Evaluation de l’impact de la cartographie dans le cadre de la sécurisation des ressources pastorales

Evaluation de l’impact de la cartographie dans le cadre de la sécurisation des ressources pastorales

Sécurisation des ressources pastorales 

La sécurisation des ressources pastorales est un processus qui consiste à identifier, matérialiser et inscrire au dossier rural ces ressources pastorales. Il s’agit de protéger ces ressources contre toute autre utilisation hormis celle pastorale (Niger, 2013).

Importance 

L’exacerbation des problèmes sociaux et environnementaux au Sahel et dans certains pays de l’Afrique de l’Ouest est liée à l’apparition de cycles de sècheresses dans les années 1974, 1984 et 1990 (Gerber et al., 2008). Ces problèmes ont en effet des causes complexes qui sont d’ordres économique, climatique et anthropique. L’augmentation du cheptel et l’extension des surfaces cultivées ont entrainé une modification du rapport entre systèmes agropastoraux et pastoraux. Le nombre et la gravité des conflits autour de l’utilisation des 4 ressources naturelles et de la mobilité des troupeaux ont augmenté (Gerber et al., 2008). La baisse de la fertilité des terres cultivées et de la dégradation des ressources pastorales disponibles sont constatées dans tout le Sahel (Gerber et al., 2008). Ces évolutions compromettent la résilience des écosystèmes et des sociétés qui en dépendent et justifient l’importance de la sécurisation. Au cours des deux dernières décennies, de nombreux travaux ont été menés autour de cette problématique majeure (De Haan et al., 1999 ; Steinfel et al., 2006). Ceux de l’initiative élevage/environnement et développement ont notamment permis de réaliser une boîte à outils avec pour but d’identifier et de structurer les aspects techniques, institutionnels et politiques des interactions élevage/ environnement et de faciliter ainsi leur prise en compte lors de la formation, la mise en œuvre et l’évaluation des politiques agricoles. C’est ainsi, le Système d’Information sur le Pastoralisme au Sahel (SIPSA) a proposé un modèle conceptuel pour sécuriser le mode de vie pastoral (Ickowicz et al., 2005 ; Ancey et al., 2009). Ce modèle fut d’abord élaboré à partir du contexte pastoral du Ferlo et des données disponibles au Sénégal, puis testé avec les partenaires de la sous-région sahélienne. Il s’appuie sur une revue des systèmes d’information et d’alerte précoce existants d’une part et sur les résultats d’enquête socio-économique en milieu pastoral d’autre part, à partir des concepts élaborés par Sen (1981) et complétés par Swift (1989) dans une perspective rurale. Les indicateurs du modèle se rattachent à quatorze (14) thématiques des systèmes d’élevage intégrés dans le SIPSA qui sont :  la végétation ;  l’occupation des terres ;  la situation météorologique ;  la situation hydrologique ;  la situation sanitaire (humaine et animale) ;  les mouvements du bétail (transhumance) ;  les données démographiques (humaine et animale) ;  les infrastructures ;  les marchés (bétail et céréales) ;  les résidus et alimentation du bétail ;  les ressources des ménages ;  la source d’information pour les droits pastoraux ;  l’Administration/ Partenaires ;  la contribution de l’élevage à l’économie. Le SIPSA utilise ces indicateurs sus-indiqués dans tous les pays membres du réseau (Niger, Sénégal, Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Tchad). La longue histoire de l’élevage sahélien a montré l’importance et le caractère fondamental de la mobilité des troupeaux. L’accès aux ressources naturelles a hanté l’esprit des souverains anciens donnant lieu à des correspondances avec d’illustres juristes musulmans, notamment à la fin du XVème siècle; par exemple entre Askia Mohamed de Gao et le sultan Mohamed Sattafan de l’Aïr 5 (Bernard et al., 2005). Par ailleurs, des règlementations célèbres ont vu le jour, en particulier au début du XIXème siècle entre Chekou Amadou avec la Dina du Masina mais aussi avec Ousman Dan Fodio de Sokoto (Bernard et al., 2005). Au cours de ce siècle, il y a eu une montée considérable des entraves à cette mobilité, jusqu’à remettre en question la viabilité sociale, économique et environnementale de l’élevage pastoral. Ceci est d’autant plus préoccupant que cet élevage constitue une activité clef des zones sahéliennes et qu’on commence à reconnaitre enfin sa supériorité tant au plan économique qu’écologique par rapport à l’élevage fixe. La fermeture de l’espace occasionne une progression très préoccupante des conflits d’accès aux ressources et justifie donc une intervention de gestion concertée de l’espace et des ressources naturelles (Bernard et al., 2005). La mobilité essentielle au développement et à la sécurisation des systèmes d’élevage, est donc aujourd’hui de plus en plus menacée. Trois (3) grands problèmes menacent la survie et le développement des systèmes pastoraux à travers leur mobilité (Bernard et al., 2005) à savoir :  l’extension des cultures qui vient concurrencer l’élevage pastoral dans ce qu’il a de plus vital, l’accès aux ressources et la mobilité. Les cultures au milieu des pâturages, à côté des points d’eau ou même sur les pistes de transhumance, entravent souvent la mobilité des troupeaux pourtant essentielle au développement de l’élevage. Cet empiètement se produit au détriment des droits d’usage prioritaire et entraine de plus en plus des conflits entre les différents ayants droit, notamment entre agriculteurs et éleveurs ;  les besoins monétaires des éleveurs augmentent autant dans les zones pastorales, agricoles et intermédiaires du fait de la monétarisation de l’économie. Les éleveurs sont également de plus en plus nombreux avec le développement d’une activité d’élevage chez les agriculteurs ;  l’inégale répartition des points d’eau sécurisés dans l’espace ne permet pas une valorisation optimale de la ressource en pâturage. Il se trouve que les points d’eau accessibles aux troupeaux sont très inégalement répartis dans l’espace. La sécurisation des systèmes pastoraux dans les pays sahéliens passe donc par le renforcement de la flexibilité et de la mobilité qui sont des exigences clefs pour parvenir à une utilisation durable des terres de parcours des régions sahéliennes. La mobilité constitue la condition d’existence des systèmes pastoraux, d’un point de vue écologique qu’économique et social (Ousseini, 2012).

Contraintes de gestion des ressources pastorales 

La conduite des animaux regroupe l’ensemble des opérations effectuées sur les animaux en vue d’assurer leur entretien et de les mettre dans les conditions leur permettant de réaliser les performances que l’on attend d’eux (Balent et al., 1993). Elle renferme selon ( Moulin, 2003) cité par( Aboubacar, 2010), une gamme complète de catégories d’opération constituée de l’alimentation, la protection contre les agressions de toutes sortes, la reproduction et l’allaitement. En Afrique de l’Ouest, l’élevage est essentiellement pastoral s’appuyant sur des pratiques ancestrales dans la plupart des cas. Elle compte 38,2% des zones arides (Touré, 2010), peu favorables au développement de la production végétale. L’élevage constitue alors le seul mode de valorisation de ces zones écologiques fragiles où vivent des populations humaines vulnérables en termes de revenus et de sécurité alimentaire. Au Sahel, la transhumance est la stratégie courante de gestion des ressources pastorales. Elle est une migration saisonnière des éleveurs avec leurs troupeaux. Dans les pays sahéliens, la transhumance est une stratégie d’adaptation qui vise à optimiser l’accès du bétail à l’eau et aux pâturages de qualité pour assurer une production annuelle. Cette pratique concerne 70% à 90% du cheptel bovins sahéliens (Diop et al., 2009). La distance parcourue lors de ces déplacements évolue d’une saison à l’autre en fonction des conditions climatiques, de la disponibilité et de la répartition des ressources pastorales dans les zones d’accueil. Au cours des trois dernières décennies, ces mouvements ont tendance à s’allonger et à se disperser, notamment vers le sud. Cette évolution peut être attribuée à l’accroissement du cheptel, l’aridification du milieu, l’expansion des zones agricoles dans les couloirs de transhumance et à la diversité des marchés transfrontaliers à bétail, contraignant ainsi les éleveurs à créer des itinéraires alternatifs. Elle doit être cependant nuancée en fonction des spécificités des pays mais pose aussi la question d’une gestion partagée de l’espace et des conflits induits. La question d’une meilleure gestion des ressources pastorales est devenue plus pressante au XXème siècle au cours duquel des changements structurels ont profondément modifié la problématique de l’accès aux pâturages :  instauration de l’Etat moderne avec ses appareils, ses découpages de l’espace et sa conception des terres pastorales comme étant « vacantes et sans maitre » ;  modifications des droits d’accès et de la tenue foncière ;  augmentation de la pression humaine et animale ;  changements des rapports entre agriculteurs et éleveurs et diminution des anciennes complémentarités ;  réduction des ressources fourragères ; 7  aléas du climat et du marché beaucoup plus ressentis dans des contextes économiques fragilisés. Il importe donc d’insister sur la complexité de la mise en application de la gestion des ressources pastorales et sur l’impossibilité de préconiser la généralisation d’une forme particulière d’organisation. Cela ne signifie pas pour autant qu’il faut rester passif. La paix sociale et la viabilité de très nombreuses unités de production pastorales et agropastorales dépendent, entre autres, de la manière dont sera réglé le problème de la gestion des ressources pastorales (Ousseini, 2012). Pouvant être définie comme pouvoir d’influencer les modalités d’utilisation des ressources pastorales, la gestion des ressources pastorales constitue donc une réelle difficulté en raison des aléas naturels et aussi de la pluralité des usagers qui ont affaire à une diversité d’espace, selon des implications foncières elles même variées. Pour bien fonctionner, elle a besoin d’un véritable consensus ou compromis reposant sur des règles définies en commun et, à ce titre, reconnues comme légitime. La gestion des ressources pastorales ne peut pas fonctionner comme une opération isolée des autres soucis des gens, surtout quand ceux-ci sont confrontés à une grande pauvreté. Des liaisons sont donc à trouver avec les instances qui prennent en compte ces autres dimensions du développement. La gestion correspond à une forme de régulation des ressources qui se situe entre deux(2) situations extrêmes et opposées d’un côté, l’accès totalement libre et dérégulé et, de l’autre, la propriété privée absolue et exclusive (Bernard et al, 2005). Naviguant entre ces deux(2), elle doit apprendre à conjuguer les notions de mobilité, de durabilité, d’équité, de réciprocité tout en intégrant les droits de priorité d’accès quand ceux-ci existent. En raison de toutes ces difficultés, on comprend que nombre de tentatives en vue d’organiser la gestion des pâturages aient du mal à naître ou avortent très vite faute d’une prise en compte suffisante de la complexité par manque, d’une part, de négociation entre tous les acteurs concernés et d’autre part, d’autorités légitimes inspirant confiance et respect à l’ensemble des usagers. Cependant, la complexité n’est pas en elle-même un obstacle infranchissable ni une excuse à la passivité. Elle peut aussi être considérée comme une stimulation pour la recherche négociée de solutions adaptées (Aboubacar, 2010).

Genèse des conflits liés à l’exploitation des ressources pastorales 

Les sécheresses et le processus de désertification, les crises alimentaires et les tensions politiques ont renforcé la compétition entre acteurs individuels et collectifs pour l’appropriation foncière (Gagnol et Kader., 2010). Il s’ensuit une multiplication des antagonismes et des conflits entre des groupes qui revendiquent les mêmes droits sur des ressources dont ils sont tributaires pour la survie (Touré, 1997). Les conflits entre agriculteurs et éleveurs sont exacerbés par des intérêts antagonistes entre ces derniers. Malgré ces divergences entre ces couches 8 sociales, elles sont condamnées à bien gérer ces ressources naturelles bien qu’elles soient insuffisantes. Ainsi, la vulnérabilité accrue au sein de ces groupes sociaux leur impose un mode de vie et la nécessité de mettre en place des institutions adéquates (exemple des commissions foncières au Niger).  

Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : Synthèse bibliographique
CHAPITRE I : Cartographie et sécurisation des ressources pastorales
1. Cartographie des ressources pastorales
1.1. Définition
1.2. Importance
2. Sécurisation des ressources pastorales
2.1. Définition
2.2. Importance
2.3. Contraintes de gestion des ressources pastorales
2.4. Genèse des conflits liés à l’exploitation des ressources pastorales
CHAPITRE II : Gestion des ressources pastorales au Niger : cas de la commune rurale de Fabidji
1. Institutions nationales en charge de la gestion des ressources pastorales
2. Gestion des ressources pastorales : cas de la commune rurale de Fabidji
2.2 Place de l’élevage dans le développement socio-économique de la commune rurale de Fabidji
2.4 Cartographie des ressources pastorales
DEUXIEME PARTIE : Perception de la population sur la cartographie pour la
sécurisation des ressources pastorales : cas de la commune rurale de Fabidji (Niger)
CHAPITRE I : Matériel et Méthodes
1. Matériel
1.1. Période et site d’étude
1.2. Matériel technique
2. Méthodes
2.4 Traitement et analyse des données
CHAPITRE II : Résultats et Discussion
1. Résultats .
1.1. Statut socio-professionnel des enquêtés
1.2. Opinions des acteurs sur la cartographie des ressources pastorales
1.2.2 Opinions des agriculteurs et éleveurs sur la cartographie
1.2.3 Opinions des enquêtés sur la cartographie en fonction de leurs structures d’appartenance
1.2.4 Opinions des décideurs et leaders villageois sur la cartographie
1.3 Impact de la cartographie sur le règlement des conflits
2 Discussion
2.1 Limites de l’étude
2.2 Statut socio-professionnel des enquêtés
2.3 Opinions sur les ressources pastorales
2.4 Opinions des agriculteurs et éleveurs sur la cartographie
2.5 Opinions des enquêtés sur la cartographie en fonction de leurs structures d’appartenance
2.6 Opinions des décideurs et leaders villageois sur la cartographie
2.7 Impact de la cartographie sur le règlement des conflits
3. Recommandations
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

 

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