Evaluation des effets du Spinosad chez un modèle fondamental de recherche Drosophila melanogaster

Evaluation des effets du Spinosad chez un modèle fondamental de recherche Drosophila melanogaster

Présentation du matériel biologique

Drosophila melanogaster (Meigen, 1830) est un insecte Diptère Brachycère, hygrophile et lucicole, appartenant à la famille des Drosophilidae. D. melanogaster est une petite mouche jaune brunâtre mesurant environ 3 ou 4 mm de long, ailes incluses (Fig.2). L’abdomen, plutôt court, est rayé de bandes sombres et un dimorphisme sexuel (Parvathi et al., 2009) permet de différencier les mâles et les femelles. L’extrémité abdominale est foncée et arrondie chez le mâle mais plus claire et pointue chez la femelle (Fig. 2 A, 2 B). Le mâle se distingue aussi par sa plus petite taille et par la présence de« peignes sexuels ». (Fig.2 C) sur ses pattes avant. Figure 2. Drosophila melanogaster:A: femelle; B: mâle; C: peignes sexuels. Photo C:www.snv.jussieu.fr/bmedia/ATP/images/drospatf. A B C 1,3 mm 1,5 mm 0.2mm

Cycle de vie de D. melanogaster

D. melanogaster se reproduit très rapidement et sans interruption. Au laboratoire, à une température de 25 °C, une nouvelle génération est obtenue tous les 12 jours; ceci correspond en moyenne à 25 générations par an (Griffiths et al., 2002; Tavernier & Lizeaux,2002). Le cycle de vie comprend 4 stades (Fig. 3). Stade oeufs: la femelle pond de 200 à 300 oeufs (Goudey-Perrière & Perrière, 1974), allongés et blanchâtres (25 à 35 par jour), présentant une forme semblable à un ballon de rugby (0,5 mm de long environ). Les oeufs sont déposés sur des fruits ou autres matières humides en fermentation (Tavernier & Lizeaux, 2002). Stade larvaire : une trentaine d’heures après la ponte, les œufs donnent naissance à une larve blanchâtre appelée aussi « asticot ». Celle-ci se nourrit alors de la pulpe du fruit en creusant des galeries. Le stade larvaire dure 4 jours environ et comprend 3 stades: L1 (24h) L2 (24h) et L3 (48h). A la fin de ce dernier stade, l’empupement débute; en effet, les larves cessent de s’alimenter et sortent du milieu nutritif.L’animal voit sa taille se réduire par le jeu de la contraction des muscles longitudinaux et de la cuticule elle-même conduisant à un raccourcissement de la plupart des segments prothoraciques et à l’invagination de la tête (Fraenkel & Bhaskaran, 1973). Dans le même temps, le diamètre de l’animal augmente. Parallèlement à cela, l’animal secrète la glue (sorte de colle) synthétisée par les glandes salivaires qui va lui permettre de se fixer solidement au milieu. La cuticule de l’animal se durcit pour former le puparium en forme de tonneau à la surface lisse qui va passer d’une couleur blanche à une coloration brunâtre (Zdarek&Fraenkel, 1972). La drosophile se trouve alors dans le stade prépupal et va subir de très importantes modifications morphologiques. Stade pupal: Le stade pupal ou stade pupe phanérocéphalique débute environ 12 heures après l’empupement et après éversion de la tête (le sac imaginal de la tête est éverté tandis que les pièces buccales de la larve sont expulsées). A ce moment, les pattes mais aussi les ailes  vont terminer leur complète extension. La période pupale dure 3 jours et demi environ et à son terme, toutes les structures larvaires sont détruites et les structures adultes élaborées (Quinn et al., 2012). Stade adulte : l’adulte apparait avec un corps non encore pigmenté mais au bout de 6 à 8 heures la pigmentation est achevée et les ailes sont gonflées. Les adultes sont alors sexuellement matures. Les femelles sont fécondables et s’accouplent environ 12 heures après l’émergence (Bouharmontet al., 2007). Elles stockent le sperme des mâles auxquels elles se sont accouplées pour pouvoir l’utiliser ultérieurement et commencent à pondre dès 24 heures après l’émergence (Tavernier & Lizeaux, 2002). 1.3 Elevage au laboratoire L’élevage de drosophiles s’effectue, en laboratoire, depuis le début du vingtième siècle, suite aux travaux pionniers de Sturtevant (1913) qui a établi la première cartographie génétique. L’élevage de D. melanogaster (souche Canton S*) est réalisé, en laboratoire (Fig.4), à une température de 25°C, une hygrométrie de 70% et une scotophase de 12 h. Le milieu nutritif artificiel gélosé sur lequel est élevée la drosophile est à base defarine de maïs et de levure de bière. Il est composé essentiellement de 33,3 g semoule demaïs, 33,3 g de levure de bière, 4,8 g d’agar-agar, et 20 ml d’antifongique (methyl-hydroxy-4-benzoate à 10%). Les drosophiles sont élevées dans des flacons en plastique qui sont fermés à leur extrémité par un tampon de mousse. *La souche de D. melanogaster a été fournie gracieusement en 2006 par Mme C. WickerThomas, Laboratoire Evolution, Génomes, Comportements, Ecologie, UMR 9191, CNRS, IRD, Université Paris-Sud et Université Paris-Saclay,). Matériel et Méthodes 14 Figure 3. Le cycle de vie de D. melanogaster à 25°C (Jouandin, 2013). 0,57mm Matériel et Méthodes 15 Figure 4. Elevage de D. melanogasterau laboratoire. (Souche Canton S) 2. Présentation de l’insecticide Le Spinosad découvert dans la nature, est issu de la fermentation d’une bactérie, Saccharopolyspora spinosa. Le Spinosad est composé de deux Spinosynes(Fig.5), la Spinosyne A (C41 H65 NO10) avec un poids moléculaire de 731,98 g/mol) et la Spinosyne D (C42 H67 NO10) avec un poids moléculaire de 746,0 g/mol). La formulation utilisée est Success 480 SC qui est commercialisée par Dow Agro Sciences, Indianapolis, USA (SC: suspension concentrée à 480g/l « Tracer »). D’autres formulations ont été développées, commercialisées et évaluées (Souza et al., 2017). 

Traitement des insectes et tests de toxicité

La formulation commerciale du Spinosad a été utilisée, par application topique sur des larves du dernier stade de D.melanogaster. Le Spinosad a été dilué dans l’acétone et après un screening préalable, différentes doses de 30, 60, 120, 240, 2400, 6000 ng ont été testées.L’essai pour chaque dose est conduit en utilisant 3 réplications comportant chacune 30 insectes. Une quantité de 1µl par insecte (Di Prisco et al., 2013) est appliquée sur les larves des séries traitées mais les témoins reçoivent seulement le solvant. Cette série d’expérience a été menée afin de caractériser la toxicité du Spinosad à l’égard de D.melanogaster en déterminant les doses correspondant à une inhibition de 50 et 90% de la mue nymphale nommées ensuite DI50 et DI90 respectivement. Les pourcentages d’inhibition observée pour les séries témoins et traitées, ont été obtenus à partir des mues nymphales incomplètes, des larves mortes ou bloquées dans leur exuvie. Ces valeurs sont ensuite corrigées selon Abott (1925) afin d’éliminer la mortalité naturelle et / ou l’inhibition de la mue nymphale. Les pourcentages d’inhibition corrigées, après transformation angulaire (Fisher et Yates, 1957) subissent une analyse de variance suivie du test HSD de Tukey afin d’établir l’effet du pesticide puis le classement des doses. Figure 5. Structure chimique du Spinosad (Ishaaya& Horowitz, 1998) R  Enfin la régression non linéaire, exprimant le pourcentage d’inhibition corrigée en fonction du logarithme de la dose, a permis d’estimer, les doses d’inhibition DI50 et DI90 avec leurs intervalles de confiance (95% FL). Pour toutes les expérimentations, le traitement a été réalisé à la DI50 d’inhibition de la mue nymphale. L’échantillonnage a été réalisé sur les individus ayant survécu au traitement des larves et a été menée sur deux générations successives: la génération parent (G0) et sa descendance génération 1 (ou G1) à différents stades de développement.

Extraction et dosage des métabolites 

Extraction des métabolites

L’extraction des différents métabolites (protéines, glucides et lipides) a été réalisée selon le procédé de Shibko et al. (1966) à partir des corps entiers des larves, pupes et adultes desséries témoins et traitées de la G0 et la G1 de D.melanogaster. Les échantillons prélevés à différents âges pour chaque stade de développement sont conservés dans 1 ml d’acide trichloracétique (TCA) à 20% jusqu’au dosage.Tous les dosages ont été effectués sur des fractions aliquotes (100 µl) et les teneurs dans les différents métabolites ont été quantifiées par des droites de régression déterminées à partir des courbes de références. 

Dosage des métabolites

Dosage des protéines Les protéines ont été quantifiées selon la méthode de Bradford (1976) qui utilise le bleu brillant de coomassie¹ (G250) comme réactif et l’albumine de sérum de bœuf (BSA).comme standard (1mg/ml)(Tab.1).La lecture des absorbances est réalisée à une longueur d’onde de 595 nm (Fig. 6). 1- 100 mg de BBC + 50 ml d’éthanol + Agitation pendant deux heures + 100 ml d’acide orthophosphorique à 80% + eau distillée q.s.p. 1000 ml. Matériel et Méthodes 18 Tableau 1. Dosage des protéines: réalisation de la gamme d’étalonnage Dosage des glucides Le dosage des glucides a été réalisé selon Duchateau et Florkin (1959). Cette méthode utilise l’anthrone1 comme réactif et une solution mère de glucose (1g/l) comme standard (Tab.2). La lecture des absorbances est réalisée à 620 nm (Fig.7). BSA (µl) 0 20 40 60 80 100 Quantité d’albumine (µg) 0 20 40 60 80 100 Eau distillée (µl) 100 80 60 40 20 0 Réactif BBC (ml) 4 4 4 4 4 4 Y = 0,0091543 X + 0,0052857 R² = 0,99 0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7 0,8 0,9 1 0 20 40 60 80 100 Absorbances Quantité de protéines (µg) 1-150 mg d’anthrone + 75 ml d’acide sulfurique + 25 ml d’eau distillée Figure 6. Dosage des protéines du corps: droite de régression exprimant l’absorbance à 595 nm en fonction de la quantité de protéines (µg). Matériel et Méthodes 19 Tableau 2. Dosage des glucides: réalisation de la gamme d’étalonnage Glucose (µl) 0 20 40 60 80 100 Quantité de glucose (µg) 0 20 40 60 80 100 Eau distillée (µl) 100 80 60 40 20 0 Anthrone (ml) 4 4 4 4 4 4 Dosage des lipides Les lipides ont été déterminés selon la méthode de Goldsworthyet al., (1972) utilisant la vanilline1 comme réactif et une solution mère de lipides2 (2,5mg/ml) comme standard (Tab. 3). Les absorbances sont lues, après 30 minutes d’obscurité, à une longueur d’onde de 530 nm (Fig.8). 1- 0,38 g de vanilline + 55 ml d’eau distillée + 195 ml d’acide ortho-phosphorique à 85% 2- 25 mg d’huile de table + 10 ml de solvant éther/chloroforme (V/V). 0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 1,2 0 20 40 60 80 100 Y= 0,0137143 + 0,0100957 X R2=0, 99 Absorbances Quantité de glucides (µg) Figure 7. Dosage des glucides: droite de régression exprimant l’absorbance à 620 nm en fonction de la quantité de glucose (µg).  Solution mère de lipides (µl) 0 20 40 60 80 100 Quantité de lipides (μg) 0 50 100 150 200 250 Solvant Etherchloroforme (µl) 100 80 60 40 20 0 Vanilline (ml) 2,5 2,5 2,5 2,5 2,5 2,5 5. Dosage de la catalase (CAT) Le dosage de la catalase (CAT), réalisé selon la méthode de Claiborne (1985), a permis l’évaluation de l’activité spécifique de cette enzyme. Cette méthode est basée sur la mesure spectrophotométrique de la réduction de l’eau oxygénée (H2O2) en une molécule d’oxygène (O2) et deux molécules d’eau (H2O) en présence de la CAT à une longueur d’onde UV de 240 nm. Les séries témoins et traitées de D.melanogaster, échantillonnées à différents âges pour 0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 0 50 100 150 200 250 Quantité de lipides (µg) Absorbances Y= -0,01266 + 0,002036 X R2=0, 99 Tableau 3. Dosage des lipides: réalisation de la gamme d’étalonnage. Figure 8. Dosage des lipides du corps: droite de régression exprimant l’absorbance à 530 nm en fonction de la quantité d’huile de table (µg). Matériel et Méthodes 21 tous les stades de développement, sont homogénéisés dans 1ml de tampon phosphate1 (0,1 M, pH7, 4) à l’aide d’un broyeur à ultrasons. L’homogénat, ainsi obtenu, est centrifugé (15,000 tours /min, pendant 10 min) puis le surnageant récupéré servira au dosage de la catalase. Le dosage s’effectue, à température ambiante, sur une fraction aliquote de 50 μl de surnageant à laquelle on ajoute 750 μl de tampon phosphate (100 mM, pH 7,4) et 200 μl H2O2 (500 mM) préparé extemporanément [1,42 ml eau oxygénée à 30 volumes, 25 ml tampon phosphate (100 mM pH 7,4)]. Après agitation, la lecture est effectuée au spectrophotomètre (dans une cuve en quartz). La lecture des absorbances est effectuée après 15 secondes toutes les 5 secondes pendant 30 secondes à une longueur d’onde UV de 240 nm contre un blanc réalisé avec 800 μl de tampon phosphate (100 mM, pH 7,4) et 200 μl de H2O2. L’activité décroit rapidement, il est donc important de mettre toujours le même temps entre le pipetage du surnageant et le moment où la cuve est placée dans spectrophotomètre. L’activité spécifique de la CAT est déterminée d’après la formule suivante: Dans nos résultats, l’activité spécifique est exprimée en µMol/min/mg de protéines. L max: Densité optique maximale enregistrée L min: Densité optique minimale enregistrée 0.040 cm-1. mMole-1 : coefficient d’extinction moléculaire de l’eau oxygénée (à 240 nm). Mg de protéines: La quantité de protéines totales préalablement déterminée, par un dosage selon la technique de Bradford (1976) explicitée plus haut. 1- 16,11 g Na2 HPO4 (a) dilue dans 500ml d’eau distillée. 1,38 g NaHPO4 (b) dilue dans 500ml d’eau distillée.

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Table des matières

INTRODUCTION
MATERIEL ET METHODES
1. Matériel biologique
1.1. Présentation de D.melanogaster
1.2. Cycle de vie de D.melanogaster
1.3. Élevage en laboratoire
2. Présentation de l’insecticide
3. Traitement des insectes et tests de toxicité
4. Extraction et dosage des métabolites
4.1. Extraction des métabolites
4.2. Dosage des métabolites
Dosage des protéines
Dosage des glucides
Dosage des lipides
5. Dosage de la catalase (CAT)
6. Dosage de l’acétylcholinestérase (AChE)
7. Dosage des glutathion S-transférases (GSTs)
8. Evaluation des vitellogenines
9. Analyse statistique
RESULTATS
1. Evaluation de la toxicité du Spinosad chez D.melanogaster
2. Effets du Spinosad sur les biomarqueurs enzymatiques
2.1. Effets sur l’activité spécifique des GSTs chez la G0 et la G1
2.1.1. Effets chez les pupes de la G0
2.1.2. Effets chez les adultes de la G0
2.1.3. Effets chez les larves de la G1
2.1.4. Effets chez les pupes de la G1
2.1.5. Effets chez les adultes de la G1
2.1.6. Comparaison entre les deux générations
2.2. Effets sur l’activité spécifique de la CAT pour la G0 et la G1
2.2.1. Effets chez les pupes de la G0
2.2.2. Effets chez les adultes de la G0
2.2.3. Effets chez les larves de la G1
2.2.4. Effets chez les pupes de la G1
2.2.5. Effets chez les adultes de la G1
2.2.6. Comparaison entre les deux générations
2.3. Effets du Spinosad sur l’activité spécifique del’AChE chez la G0 et la G1
2.3.1. Effets chez les pupes de la G0
2.3.2. Effets chez les adultes de la G0
2.3.3. Effets chez les larves de la G1
2.3.4. Effets chez les pupes de la G1
2.3.5. Effets chez les adultes de la G1
2.3.6. Comparaison entre les deux générations
3. Effets du Spinosad sur les métabolites dans le corps entier
3.1 Effets sur les protéines chez la G0 et la G1
3.1.1. Effets chez les pupes de la G0
3.1.2. Effets chez les adultes de la G0
3.1.3. Effets chez les larves de la G1
3.1.4. Effets chez les pupes de la G1
3.1.5. Effets chez les adultes de la G1
3.1.6. Comparaison entre les deux générations
3.2. Effets sur les glucides chez la G0 et la G1
3.2.1. Effets chez les pupes de la G0
3.2.2. Effets chez les adultes de la G0
3.2.3. Effets chez les larves de la G1
3.2.4. Effets chez les pupes de la G1
3.2.5. Effets chez les adultes de la G1
3.2.6. Comparaison entre les deux générations
3.3. Effets sur les lipides chez la G0 et la G1
3.3.1. Effets chez les pupes de la G0
3.3.2. Effets chez les adultes de la G0
3.3.3. Effets chez les larves de la G1
3.3.4. Effets chez les pupes de la G1
3.3.5. Effets chez les adultes de la G1
3.3.6. Comparaison entre les deux générations
4. Effets du Spinosad sur les vitéllogénines chez les adultes femelles
4.1. Effets du Spinosad sur les vitellogénines dans le corps gras
4.1.1. Effets chez les adultes de la G0
4.1. 2.Effets chez les adultes de la G1
4.1.3. Comparaison entre les deux générations
4.2. Effets du Spinosad sur les vitellogénines dans les ovaires chez les adultes femelles
4.2.1. Effets chez les adultes de la G0
4.2.2. Effets chez les adultes de la G1
4.2.3. Comparaison entre les deux générations
DISCUSSION
1. Activité insecticide
2. Effet du Spinosad sur les biomarqueurs enzymatiques
3. Effets sur les métabolites
4. Effets sur les vitellogénines

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