Evaluation des performances application à la propulsion spatiale
Poussée
La poussée Ff produite par un faisceau d’ions parall`ele d’énergie cinétique ǫi et de masse m est définie par Ff = r 2ǫi m I q m ∝ I q √ ǫim, (9.1) o`u I est le courant de faisceau et m et q sont respectivement la masse et la charge de l’ion. Ainsi, un courant d’ions de 10 µA correspond à une poussée variant respectivement de 0.1 µN à 1 µN pour des faisceaux d’ions hélium à 1.2 keV et d’ions xénon à 4 keV. Les poussées correspondant aux courants de faisceau mesurés expérimentalement au chapitre 7 varient de fait, comme indiqué figure 9.1(a), de quelques dixi`emes de micro-newton lors de l’opération de la décharge filaire à bas courant Is dans l’hélium et pour une tension d’accélération Vf limitée, à deux micro-newtons pour un courant de décharge Is = 15 mA et une tension d’accélération Vf = 4.5 kV. Ces poussées de l’ordre du micro-newton sont typiquement celles produites par une unique pointe d’un propulseur FEEP (Field Emission Electric Propulsion) [127] fonctionnant à une tension d’accélération de 8 kV et à un courant de 10 µA, ou encore d’un propulseur collo¨ıde [128] pour une tension d’accélération de 3 kV et un débit massique de 1 µg.s−1 . L’équation 9.1 indique que des poussées plus importantes pourraient ˆetre obtenues en augmentant au choix l’énergie cinétique, la masse atomique du gaz utilisé ou encore le courant de faisceau. La poussée n’augmentant que comme la racine de la masse atomique du gaz et de l’énergie cinétique ǫi , il semble dans un premier temps préférable de se concentrer sur une augmentation du courant de faisceau I. Le potentiel apport de chacune de ces voies de développement peut-ˆetre analysé de la mani`ere suivante. Dans la configuration géométrique actuelle, une augmentation du courant de faisceau peut ˆetre obtenue de deux mani`eres. Une premi`ere solution, relativement immédiate, repose sur un accroissement du flux d’ions impactant la cathode de la source plasma filaire, c’est à dire sur une augmentation de la densité ionique au sein de la source filaire (c. f. paragraphe 6.1.1). Les moyens de parvenir à une telle augmentation seront discutés par la suite. Une seconde solution, indirecte, consiste en une diminution de la pression régnant au sein de la source filaire, ce qui conduit à une moindre 9.1 Poussee´ 203 u u u .)+ ++ + + E)+ + +2 +P )(. . +++2P .))) E))) (a) Poussé 0 0 0 +() nEc éEEE gnEc +++() nEEE gEEE (b) Isp Figure 9.1: Poussée produite par le faisceau d’ions et Isp en fonction de l’énergie cinétique des ions pour différents courants de faisceau. Vf = 2000 V. influence des effets collisionnels dans les régions d’extraction et d’accélération (c. f. paragraphe 8.2.3), donc à un courant de faisceau accru. Ces deux solutions peuvent bien évidemment ˆetre dans une certaine mesure combinées. Il est en effet raisonnable, à la vue des calculs menés au paragraphe 8.2.2 dans le cas d’un faisceau d’ions hélium, d’estimer qu’une augmentation d’un ordre de grandeur du courant de faisceau ne devrait pas conduire à des modifications significatives des propriétés de faisceau. Il est toutefois à noter ici que les valeurs de courant de faisceau conduisant à des effets de charge d’espace non négligeables sont inférieures dans le cas de l’argon et du xénon comparativement à l’hélium du fait de leur masse plus importante, et donc d’une densité ionique croissant toutes choses égales par ailleurs en racine carré de la masse. Un accroissement de la poussée par le biais d’un accroissement de la masse atomique des ions considérés n’est que peu envisageable dans la mesure o`u d’une part une large gamme de masse atomique a dores et déjà été considérée au travers des faisceaux d’ions hélium, argon et xénon produits, et que d’autre part les gaz rares de masse atomique plus élevée que le xénon sont radioactifs. Il est toutefois envisageable d’étudier le fonctionnement de la source d’ions lorsque la décharge filaire est réalisée dans un gaz moléculaire lourd.
Impulsion spécifique
L’impulsion spécifique (Isp), définie comme le rapport Isp = F mg˙ (9.2) o`u g est l’accélération de la pesanteur, ˙m le débit de masse éjectée et F la poussée, permet de caractériser l’efficacité d’un syst`eme propulsif. L’impulsion spécifique théorique du propulseur dérivé de la source d’ions est, comme indiqué figure 9.1(b), élevée. Les valeurs typiques varient ainsi de 4 × 103 à 5 × 104 secondes selon le gaz et l’énergie de faisceau considérée (1 − 5 keV). Ces valeurs ne correspondent néanmoins pas à l’impulsion spécifique réelle du dispositif, qui elle est de plusieurs ordres de grandeur inférieure. En effet, le taux d’ionisation au sein de la décharge filaire étant faible (10−6 − 10−5 ), une quantité importante de particules neutres s’échappent de l’enceinte au travers du diaphragme, accroissant ainsi fortement la consommation de gaz. Ce phénom`ene a pour effet de dégrader fortement l’Isp du syst`eme, puisque l’on se trouve alors dans une situation similaire à celle d’un propulseur à gaz froid, dont l’impulsion spécifique est inférieure à la centaine de secondes [129] dans le cas d’un jet d’azote, auquel s’ajoute la poussée produite par le faisceau d’ions. Cette dégradation de l’impulsion spécifique étant d’autant plus marquée que la pression de fonctionnement de la source filaire est élevée, il convient d’abaisser au maximum la pression sous réserve de maintenir la décharge en mode diffus (haute pression), de sorte de conserver les propriétés de faisceau propre à ce mode. Dans cette optique, l’utilisation d’un gaz de forte masse atomique est recommandée puisque la pression de transition de mode de décharge de la source plasma filaire pour un courant de décharge donné est d’autant plus faible que le gaz utilisé est lourd (c. f. paragraphe 3.3.1). Cet intérˆet pour un gaz de forte masse atomique est renforcé par le fait que la vitesse moyenne hvi = r 8kT πm (9.3) des particules neutres pour une température T donnée est d’autant plus faible, et donc que le flux Φn de neutres au travers du diaphragme de section S, Φn = ngv 4 S, (9.4) est d’autant moins important, que le gaz est lourd. En reprenant les valeurs de pression de transition de mode présentées tableau 3.1, il est possible de déterminer l’Isp réelle du syst`eme pour diverses valeurs de poussées produites par le seul faisceau d’ions Ff . Les résultats correspondants sont présentés figure 9.2 pour les trois gaz considérés et diverses valeurs de poussée Ff et de rayon de diaphragme Rd. L’objectif étant ici de mettre en relief le potentiel applicatif de la 9.2 Impulsion specifique ´ 205 source d’ions, on ne s’intéresse pas aux conditions – courant de faisceau, énergie cinétique – conduisant à de telles poussées Ff (c. f. section précédente), mais simplement à l’impulsion spécifique réelle du syst`eme dans une configuration donnée. C’est la raison pour laquelle la plage de poussées Ff considérée exc`ede largement les valeurs de poussées obtenues par estimation basée sur les mesures réalisées au moyen de l’analyseur à potentiel retardateur (RPA). Une telle extension du domaine des param`etres n’est toutefois pas injustifiée dans la mesure o`u l’obtention de telles poussées Ff ne semble pas utopique. En effet, les densités d’ions calculés numériquement demeurent limitées (1014 − 1015 m−3 ) comparativement aux valeurs au moins un ordre de grandeur supérieures dans le cas de décharge filaire à plus haut courant dont fait état la littérature, et l’obtention de courant de faisceau plus important parait de ce fait envisageable. L’ensemble des données présentées figure 9.2 sont ainsi indiquées dans l’optique de se faire une idée des performances de la source dans sa configuration actuelle ainsi que des performances potentielles de cette mˆeme source apr`es une phase de développement adéquate.