravensara aromatica qui fait l’objet de la présente recherche, a connu un essor particulièrement important ces dernières années (RASOANAIVO 1997, ANDRIANARISON et al, 2001). Cependant, l’exploitation rapide et incontrôlée de ces ressources forestières menace la survie de certaines espèces dans leur habitat naturel (ANDRIANARISON et al, 2001). Aussi, des investigations multidisciplinaires ont été menées pour connaître au mieux le fonctionnement de ces espèces au niveau autoécologique, synécologique et physiologique, contribuant de cette manière à améliorer leur exploitation, et assurer leur survie ainsi que leur disponibilité pour les générations futures. C’est dans ce cadre que Ravensara aromatica, une espèce endémique de la forêt tropicale humide du Centre – Est de Madagascar, appartenant à la famille des Lauraceae, produisant une huile essentielle appréciée pour ses vertus thérapeutiques, fait l’objet de recherches. Sa composition chimique varie selon des types chimiques ou chémotypes dont la répartition n’a pu être reliée à la diversité génétique (ANDRIANOELISOA et al, 2006 et RAKOTO, 2007). Cette espèce se régénère plutôt mal et tarde à atteindre le stade adulte, ce qui incite les paysans récolteurs d’écorces et de feuilles à exploiter les jeunes individus (RANDRIAMPARANY, 2005 et RAZAFITSIAROVANA, 2007). De plus, elle cohabite difficilement avec Uapaca densifolia : les essences de l’une ne peuvent se développer là où l’autre est présent en nombre (RANDRIAMPARANY, 2005). Ces observations suggèrent l’existence d’un phénomène allélopathique entre ces deux espèces. L’allélopathie est l’exclusion d’une espèce par une autre par libération de substances chimiques dans le milieu (RICE, 1984). Elle se manifeste souvent par la dominance d’une espèce sur d’autres ou par l’exclusion d’une espèce par une autre . Le présent travail vise à tester et à évaluer les éventuelles activités allélopathiques de Ravensara aromatica et par la même occasion compléter au mieux les informations scientifiques la concernant. L’allélopathie pourrait avoir un impact sur la dynamique de cette espèce et celle de la forêt qui l’abrite (REINHARDT et al, 1999 ; CHOU, 1999 et CABOUN, 2006). Les résultats de cette recherche pourraient aider à comprendre et à résoudre en partie les problèmes de régénération de cette espèce et ceux des écosystèmes dont elle fait partie (PENG et al, 2004 et CABOUN, 2006). Par ailleurs, les composés allélopathiques sont connus pour avoir des propriétés inhibitrices de la germination et de la croissance des espèces sur lesquelles ils agissent (SOAREZ. 2000, MORADSHASHI et al. 2003), ces propriétés pourraient conduire à la découverte de nouveaux bioherbicides (DUDAL et al, 1999). C’est dans ce sens que la présente recherche trouve son intérêt, elle a pour objectif de déterminer : ) les propriétés allélopathiques de l’espèce Ravensara aromatica via son huile essentielle ; ) la sensibilité des espèces testées à son huile essentielle, à différents stades de développement ) l’influence de divers chémotypes de l’huile essentielle de Ravensara aromatica sur cette propriété allélopathique. Des études antérieures ont montré que les composés solubles possèdent souvent des propriétés allélopathiques (VYVYAN, 2002). Suite à cette constatation, trois espèces ont été choisies pour tester l’effet de trois chémotypes d’huile essentielle de Ravensara aromatica, qui dans ce cas est vue comme un mélange de molécules. L’effet allélopathique est évalué sur trois stades de développement d’une plante sur laquelle Ravensara aromatica pourrait agir via son huile essentielle : la germination, l’émergence des plantules et des plantules saines. Il est à noter cependant que notre étude se limite à des jeunes plantules de 0 à 7 jours. L’effet de trois chémotypes d’huile est étudié sur quatre gammes de sept concentrations d’huile essentielle appliquées en aérosol et par imbibition dans le support de culture. Leur impact : • sur la germination est mesuré par la germination relative et le délai de germination ; • sur l’émergence des plantules est mesuré par la proportion de graines converties en plantules conformes ; • sur des plantules développées est mesuré par la proportion de plantules intactes, endommagées et mortes en fin d’expérience. Bien au-delà de tout intérêt purement physiologique, la portée de cette étude concerne à la fois : • l’écologie : avec des propriétés allélopathiques, Ravensara aromatica pourrait jouer un rôle important dans la dynamique forestière ; • l’horticulture : avec des propriétés allélopathiques, Ravensara aromatica pourrait être utilisée pour contrôler le développement des espèces horticole et ainsi obtenir un paysage bien déterminé ; • l’environnement et l’agriculture : avec des propriétés allélopathiques, Ravensara aromatica pourrait être utilisée comme bioherbicide et limiter ainsi l’utilisation des produits chimiques.
Rappels sur le développement des plantules
La germination
Dans le cadre de cette étude, la germination désigne la percée d’une partie de l’embryon à travers le tégument, qu’il s’agisse de la radicule ou d’autres parties de l’embryon si tant est que cette partie soit la première sortie. C’est un concept qui fait référence au passage de la vie latente à la vie végétative (MAYER et al, 1963). Pour la graine d’orge, le processus se déroule en plusieurs étapes: ) La semence s’imbibe d’eau et les cellules de l’albumen sont remplies d’amidon. ) Cette rentrée d’eau induit la synthèse d’une petite quantité de gibbérellines au niveau de l’embryon, celles-ci se diffusent à travers l’albumen et atteint la couche d’aleurones. ) La gibbérelline induit la synthèse d’enzymes au niveau de la couche d’aleurones, dont des hydrolases et des amylases, qui désintègrent et liquéfient l’albumen. ) Durant ce procédé, sont formées des cytokinines et des auxines qui induisent la croissance de l’embryon en permettant la division cellulaire et l’accroissement de la taille des cellules. ) L’auxine s’accumule dans la partie basse du coléoptile induisant la courbure responsable du géotropisme négatif de la croissance de la radicule.
La croissance végétative
La germination passant par des phases de divisions et d’élongations cellulaires, est liée à la croissance. Une chose est certaine : l’embryon entier est déjà formé dans la graine avant sa séparation de la plante mère (figure 1). Le(s) cotylédon(s) ou première(s) feuille(s), le coléoptile à l’origine de la tige et la radicule constituent l’embryon proprement dit. Après la sortie de la radicule, souvent indicateur de la germination, les organes de l’embryon croissent par mérèse (division cellulaire) et par auxèse (élongation cellulaire). Lorsque l’embryon émerge du sol, la photosynthèse s’établit et l’apex synthétise les régulateurs de la croissance : auxine et gibbérelline (MAYER et al. 1963). Figure 1 : Structure schématique d’une graine d’Angiosperme Dicotylédone (WIKIPEDIA). a : tégument ; b : albumen ; c : cotylédon ; d : embryon II. L’allélopathie Le mot allélopathie dérive de mots latins : « allélon » qui veut dire « entre deux individus » et « pathos » qui signifie « souffrance ou dommages ou affection ». Il se réfère à l’inhibition chimique d’une espèce par une autre. Le terme a été utilisé pour la première fois par MOLISH (1937) pour désigner tout effet direct ou indirect d’un composé chimique transféré d’une plante à une autre. Plus tard, l’allélopathie est définie comme étant la capacité d’une plante à inhiber ou à stimuler la croissance et le développement des plantes avoisinantes par sécrétion de substances chimiques dans le milieu (RICE, 1984). A partir de 1987, le terme fut utilisé pour des interactions entre des organismes différents des plantes (EINHELLIG, 1995)
Remerciements |