Évaluation de la qualité des notes prises par des étudiants universitaires dans les modes numérique et manuscrit

Le point de départ de la réflexion ayant mené au présent mémoire était la volonté d’observer les habitudes de prise de notes (PDN) chez les apprenants prenant leurs notes à la main ou à l’aide de la technologie (ordinateur ou tablette) afin de voir si ces dernières sont différentes d’un mode à l’autre et si elles ont une incidence sur la qualité de leurs notes et sur leurs apprentissages. Le but est d’aider le milieu scolaire à prendre des décisions appropriées quant aux contextes où il est opportun d’intégrer la tablette numérique.

L’intérêt pour un usage pédagogique de la tablette ne cesse de grandir depuis 2010, si bien qu’en 2013, d’après Etherington (2013), 4,5 millions d’élèves utilisaient la tablette aux États-Unis et plus de 10 000, au Québec. Nul doute que ces chiffres ont continué d’augmenter depuis. Au Séminaire de Chicoutimi, l’intégration de la tablette numérique s’étend à l’ensemble de cette école secondaire depuis 2014. Cette intégration de la tablette, qui équivaut à l’avènement d’un environnement d’apprentissage assisté par la technologie, pose une relation tripartite entre l’enseignant, l’apprenant et la technologie qui peut se subdiviser en quatre types d’interaction : (1) enseignant-technologie, (2) enseignantapprenant, (3) apprenant technologie et (4) apprenant-apprenant (Li & Pow, 2011, p. 320). Une question générale concernant la troisième interaction, c’est-à-dire l’interaction apprenant technologie, a émergé quant à l’incidence que l’intégration de la tablette aurait sur la façon dont les apprenants réalisent une activité importante en classe, soit la PDN (Boyle, 2011, p. 51; Giroux et al., 2017; Pai-Lin, Chiao-Li, Hamman, Ching-Hsiang, & Chuang-Hua, 2013; Peverly & Sumowski, 2012; Piolat, 2010; Piolat & Boch, 2004; Romainville & Noël, 2003; Tahir, Tuncay, Ibrahim, & Burak, 2013) : Est-ce que les apprenants prennent différemment leurs notes selon le mode de la PDN? Pour tenter de répondre à cette question, plusieurs études ont inventorié les avantages et les inconvénients de la PDN dans les modes numérique et manuscrit

Raisons de prendre des notes

Dans les contextes de transmission de l’information d’écoute et de lecture, la PDN est un outil fondamental à l’apprenant qui peut remplir quatre fonctions : mémorisation en vue de la récupération ultérieure des informations, constitution d’une mémoire externe, réflexion ou résolution de problèmes et planification.

Mémorisation
Tout d’abord, la PDN permet de mémoriser les informations. Selon Piolat et Boch (2004, p. 9), la PDN est « loin d’être un stockage passif « externe », [car] le fait même de prendre des notes provoque une mémorisation, un stockage « interne » ». Au contraire de la simple transcription découlant d’une écoute passive, la PDN est une activité complexe qui demande de mettre en œuvre plusieurs compétences à la fois, ce qui oblige les apprenants à être actifs (Steimle, Brdiczka, & Muhlhauser, 2009, p. 125) lors de leur PDN et donc à mémoriser les informations. Une étude menée par Einstein, Morris et Smith (1985) citée dans Boyle et Forchelli (2014) a observé que le fait de noter des informations facilitait la récupération de ces dernières. En effet, les apprenants se souvenaient de 40 % des informations qu’ils avaient notées contre 7% des informations qu’ils n’avaient pas notées.

Constitution d’une mémoire externe
De plus, la PDN a une fonction d’emmagasinage des informations qui permet aux apprenants « de constituer une mémoire externe stable afin de pouvoir en utiliser par la suite le contenu » (Piolat & Boch, 2004, p. 3). Cette mémoire externe fiable (Dror & Harnad, 2008; Makany, Kemp, & Dror, 2009) permet donc de lutter contre l’oubli qui s’avère inévitable, et ce, surtout, selon Pollet (2001) citée dans Romainville et Noël (2003), lorsque la quantité d’informations nouvelles à retenir est grande, comme à l’université. Une fois la mémoire externe constituée, les apprenants peuvent réutiliser leurs notes pour se constituer une mémoire interne qui servira, par exemple, à faire un examen (Piolat, 2010). Selon Boch (1998 et 1999) citée dans Piolat (2010, p. 54), « [i]l faut remarquer que la plupart des étudiants [..] sont […] très soucieux d’être fidèles aux propos de l’enseignant qu’ils souhaitent pouvoir restituer en examen. [C’est pourquoi] ils recourent principalement à une méthode de prise de notes linéaire, pilotée par le fil du discours, qui donne aux notes une apparence textuelle classique. » .

Réflexion ou résolution de problèmes
Par ailleurs, la PDN permet de réfléchir, car elle « constitue un outil de traitement de l’information qui contribue à la réalisation de diverses opérations intellectuelles comme juger, résoudre, décider, y compris quand la réflexion est collective » (Piolat & Boch, 2004, p. 3). Étant donné que les individus disposent d’une « capacité limitée de ressources »(Piolat, 2004, p. 58) attentionnelles, ils doivent, lors de la réalisation d’une tâche complexe comme la rédaction d’un texte, coordonner leur mémoire interne et externe (notes) afin de retenir les nombreux éléments à traiter et tenter d’éviter une surcharge cognitive (Cary & Carlson, 2001). Selon Cary et Carlson (2001), « l’utilisation de ressources externes pour la mémoire de travail et le besoin de répertorier des interprétations et de les coordonner avec les processus mentaux sont des caractéristiques représentant la réalité en résolution de problèmes [mathématiques] » [Traduction libre] (p. 847). En d’autres termes, l’utilisation de notes (mémoire externe ou ressources externes) est souvent essentielle en contexte de résolution de problème, car elle a le potentiel de soulager la mémoire de travail lors de la résolution d’un problème complexe (Peverly & Sumowski, 2012; Piolat & Boch, 2004, p. 3). Le fait d’y recourir ou non dépend du rapport coût/bénéfice en termes de soulagement de la mémoire de travail (Cary & Carlson, 2001, p. 839).

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Compétences à mobiliser 

La PDN est une activité complexe, car elle nécessite la gestion simultanée de plusieurs compétences (Makany et al., 2009; Peverly & Sumowski, 2012; Piolat, 2010; Piolat & Boch, 2004; Romainville & Noël, 2003). Elle « implique l’activation de processus de compréhension mais aussi de processus de production : le noteur doit extraire du texte lu ou entendu les informations qu’il juge pertinentes; il doit aussi les mettre en forme matériellement en les transcrivant rapidement sur le papier » (Piolat & Boch, 2004, p. 1). Sommairement, il « doi[t] comprendre, sélectionner/hiérarchiser, donner une forme elliptique aux informations qu’i[l] compt[e] garder » (Piolat & Barbier, 2007, p. 91). Des liens doivent aussi être faits entre les différentes informations notées (Peverly & Sumowski, 2012). De plus, pendant la PDN, les noteurs doivent, en plus de comprendre, de noter et d’organiser les informations, faire des liens entre les informations, «[…] restructurer leurs connaissances antérieures et le plus important : ils doivent stocker et intégrer les informations fraîchement traitées » [Traduction libre] (Makany et al., 2009, p. 620).

De son côté, Couturier (2001) a comparé la PDN à la matérialisation de la compréhension et de la mémorisation et l’a rapprochée des opérations mentales qui doivent être mises en œuvre dans l’élaboration d’un résumé, car, après tout, la PDN demande d’analyser, de synthétiser et de reformuler les informations. Il a identifié trois opérations mentales nécessaires à l’élaboration d’un résumé ou à la compréhension des informations qui sont certainement mises en œuvre lors de la PDN : la globalisation (éliminer les informations non pertinentes, ajouter des thèmes ou des titres), la généralisation (retenir ce qui est commun entre les informations) et la conceptualisation (passer d’un énoncé descriptif à un énoncé théorique).

De plus, Couturier (2001) a identifié les compétences que les élèves du primaire doivent mettre en œuvre avant, pendant et après la PDN. Le nombre et la nature de ces compétences dénotent de la complexité de cette activité :

➤ Sont requises les compétences habituelles propres à tout acte de compréhension en situation d’écoute ou de lecture telles que :
• Savoir anticiper au niveau de l’organisation générale du discours et au niveau local des paragraphes et des phrases.
• Savoir inférer des éléments implicites.
• Savoir mettre en relation ses connaissances personnelles et le contenu du message.
Et plus spécifiquement pour la prise de notes :
• Savoir pratiquer une écoute ou une lecture sélectives tenant compte de ce que l’on sait et de ce que l’on cherche.
➤ Savoir trier, hiérarchiser et traduire en peu de mots.
• Opérations mentales : Savoir éliminer, globaliser, généraliser.
• Opérations linguistiques : Savoir éliminer les mots grammaticaux non nécessaires. Connaître et savoir utiliser des hyperonymes. Savoir nominaliser. Savoir utiliser des connecteurs pour marquer les liens chronologiques et logiques.
➤ Savoir noter vite et économiquement.
• Connaître et savoir utiliser des abréviations.
• Savoir traduire des relations logiques par des symboles.
• Savoir écrire rapidement en situation d’écoute.
➤ Savoir transposer du verbal en dessins, schémas, etc.
➤ Savoir structurer ses notes pendant ou après la prise de notes.
• Savoir faire un plan ou retrouver le plan initial du texte-source pendant la prise de notes : Savoir fabriquer titres et sous-titres, numéroter, utiliser l’espace-page (tirets, retour à la ligne…).
➤ Savoir réviser et organiser ses notes après coup (voir point précédent). (Couturier, 2001, p. 18) .

Table des matières

Introduction
Chapitre 1 : Problématique
Chapitre 2 : État de la question
2.1 Processus
2.1.1 Raisons de prendre des notes
2.1.2 Compétences à mobiliser
2.1.3 Contextes de la prise de notes
2.1.4 Facteurs qui influencent la prise de notes
2.2 Produit de la prise de notes
2.2.1 Critères d’évaluation du produit de la prise de notes
Chapitre 3 : Ancrages théoriques
3.1 Rapprochement entre la prise de notes et le résumé
3.2 Concept central : la macrostructure du discours source
3.2.1 Le point de départ pour générer la macrostructure : la compréhension
3.2.2 Comment générer la macrostructure ?
Chapitre 4 : Présentation de la grille d’analyse
Chapitre 5 : Cadre méthodologique
5.1 Choix des participants
5.1.1 Considérations éthiques
5.2 Collectes de données
5.3 Analyse
5.3.1 Section du discours source
Chapitre 6 : Résultats
6.1 Organisation des notes
6.1.1 Notes manuscrites
6.1.2 Notes numériques
6.2 Sélection du contenu des notes
6.2.1 Nombre total d’unités de sens dans les notes manuscrites et numériques
6.2.2 Séquences du cours
6.3 Résultats à l’examen
6.3.1 Résultats pour les notes manuscrites versus numériques
6.3.2 Organisation des notes
6.3.3 Sélection du contenu des notes
Chapitre 7 : Discussion
7.1 Limites de la recherche
7.2 Interprétation des résultats
7.2.1 Organisation du contenu des notes
7.2.2 Sélection du contenu des notes
7.2.3 Résultats à l’examen
7.3 Difficulté rencontrée lors de la collecte de données
Conclusion

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