Évaluation de l’apport pédagogique en géométrie dans l’espace
Éthique : L’égalité des chances pour les élèves
Pour évaluer et comparer l’impact de l’utilisation de FINGERS, des solides pédagogiques et l’utilisation du papier-crayon dans l’apprentissage de la géométrie dans l’espace, une comparaison entre groupes utilisant un seul outil aurait été la méthodologie la plus adaptée. Cependant, nous n’avons jamais envisagé cette conception des évaluations. En effet, notre sens de l’éthique d’enseignant, nous a conduit à donner à chaque élève la même opportunité d’apprentissage. Aussi, nous ne pouvions pas laisser un groupe avec un seul outil durant trois semaines tout en pensant qu’il y avait une forte probabilité que cet outil ne permette pas un 164 apprentissage équivalent sur l’ensemble de la notion. Nos résultats montrent par ailleurs que si un groupe n’avait utilisé que le papier-crayon, il aurait été très probablement pénalisé. De plus, en tant qu’enseignant, nous nous devons de part le décret du 24 août 2005 relatifs aux dispositifs d’aide et de soutien pour la réussite des élèves à l’école et au collège, de mettre tout en œuvre pour permettre à chaque élève d’atteindre son plein potentiel : « Art. 4 – Les dispositions pédagogiques mises en œuvre pour assurer la continuité pédagogique, en particulier au sein de chaque cycle, prennent en compte les besoins de chaque élève afin de permettre le plein développement de ses potentialités, ainsi que l’objectif de le conduire à l’acquisition des éléments du socle commun de connaissances et compétences fondamentales correspondant à son niveau de scolarité. » Décret du 24 août 2005, article 4.
Pratique : progression sur l’année des notions
Aux limites éthiques viennent s’ajouter des limites d’ordre pratique. En effet, un enseignant ne peut pas traiter deux fois le programme relatif à la géométrie dans l’espace durant l’année. Ainsi, une classe ne peut participer qu’à une seule évaluation et un problème peut facilement reporter toute une expérimentation d’un an. Il est aussi essentiel de s’adapter à la progression des enseignants qui ont réfléchi au moment de l’année le plus pertinent pour traiter telle ou telle notion. Aussi, même si les professeurs peuvent faire preuve de souplesse, les moments d’expérimentations sont temporellement contraints. De plus, les progressions en spirale qui permettent de revenir régulièrement sur les notions et qui sont plus propices à l’apprentissage peuvent compliquer la mise en place des expérimentations. Ces progressions rendent beaucoup plus difficile la comparaison de l’impact pédagogique lors de l’utilisation d’outils. Entre deux retours sur une notion, les élèves continuent à y réfléchir, à la croiser dans d’autres domaines et à se construire des représentations ce qui peut introduire des biais. Enfin, il est plus facile de mener les expérimentations en école qu’au collège. En effet, l’enseignant de primaire gère seul sa classe et peut donc s’adapter plus facilement. A l’inverse, l’enseignant de collège est contraint par son emploi du temps et ne peut en aucun cas empiéter sur les heures de cours de ses collègues.
Évaluation de l’aide à la résolution de problème
Avant d’effectuer des évaluations in situ pour voir l’impact de notre application sur l’apprentissage de la géométrie dans l’espace, nous avons d’abord voulu évaluer son intérêt sur l’aide à la résolution de problèmes. En effet, si elle n’apporte aucun bénéfice lors de la réalisation d’un exercice mais complexifie la tâche pour l’élève en augmentant sa charge cognitive, il est alors peu probable qu’elle puisse faciliter l’apprentissage. Pour vérifier nos hypothèses sur l’amélioration des performances dans la résolution de problèmes nous avons réalisé deux 165 expérimentations l’une sur le terrain et l’autre en laboratoire que nous allons maintenant détailler. La figure 4.1 résume le plan d’expérimentation développé de ce chapitre. Figure 4.1 – Plan d’expérimentation pédagogique.
Sur le terrain
Pour évaluer le bénéfice pédagogique apporté par notre ensemble d’interactions, nous avons conçu une évaluation de type « between groups ». Cette méthode consiste à comparer les résultats obtenus par plusieurs groupes utilisant chacun dans les mêmes conditions un outil particulier. Il ne s’agit pas ici d’évaluer si les élèves ont acquis des compétences à partir de l’utilisation de la tablette et si ces compétences restaient pérennes sans l’apport des technologies. Le but ici est bien plus modeste et consiste à voir si notre prototype est déjà une aide à la résolution des exercices et permet a minima aux élèves de remettre en cause leur représentation initiale lorsque celle-ci se révèle fausse (Bertolo et al., 2013).
Participants
Nous avons constitué un groupe de 22 élèves (10 garçons et 12 filles) âgés de 10 à 15 ans Ces élèves étaient issus de l’école primaire Sainte Thérèse et du collège Les Gaudinettes. Nous avons constitué ce groupe avec l’aide des enseignants pour qu’il soit représentatif des différentes catégories d’élèves (élèves en difficultés, sans difficulté particulière et élèves avec des facilités). Durant l’expérimentation, le groupe initial d’élèves a été divisé en trois sous-groupes : un sousgroupe papier (GP, 8 élèves) utilisant uniquement des feuilles et un crayon ; un sous-groupe tablettes (GT, 7 élèves) utilisant des feuilles et des tablettes ; un sous-groupe solides (GS, 7 élèves) utilisant des feuilles et des solides pédagogiques.
Tâche
Chaque groupe d’élèves a du résoudre deux séries de quatre exercices de mathématiques, les deux séries étant composées d’exercices similaires (figure 4.2). Les exercices ont été choisis pour leur intérêt didactique en donnant aux élèves des tâches d’observation et de manipulation de solides et de changement de point de vue. Nos choix ont été les suivants : – Exercice 1 : cet exercice a été repris et adapté des évaluations nationales de CM2 de 2011 dans lesquelles 40% des élèves n’ont pas réussi à décrire correctement le cube et 50% n’ont pas décrit correctement le prisme ; 166 – Exercice 2 : cet exercice correspond à la situation des trois montagnes de Piaget que nous avons explicité dans le chapitre 1 ; – Exercice 3 : cet exercice nécessite de manipuler le solide pour dénombrer les faces peintes soit une à une ce qui s’avère long et délicat, soit en mettant en place une stratégie de dénombrement plus rapide. Les réponses proposées font suite à une analyse didactique de l’exercice et correspondent (en plus de la bonne réponse) aux erreurs les plus classiques qui peuvent être attendues comme par exemple de dénombrer les cubes puis de multiplier le nombre obtenu par 6 en ne tenant pas compte du fait que les faces collées n’ont pas été peintes ; – Exercice 4 : cet exercice propose de retrouver les vues de face, côté et dessus d’un solide composé de neuf cubes. Les élèves ne peuvent donc pas comme dans l’exercice 1 se baser sur les résultats déjà connus et sont obligés d’adapter leur stratégie en fonction des positions. Ainsi les exercices 1 et 3 nécessitent de la part des élèves une observation et une manipulation des solides alors que les exercices 2 et 4 sont basés sur les capacités de décentration.