Evaluation de la réponse anticorps IgG dirigée
contre les antigènes GLURP et LSA3
Caractéristiques cliniques du paludisme
Le paludisme commence par une phase d’incubation asymptomatique qui correspond à la phase hépatique. Sa durée varie selon l’espèce plasmodiale, 7 à 12 jours pour P. falciparum Elle est suivie d’une phase d’invasion marquée par l’apparition d’une fièvre brutale accompagnée souvent d’un malaise général avec myalgies, céphalées, et parfois d’un embarras gastrique. C’est le paludisme de primo-invasion qui se manifeste par une fièvre croissante et continue souvent observé chez les sujets non immuns (13). Chez les sujets immuns ou semi immuns, le paludisme provoque le plus souvent des accès de fièvre simple. P. falciparum est la seule espèce responsable des formes graves.
Le paludisme simple
Il se manifeste le plus souvent par des accès de fièvre intermittente tous les 2 ou 3 jours selon l’espèce plasmodiale. P. falciparum est responsable de la fièvre tierce maligne, mais il est plus souvent associé à une fièvre continue ou plus ou moins anarchique. Cette fièvre est due à l’éclatement des schizontes mûrs qui déversent un pigment pyrogène dans le sang. L’accès palustre simple associe : -Un stade de frisson qui dure environ 1h pendant laquelle le malade est agité avec des frissons, une fièvre élevée à 39°C, splénomégalie, diminution de la tension artérielle. – Un stade de chaleur avec une température de 40 à 41°C, une peau sèche et brûlante, céphalées. Cette phase persiste 3 à 4h. – Un stade de sueurs abondantes avec une température abaissée et même parfois une phase d’hypothermie ; la tension artérielle remonte. Ce stade dure 2 à 4h et le malade a une sensation de bien-être. L’évolution est favorable en quelques jours suite à un traitement anti palustre correct. Dans le cas du paludisme à P. falciparum, une évolution vers un paludisme grave peut être observée en l’absence de traitement.
La forme grave du paludisme
Il concerne surtout les sujets non immuns (jeune enfant en zone d’endémie, femme enceinte, expatrié, voyageur). Les critères de gravité ont été définis par l’OMS, comme la présence de formes asexuées de P. falciparum dans le sang en association avec un ou plusieurs des critères tels que les troubles de la conscience (coma calme), des convulsions et des troubles neurologiques (troubles du tonus, troubles cérébelleux…), des manifestations viscérales (splénomégalie, hépatomégalie), hypoglycémie, ictère, anémie, œdème aigu du poumon, collapsus, insuffisance rénale fonctionnelle et troubles de la coagulation. Ces accès graves non traités sont mortels, même correctement traités la mortalité reste cependant élevée (21). II- Immunité anti-palustre L’infection par Plasmodium engendre des réponses immunitaires de l’hôte. Ces réponses immunes reposent aussi bien sur le système immunitaire non spécifique dit inné et sur le système immunitaire spécifique ou acquis. Ces deux types d’immunité complémentaires, font intervenir à la fois les acteurs cellulaires qu’humoraux. L’immunité innée se mobilise dès le début (dans les premières heures) de toute infection en attendant la mise en place de l’immunité acquise qui est opérationnelle dans les dix jours suivant l’infection (Figure 3). Figure 3: Interactions entre les réponses immunitaires innées et adaptatives dirigées contre les stades sanguins de Plasmodium
Immunité cellulaire
Elle est assurée par les cellules de l’immunité innée et de l’immunité adaptative. Les cellules de l’immunité innée telles que les monocytes, les cellules dendritiques et macrophages jouent un rôle important pendant l’infection palustre (23). Elles reconnaissent les pathogènes grâce à leurs récepteurs PRR. Cependant, on connaît peu de chose sur les mécanismes de reconnaissance des stades pré-érythrocytaires (sporozoïtes) du Plasmodium par l’immunité innée (24). Contrairement à l’assertion selon laquelle les sporozoïtes après leur inoculation sous la peau migrent rapidement vers les hépatocytes, des études récentes ont montré que les sporozoïtes passent plusieurs heures sous la peau (25) où ils initient une réponse immune dans les nœuds lymphatiques drainant le site d’inoculation (26). En effet, après leur libération sous la peau, les sporozoïtes migrent dans la circulation lymphatique où beaucoup sont capturés et dégradés par les cellules dendritiques. D’autres résistent à la dégradation par des mécanismes inconnus (27). Certains sporozoïtes grâce à leur mobilité et à la propriété d’une protéine nommée thrombospondin related anonymous protein (TRAP) atteignent le foie par la circulation sanguine (28). Des études ont montré que les molécules de reconnaissance de l’immunité innée telles que les Toll Like Recepteurs (TRLs) et les récepteurs scavenger (SR) sont capables d’interagir aussi bien avec les globules rouges parasités par le Plasmodium qu’avec les antigènes plasmodiaux libres dans le sang (24). Cette reconnaissance par les cellules de l’immunité innée entraîne la libération de cytokines pro-inflammatoires telles que TNF-α, IL- 1 ou IFN-γ déclenchant l’inflammation impliquée dans la fièvre, les frissons, sueurs et d’autres symptômes classiques de la maladie, et contribue à la pathogenèse du paludisme (29,30). Il a été également démontré que l’IFN-γ est un puissant médiateur de la réponse innée contre le stade hépatique du Plasmodium (31). Au niveau du foie, une réponse immunitaire protectrice dirigée contre les épitopes spécifiques de la protéine CSP est assurée par les cellules T CD8+ activées premièrement au niveau des nœuds lymphatiques drainant le site d’inoculation des sporozoïtes (26). Cette activation des TCD8+ est induite par les cellules dendritiques par l’intermédiaire des molécules CMH de classe I (32,33). Les TCD8+ utilisent des effecteurs cytotoxiques tels les perforines granzymes, FAS et FAS Ligands, IFN-γ et TNF-α qui sont exprimés en réponse à l’Oxyde Nitrite Synthase inductible (iNOS) (34,35). 11 Un autre type cellulaire, la cellule NKT pourrait contribuer au contrôle inné de la croissance du parasite. Elle reconnaît la molécule glycosylphosphatidylinositol (GPI) exprimée par P. falciparum, et semble être impliquée dans l’apparition du paludisme cérébral expérimental par P bergeï ANKA (36). Les cellules Natural Killer (NK) et les lymphocytes Tγδ ont été identifiées comme de véritables producteurs d’IFN-γ intervenant dans la défense immune contre le stade érythrocytaire de P falciparum (Figure 3) (37,38) . Au niveau sanguin, des études ont montré que certaines populations de cellules dendritiques sont capables de se lier à l’hémozoïne grâce à leurs PRR et initier une réponse immunitaire au cours de l’infection palustre. Cependant les parasites du paludisme modulent cette réponse au cours des infections létales pour l’inhiber. Ceci a été démontré in vitro par l’exposition des DCs aux globules rouges parasités par P. falciparum ou par P. yoelii (39,40). Pendant les infections non létales de souris par P yoelii, les DCs CD11c+ sont capables d’activer les TCD8+ à produire d’interleukine 2 (IL-2), d’interféron- γ (IFN-γ) et de tumor necrosis factor (TNF) (41,42). Les monocytes/macrophages interviennent dans la défense immune contre le paludisme par différents mécanismes. Ils peuvent être activés directement ou indirectement par les produits de surface des érythrocytes infectés ou par des substances excrétées comme l’hémozoïne (43). En effet, les monocytes/macrophages possèdent des récepteurs Fc des IgG (RFcγ) et CR1 récepteur du complément, qui leur permettent de phagocyter les érythrocytes infectés via l’opsonisation (44,45). Les monocytes peuvent également inhiber la croissances des parasites par le phénomène d’Inhibition Cellulaire Dépendant d’Anticorps (ADCI) (46). Ce phénomène passe par l’intermédiaire des sous classes d’IgG (IgG1 et IgG3) dirigées contre les antigènes de surface des mérozoïtes tels que MSP-1 et GLURP (47,48). Les cellules T jouent un rôle important dans l’immunité protectrice contre le paludisme. Ce rôle passe par la présentation d’antigènes via les molécules de CMH de classe I et II et les molécules de Co-stimulation (49). L’action cytotoxique des TCD8+ est surtout dirigée contre les stades pré-érythrocytaires (50). Les lymphocytes TCD4+ sont indispensables pour la protection contre les parasites au stade sanguin en fournissant une assistance pour la production d’anticorps et en sécrétant de l’interféron-γ (IFN-γ) pour l’activation des macrophages à assurer la clairance de globules rouges infectés (51,52). Les TCD4+ et TCD8+ seraient cependant impliquées dans la pathogenèse du paludisme (53–55). Il faut également noter que l’activation des cellules T (CD4+ , CD8+ ) au cours de l’infection palustre peut être supprimée par l’action des cellules T régulatrices (Treg) 12 CD4+CD25+ contribuant ainsi à la survenue d’une infection chronique (56). L’action suppressive des Treg passe par la production de TGF-β et de l’IL-10. En effet, un taux élevé d’IL-10 serait associé à la gravité du paludisme (
Immunité humorale
Elle est assurée par plasmocytes produits par les lymphocytes B. Dans les zones endémiques du paludisme, l’infection palustre engendre une forte réponse humorale produisant les immunoglobulines IgM et IgG (surtout les sous classes d’IgG). La plupart de ces anticorps ne sont pas spécifiques du Plasmodium ; ce qui suggère une activation polyclonale des Lymphocytes au cours de l’infection palustre. Néanmoins, certains sont spécifiques des antigènes plasmodiaux et les plus efficaces sont les sous types IgG1 et IgG3 (58,59). Ceci a été prouvé dans une étude menée à Dielmo au Sénégal où la réduction du risque de paludisme est associée au taux d’IgG3 dirigés contre l’antigène Pf332-DBL (60). L’immunité contre les sporozoïtes dépend des anticorps dirigés contre les protéines de surface dont le plus dominant est la CSP (61). Ces anticorps inhibent l’invasion des hépatocytes par les sporozoïtes. D’autres anticorps sont dirigés contre les antigènes du stade hépatique. Ceux dirigés contre des molécules de surface des mérozoïtes brisent le cycle sanguin en bloquant l’invasion de nouveaux globules rouges par les mérozoïtes. En se liant aux globules rouges parasités, les anticorps empêchent la fixation de ces globules aux cellules endothéliales. Dans les zones d’endémie palustre, l’exposition permanente à des infestations plasmodiales répétées permet d’acquérir des anticorps qui les protègent des formes graves de paludisme. On parle d’état de prémunition qui a été décrit pour la première fois par Sergent E. et al. en 1924. Cette prémunition s’acquiert lentement ; elle n’apparaît qu’après 2 à 5 ans d’exposition. Elle est labile, disparaissant entre 12 et 24 mois en l’absence de réinfestation
Le paludisme en zone urbaine
Caractéristiques du paludisme en zone urbaine
L’urbanisation a des conséquences sur les maladies vectorielles dont le paludisme (63). En effet, l’urbanisation entraine une forte pression foncière (augmentation des constructions), augmentation de la densité de la population et du niveau de pollution qui 13 engendrent une diminution des gîtes larvaires et par conséquent une diminution de la population anophélienne par rapport aux zones rurales. Le citadin est alors moins exposé aux piqûres de moustiques qui assurent une faible transmission du paludisme. Notons cependant qu’il y a une hétérogénéité dans la transmission du paludisme en ville : Elle est plus forte dans les zones péri urbaines et dans les zones maraichères qu’au centre ville. Sur le plan socio- économique, le citadin a un niveau plus élevé et a un accès facile aux soins de santé et les moyens de lutte y sont plus développés. En revanche, cet avantage a des conséquences négatives sur l’immunité de la population urbaine .
Conséquences immunologiques
La diminution de la transmission du paludisme en ville entraîne une baisse de la stimulation antigénique des sujets. On note un retard dans l’acquisition de l’immunité voire une absence de prémunition. Le citadin est alors exposé au risque de paludisme grave à tout âge (66).
Introduction |