EVALUATION DES FACTEURS DE RISQUES ET COMPLICATIONS DU DIABETE
Les Facteurs de risques
Le principal facteur de risque cardiovasculaire associé au diabète est l’hyperglycémie. Seul ou associé aux autres facteurs de risques, le diabète est responsable d’une lourde morbidité notamment cardiovasculaire. En effet, des études menées en 2012, sur une population urbaine de Dakar ont montré que la durée de la maladie, une HbA1C > 7%, l’hypertension artérielle (HTA), les catégories socioprofessionnelles et l’indice de masse corporelle (IMC) étaient associés aux complications du diabète ; ainsi, les sujets présentant des complications étaient essentiellement ceux qui avaient un IMC très élevé ou une HTA (73). Des études menées en 2011 à Saint-Louis du Sénégal montrent aussi que le diabète est associé à l’hypertension artérielle dans 87,8 % des sujets diabétiques ou à la dyslipidémie dans 62,8 % des sujets diabétiques (59). Au Mali la prévalence de l’HTA est plus fréquente chez les patients du diabète de type 2 avec une prévalence de 29% ; il en va de même en Côte-d’Ivoire et au Nigéria où elle est de 31% (63). Des études réalisées en 2012 sur des sujets indiens ont montré qu’une augmentation de l’HbA1c de 1% s’accompagne d’une augmentation sur 10 ans de 10% de la mortalité cardiovasculaire et de la survenue de nombreuses infections bactériennes notamment le Streptococcus pneumoniae, Escherichia coli, Enterobacter spp, Staphylococus aureus, quand HbA1c est supérieure à 7% (35). D’autres études menées en 2012 dans 6 pays d’Afrique Sub-saharienne montrent que l’augmentation de l’HbA1c au-delàs de 7% et l’hypertension artérielle sont des facteurs de risques aux complications du diabète. De plus, d’autres facteurs de risques aux AVC ont été notés chez des diabétiques, comme le tabac, l’alcool et l’ancienneté de la maladie. Dans la revue spécialisée, le Canadian Herat Health Survey, les taux de prévalence d’obésité, d’hypertension artérielle, de style de vie sédentaire et d’hypercholestérolémie étaient plus élevés dans le groupe des diabétiques développant des complications (86). L’hyperglycémie n’est pas seulement un facteur potentialisateur du risque, elle en est un facteur causal comme l’ont démontré les études réalisées chez des diabétiques de type 1 n’ayant ni glomérulopathie ni facteur de risque CV et particulièrement chez des indiens diabétiques génétiquement protégés vis-à-vis de l’hypercholestérolémie et de l’hypertension (5, 84). 3
MECANISMES A L’ORIGINE DES COMPLICATIONS VASCULAIRES CHEZ LE DIABETIQUE
La dysfonction endothéliale
Le syndrome métabolique provoque souvent une dysfonction endothéliale qui serait à l’origine de l’insulinorésistance. En effet plusieurs études ont montré que le syndrome métabolique est une cause d’insulinorésistance. Plusieurs études ont montré une diminution de la sécrétion de l’insuline chez les sujets syndromes métaboliques comparés aux témoins (28, 31, 83). L’endothélium joue un rôle clé dans la régulation des propriétés de l’artère. Il possède plusieurs propriétés : des propriétés anti-thrombotiques et antiadhésives, des propriétés de régulation de la perméabilité vasculaire, de la prolifération des cellules musculaires et de la dilatation vasculaire. Des anomalies de ces principales fonctions endothéliales sont regroupées sous le terme de dysfonction endothéliale. Néanmoins, dans la littérature, le terme de dysfonction endothéliale sous-entend principalement une anomalie de la fonction vasodilatatrice de l’endothélium encore appelée altération de la relaxation endothélium dépendante (22, 27, 82). La dysfonction endothéliale est associée à tous les facteurs de risque vasculaire. Ainsi elle est décrite au cours du diabète. La diminution de la vasorelaxation endothélium-dépendante est largement décrite dans des modèles expérimentaux de diabète chimiquement induits par la streptozotocine et des modèles génétiques de diabète insulinodépendant (22). La dysfonction endothéliale liée au diabète résulte sans doute de plusieurs mécanismes : augmentation de facteurs contractants, anomalie de nombre ou d’affinité de leurs récepteurs sur les cellules endothéliales, altération de la réponse des cellules musculaires lisses aux substances vasodilatatrices dérivées de l’endothélium, anomalie de production et/ou de biodisponibilité des substances vasodilatatrices synthétisées par l’endothélium. La principale substance vasodilatatrice synthétisée par l’endothélium est le monoxyde d’azote (NO). Le stress oxydant joue probablement un rôle majeur dans la survenue de la dysfonction endothéliale au cours du diabète notamment en diminuant la biodisponibilité du NO ((78, 79).
Endothélium
La paroi des artères se compose de trois couches superposées : l’intima, la plus interne puis la media et la couche externe appelée adventice (Figure 13). 39 L’intima est la couche la plus interne des vaisseaux sanguins, en contact direct avec le sang. Elle est formée d’une seule assise de cellules aplaties, polygonales et disposées de manière uniforme, constituant l’endothélium. Il a pour rôle de réduire au minimum la friction entre le sang et la surface interne du vaisseau. L’endothélium produit de nombreuses molécules vasoactives dont les plus importantes sont le monoxyde d’azote (NO), les prostaglandines, l’angiotensine et le thromboxane. L’intima est composée également de la membrane basale, synthétisée par l’endothélium, qui sert d’ancrage aux cellules endothéliales. Elle est riche en collagène de type III formant les fibres striées concentriques du vaisseau. La media est principalement composée de cellules musculaires lisses et d’élastine. Ces cellules musculaires lisses permettent la régulation du diamètre de la lumière du vaisseau en fonction de leur degré de contraction. Leur activité est contrôlée par les neurofibrilles vasomotrices du système nerveux sympathique et par les molécules vasoactives libérées par l’endothélium ou provenant du sang. La media est généralement la couche la plus épaisse de la paroi artérielle. L’adventice est composée principalement de fibres de collagène entrelacées qui renforcent les vaisseaux et les ancrent aux structures environnantes. Elle contient les terminaisons du système nerveux autonome, et dans les gros vaisseaux qui nourrissent les tissus externes de leur paroi (26). 40 Figure 13: Structure artérielle vasculaire. Diagne, L. 2010.
La microcirculation
Le territoire microcirculatoire peut être largement et précocement atteint. De manière intéressante, des études ont montré que la microcirculation cutanée pouvait être représentative des observations faites au niveau de différents lits vasculaires. La microcirculation peut être explorée par différentes techniques telles que la capillaroscopie, la pléthysmographie et la vélocimétrie laser-doppler couplée ou non à l’iontophorèése, facilitant la mise en place de protocoles d’étude, par une approche non invasive (26, 80). 41 Figure 14 : structure des différents lits vasculaires. Serné, EH., 2007. La vasomotricité est principalement régulée par l’endothélium. Situé à l’interface entre le sang et les tissus, il est sensible à de nombreux stimuli qui peuvent être mécaniques (forces de cisaillements et pression artérielle) et/ou chimiques (acétylcholine, angiotensine II, noradrénaline, ATP…). L’endothélium stimulé libère de nombreuses substances qui diffusent à la fois dans le sang et au niveau des cellules musculaires lisses pour provoquer une vasoconstriction ou une vasorelaxation. Au repos, on observe un équilibre entre la vasoconstriction et la vasodilatation (Figures 15). Figure 15 : Description de la vasoconstriction et de la vasodilatation. Serné, EH. 2007. 42 Les propriétés vasoconstrictrices La vasoconstriction provient de la contraction des fibres musculaires lisses par interaction entre les filaments épais de myosine et les filaments fins d’actine. Ce phénomène est dépendant de la concentration intracellulaire de calcium (Ca2+). Cette concentration est déterminée par le relargage de Ca2+ par le réticulum sarcoplasmique ainsi que par l’entrée de Ca2+ dans le milieu intracellulaire via les canaux calciques. Ainsi, la stimulation de récepteurs vasculaires par les agents vasoconstricteurs (endothéline de type 1, angiotensine II et thromboxane A2) est à l’origine d’une augmentation de l’activité de la phospholipase C, qui coupe le phosphatidyl inositol en deux messagers : l’inositol triphosphate(IP3) et l’1-2 diacylglycérol (DAG). Le DAG vient stimuler la protéine kinase C favorisant ainsi la prolifération cellulaire, et l’IP3 active le relargage de calcium du réticulum sarcoplasmique favorisant ainsi la vasoconstriction (2). Les propriétés vasodilatatrices Les propriétés vasorelaxantes des vaisseaux artériels sont régulées principalement par trois voies. Deux vasodilatateurs sont d’origine endothéliale : la prostacycline (PGI2) synthétisée par la cyclo-oxygénase à partir de l’acide arachidonique et le monoxyde d’azote (NO) produit par la NO-synthase(NOS) à partir de la L-arginine (37). Un autre mécanisme vasodilatateur, associé à une hyperpolarisation des cellules musculaires lisses, est observé dans la régulation de la vasorelaxation. Ce phénomène, attribué à un facteur élusif appelé facteur hyperpolarisant dépendant de l’endothélium (EDHF), n’est que partiellement élucidé. Il correspond à une augmentation du calcium intracellulaire qui est suivie d’une hyperpolarisation de la cellule endothéliale grâce à l’ouverture de canaux potassiques dépendants du calcium. La contribution de l’EDHF à la relaxation endothélium-dépendante varie en fonction du calibre des vaisseaux sanguins. Son activité est importante dans les vaisseaux de résistance (81, 89). Au niveau des artères de gros calibre, les trois types de médiateurs contribuent à la relaxation musculaire lisse, mais la voie du NO apparaît comme primordiale chez les sujets sains. Ces trois voies de vasorelaxation médiées par l’endothélium sont activées par des stimuli mécaniques (pression artérielle, forces de cisaillement) et humoraux (hormones, substances libérées par le muscle squelettique,…) (73). (Figure 16). 43 Figure 16 : Voies de vasorelaxation médiées par l’endothélium : voie des PGI2, du NO et de l’EDHF provoquant la relaxation du muscle lisse vasculaire. Tibirica, E., 2011. 44 Figure 17 : Fonction vasculaire de l’insuline. Vinet et al, JCEM 2015 En condition physiologique, l’insuline se fixe sur son récepteur qui, via une cascade intracellulaire empruntant la voie PI3K/AkT, conduit à la phosphorylation de l’eNOS et la production de NO, induisant une vasodilatation via les cellules musculaires lisses. L’insulinorésistance semble engendrer une altération de cette voie au profit de la voie des endothélines, vasoconstrictrices et donc limiter la capacité de relaxation du muscle lisse (67). La dysfonction endothéliale est également à la source du développement d’athérosclérose dans les zones de haute turbulence. Plusieurs études ont montré que l’insuline induit un effet vasodilatateur chez des sujets sains et que cet effet est réduit chez les sujets à syndrome métabolique et totalement absent chez les diabétiques de type 2 (79). Ainsi, il est admis que la dysfonction endothéliale joue un rôle dans le développement de l’athérosclérose. Par ailleurs, les facteurs de risques cardiovasculaires comme l’hypertension artérielle, l’hypercholestérolémie et le tabagisme, sont associés à une dysfonction endothéliale (78). Les sujets syndromes métaboliques, obeses ou vieux présentent une dysfonction au niveau de l’endothélium. L’insuline augmente l’intensité de la vasomotion des capillaires et des artérioles. En effet l’insuline joue un rôle important sur la tonicité des capillaires et le flux sanguin. Cette 45 action vasodilatatrice disparait chez les sujets présentant une dysfonction endothéliale. En plus, les complications cardiovasculaires représentées par l’athérosclérose sont de plus en plus fréquentes. Qu’il s’agisse de l’hypertension artérielle, de l’artérite des membres inférieurs observées dans au moins 25 % des cas, le risque de morbidité est majoré et celui de mortalité multiplié par 3 (22, 80, 81). Plusieurs études ont montré que l’hyperglycémie peut être liée à une athérosclérose. En effet en 2009 Ake Sjoholm et al ont montré que l’insulinorésistance serait à l’origine d’une athérosclérose prématurée. L’athérosclérose, définie comme étant un dépôt de plaque de graisse au niveau des artères, diminuerait la circulation de l’insuline au niveau sanguin (7, 82).
LA VASOMOTION ET FLOW MOTION
En raison des multiples et incessants stimuli vasoconstricteurs et Vasodilatateurs, le calibre des vaisseaux présente des variations rythmiques locales. Le laser Doppler mesure ces variations de flux, reflet d’une contraction rythmique des vaisseaux cutanés dénommée vasomotion (Figure 9). Ces variations de calibre sont spontanées et autonomes, et souvent sont synchrones avec celles des territoires voisins. La vasomotion facilite l’écoulement sanguin et s’amplifie après les périodes d’ischémie relative. Cette variabilité et la très grande sensibilité du flux sanguin cutané aux multiples influences internes ou extérieures rendent compte par ailleurs de la difficulté à comparer des mesures réalisées à des localisations ou à des moments différents (55, 24). En effet, des études théoriques et expérimentales démontrent qu’une augmentation de la vasomotion peut augmenter le flux sanguin total de 40-60%. Ainsi, vasomotion peut être un élément important de la microcirculation en assurant une distribution optimale de nutriments et de l’oxygène aux tissus et de permettre une régulation de la résistance hydraulique locale (24). La microcirculation cutanée est caractérisée par des oscillations continues de diamètre du vaisseau, appelé la vasomotricité, avec des variations correspondantes dans le flux sanguin. Ces oscillations contribuent à l’oxygénation des tissus, l’adhésion cellulaire, la migration, à réduire la résistance vasculaire périphérique, et maintenir les gradients de pression capillaire (68). 46 Les changements rythmiques de diamètre artériolaire causés par la vasomotion produisent des fluctuations périodiques du débit comme le mouvement du flux microvasculaire (microvascvular flowmotion). Le mouvement du flux microvasculaire de la peau peut facilement être évalué en utilisant le laser-Doppler Flowmetry (LDF). In-vivo les mesures du flux micro vasculaire montrent un large spectre de fréquences d’oscillations, avec des oscillations à haute fréquence provenant du cycle cardiaque et les cycles respiratoires, et les oscillations de basse fréquence à partir de l’origine endothéliale, neurogène, et les cycles myogéniques. Plusieurs études ont avancé l’hypothèse que la dysfonction microvasculaire peut contribué à la fois au développement du DT2 en altérant l’accès en temps opportun de glucose et d’insuline à leurs tissus cibles et au développement de l’hypertension – en augmentant la résistance vasculaire. (24).
Rôle du l’inhibiteur de l’activateur du plasminogène (PAI)-1 dans la dysfonction endothéliale du diabétique
Le PAI-1 (inhibiteur de type 1des activateurs du plasminogène) est un des principaux inhibiteurs de la génération de plasmine dans le plasma et les tissus. L’augmentation de la concentration de PAI-1 dans la circulation conduit à l’hypo fibrinolyse, un état dans lequel l’élimination de thrombus du système vasculaire est altérée. Des niveaux accrus de PAI-1 peuvent entrainer chez les patients diabétiques obeses ou à syndrome métabolique, la formation de plaques d’athérome avec un haut rapport lipidique (56). Trois sources de PAI-1 sont actuellement décrites chez l’homme : les hépatocytes, les cellules endothéliales et les adipocytes. Cependant, les mécanismes à l’origine d’une augmentation du PAI-1 dans le syndrome métabolique ne sont pas encore élucidés. Plusieurs anomalies métaboliques liées à l’insulino-résistance (hyperinsulinémie, augmentation des concentrations circulantes des AGNE et des VLDL triglycérides) sont des facteurs stimulant la synthèse et la sécrétion de PAI-1 in vitro dans différents types cellulaires. Ainsi, l’augmentation du PAI-1 circulant dans le syndrome métabolique pourrait résulter de la participation de plusieurs acteurs métaboliques et hormonaux qui agiraient de concert sur différents types cellulaires susceptibles de sécréter du PAI-1 (56). Le lien entre l’inhibiteur de l’activateur du plasminogène (PAI) -1 et le syndrome métabolique à l’obésité a été créé il y a plusieurs années. L’augmentation du niveau de PAI-1 peut être 47 maintenant considérée comme une véritable composante du syndrome. Le syndrome métabolique est associé à un risque accru de développer une maladie cardiovasculaire, et la surexpression de PAI-1 peut participer à ce processus. Les mécanismes de PAI-1 au cours de sa surexpression avec l’obésité sont complexes, et il est concevable que plusieurs inducteurs sont impliqués à la fois dans plusieurs sites de synthèse. Des études récentes ont montré qu’en plus de son rôle dans l’athérothrombose, le PAI-1 est également impliquée dans le développement du tissu adipeux et dans le contrôle de signalisation de l’insuline dans les adipocytes (56). Le syndrome métabolique constitue la situation clinique la plus fréquemment associée à une élévation des taux circulants de PAI-1. Chez le sujet obèse résistant à l’insuline, l’élévation des taux plasmatiques de PAI-1 est connue depuis longtemps et contribue à créer un état pro thrombotique. Cette élévation répond à des mécanismes complexes. Elle est liée, en partie, à un état inflammatoire chronique associé à l’obésité et au syndrome métabolique, conséquence probable d’un stress oxydatif tissulaire. Chez l’obèse, le niveau circulant de PAI-1 est significativement associé à celui de nombreux médiateurs de l’inflammation (TNF- a, IL6, CRP). Son expression dans le tissu adipeux est fortement corrélée à celle de médiateurs de l’inflammation et refléterait une réponse inflammatoire des tissus chargés de graisse ectopique. Plusieurs données cliniques et expérimentales supportent la contribution du PAI-1 au développement de l’obésité et du syndrome métabolique. Les taux circulants de PAI-1 prédisent le développement du diabète de type II, indépendamment des autres facteurs de risque connus. De nombreuses données supportent donc le rôle délétère du PAI-1 à deux niveaux : d’une part un rôle potentialisateur du phénomène thrombotique, d’autre part un rôle sur le développement du syndrome métabolique. Le PAI-1 revêt les caractéristiques d’une cible prometteuse dont l’inhibition pourrait permettre de réduire le risque vasculaire associé à l’obésité et au syndrome métabolique (4).
INTRODUCTION 1 |