Evaluation des prescriptions d’antiagrégants plaquettaires chez le sujet âgé en ambulatoire
Latrogénie spécifique aux sujets âgés
En lien avec une polymédication plus présente chez les sujets âgés et une fragilité physiologique plus importante , la population gériatrique présente ses propres spécificités concernant la iatrogénie. Les services de santé œuvrent pour prendre en charge ce problème de santé publique et des programmes de formation et de réformes sont mis en place en France sous la direction de la HAS comme le plan d’action : Prescription Médicamenteuse chez le sujet âgés (PMSA) en 2005.
PMSA (Prescription Médicamenteuse chez le Sujet Âgé)
Depuis 2005, dans le cadre de l’évaluation des pratiques professionnelles (définie par le décret du 14 avril 2005), un plan d’action spécifique aux sujets âgés a été mis en place par la HAS (5) : Prescription Médicamenteuse chez le Sujet Âgé (PMSA). Ce plan d’action vise une diminution de la iatrogénie médicamenteuse chez le sujet âgé par une meilleure prescription au quotidien. Il s’applique à l’ensemble des praticiens travaillant avec une population gériatrique mais est axé principalement sur les médecins traitants car ils représentent les principaux prescripteurs dans cette tranche de la population. Ce programme regroupe un ensemble d’outils pour la pratique quotidienne, des mémos et des référentiels d’évaluations selon le type de pratiques.
Spécificité physiologique du sujet âgé
Le sujet âgé présente des facteurs de risque de iatrogénie médicamenteuse spécifiques. En effet, ils sont le plus souvent polymédiqués (1) et du fait du vieillissement physiologique et de leurs fragilités, ils sont plus sensibles aux effets secondaires de leurs traitements que les autres tranches d’âges. Mais il est important de souligner que dans ces facteurs de risques il y a également une part socio-environnementale (59). 36 Le risque iatrogénique chez le sujet âgé peut donc se diviser en deux catégories : les facteurs liés au sujet et ceux liés au traitement.
Facteurs de risque iatrogéniques liés au sujet âgé
Sur le plan physiologique, il y a un certain nombre de paramètres qui vont se modifier avec le vieillissement de l’organisme et ainsi la pharmacocinétique du traitement sera à prendre en compte (59) (71). En premier lieu, la fonction rénale des patients se dégrade avec l’âge de façon physiologique ou bien provoquée par des pathologies chroniques (le diabète et l’HTA principalement). La majorité des molécules utilisées de nos jours ont une élimination totalement ou partiellement rénale. Ainsi, la pharmacocinétique de ces molécules sera impactée par une diminution de la clairance rénale et leur concentration plasmatique va être augmentée comme leur demi-vie. Ces modifications risquent de provoquer des intoxications (71) chez les patients traités. Il est donc essentiel chez les sujets âgés d’adapter la posologie au débit de filtration glomérulaire. En plus de l’élimination des traitements, deux autres paramètres vont être modifiés chez le sujet âgé : la distribution du traitement dans l’organisme et son métabolisme. La distribution du traitement dans l’organisme va être influencée par une perte ostéo-musculaire associée à un gain adipeux. Cela va entraîner une répartition des traitements différente avec par exemple un stockage et une libération sans cinétique spécifique des molécules lipophiles et des pics plasmatiques vont être observés. La modification de la perméabilité de la barrière hémato-encéphalique va également entrainer une plus grande sensibilité aux molécules agissant sur le système nerveux central, comme par exemple les sédatifs (59). Le métabolisme du traitement va être influencé par la diminution de la fonction hépatique (59). En effet, de nombreux traitements ont un premier passage hépatique et leur disponibilité par la suite sera donc modifiée en cas de diminution de la fonction hépatique. Comme pour la diminution de la fonction rénale, la concentration plasmatique du traitement sera plus importante qu’attendue. 37 Les sujets âgés vont également être plus exposés à certaines situations aiguës comme la déshydratation, les décompensations cardiaques, les infections et les chutes. Ainsi, il est nécessaire de réévaluer les prescriptions médicamenteuses à chaque situation aiguë à laquelle le patient est soumise pour éviter que des traitements pris au long cours soient responsables d’une iatrogénie médicamenteuse (72). L’administration des traitements va également être modifiée chez les sujets âgés avec une diminution de la force, des difficultés de communication, des troubles de la déglutition, de la vue et de l’ouïe (72), autant de paramètres qui vont donc venir perturber la prise quotidienne des traitements et diminuer l’observance avec le risque à terme d’une survenue de iatrogénie médicamenteuse (59) (72). Les facteurs environnementaux d’isolement social, de pauvreté, de dépendance ou de changement d’environnement avec une institutionnalisation par exemple vont être des données à prendre en compte dans la prévention de la iatrogénie médicamenteuse. Il a, en effet, été mis en évidence que la fragilité des patients âgés est nettement influencée par des facteurs sociaux, comme la détérioration et la diminution des interactions sociales qui vont entraîner un repli sur soi du patient (73), et des facteurs environnementaux représentés par des milieux de vie peu stimulants, une diminution des ressources économiques et des problèmes d’accessibilité aux soins (73). En France, en 2017, une personne sur trois de plus de 60 ans est considérée comme en état d’isolement, avec des liens sociaux affaiblis et un sentiment de solitude. En effet, chez les plus de 60 ans, 22% sont isolés du cercle familial, 28% du cercle amical et 21% du cercle de voisinage (74). Chez ces patients, l’isolement social va venir ajouter un facteur de risque de iatrogénie médicamenteuse.
Facteur de risque iatrogénique lié au traitement : la polymédication
La polymédication est définie en 2004 par l’OMS comme « l’administration de nombreux médicaments de façon simultanée ou l’administration d’un nombre excessif de médicaments ». Selon les données de l’Assurance Maladie de 2015, 30 à 40 % des personnes âgées de 75 ans ou plus prennent au moins 10 médicaments différents par jour. Dans une étude de l’IRDES 38 (Institut de Recherche et de Documentation en Economie de la Santé) en 2015 chez une population de plus de 75 ans, il est révélé que 87,4% de la population étudiée prend plus de 5 traitements et 33% plus de 10 traitements (3). La polymédication peut être décrite sous deux angles différents, un point de vue quantitatif et un point de vue qualitatif (75). – L’aspect quantitatif va se définir par un nombre de médicaments pris par jour. Ce nombre peut être variable selon les études mais le nombre de 5 traitements pris par jour (76) définit la polymédication dans les études épidémiologiques. En effet, dans la majorité des études, c’est à partir de ce chiffre seuil de 5 traitements qu’une augmentation significative des risques iatrogènes et des complications médicales est observée (76). Ainsi ce chiffre sera retenu pour le reste de notre étude. – L’aspect qualitatif va se définir en fonction des critères de bon usage des médicaments et notamment grâce à des listes de médicaments définis comme inappropriés avec par exemple la liste de Beers (64). Il a été identifié que dans la population générale certaines pathologies étaient plus à risque de polymédication : les pathologies cardiovasculaires, l’anémie et les pathologies respiratoires (76). Le nombre de prescripteurs plus important chez les sujets âgés peut également être un facteur de risque de polymédication avec la réalisation d’ordonnances qui ne sont pas toujours faites de façon concertée. Le rôle du médecin traitant va donc être essentiel dans la relecture et le renouvellement de ces ordonnances en s’appuyant sur les critères START/STOPP et ceux de Beers (67) (64). Ainsi, avec l’ensemble des paramètres identifiés ci-dessus, un certain nombre de facteurs de risques ont été identifiés de façon consensuelle chez les sujets âgés et ces facteurs doivent être les premiers à être pris en compte par le praticien prescripteur à chaque nouvelle prescription de traitements et surtout à chaque renouvellement d’ordonnance.
1 Introduction |