EVALUATION DE LA PRISE EN CHARGE DES
POLYTRAUMATISÉS
GENERALITES SUR LE TRAUMATISÉ GRAVE
Définitions et évolution de la définition de polytraumatisé
Le terme de polytraumatisé, patient atteint de deux lésions ou plus, dont une au moins menace le pronostic vital, était utilisé auparavant. La notion d’engagement du pronostic vital est une notion évolutive et rétrospective. Le terme de polytraumatisé n’est donc pas adapté au caractère urgent de la prise en charge et à la régulation. Il convient donc de ne plus l’utiliser, surtout en phase préhospitalière [98]. Un traumatisé grave est un patient dont une des lésions, au moins, menace le pronostic vital ou fonctionnel, ou dont le mécanisme ou la violence du traumatisme laissent penser que de telles lésions puissent exister. Il est donc très important d’inclure la notion de mécanisme ou de violence du traumatisme liée aux éléments de cinétique [77]. L’évaluation de la gravité ou de la gravité potentielle est utile pour définir : – la nécessité de recourir à un SMUR – d’orienter le patient vers un plateau technique adapté – de recourir à une équipe spécialisée ou à la salle d’accueil des urgences vitales. L’intégration de la notion de gravité dans la définition permet une adaptation de la prise en charge, dès la phase de régulation jusqu’au transfert du patient. Le terme de traumatisé grave est donc mieux adapté en phase préhospitalière.Caractéristiques de la méthode française par rapport à la méthode anglosaxone Dans la prise en charge, le facteur temps est primordial. La première heure ou « Golden hour » est très importante pour le pronostic du patient. En effet, la majorité des décès se produit dans la première heure après le traumatisme. 7 Le terme « Golden Hour » traduit l’idée que tout blessé doit être à l’hôpital en moins de 60 minutes après le traumatisme [77]. Dans la prise en charge des traumatisés graves, les méthodes anglo-saxonne et européenne sont différentes. L’approche anglo-saxone des secours préhospitaliers est axée sur la rapidité d’arrivée à l’hôpital ou « scoop and run » [91]. Le système est basé sur l’envoi de personnels paramédicaux sur les lieux du traumatisme. L’évaluation du blessé est effectuée au moyen de scores de triage et le patient est dirigé le plus souvent sur l’hôpital le plus proche. Il faut transporter le plus vite possible tout patient depuis les lieux du traumatisme jusqu’à l’hôpital. Mais un traumatisé grave admis au plus vite dans un hôpital de proximité nécessite souvent un transport secondaire. Le gain de temps initial est alors totalement perdu et le pronostic souvent aggravé par rapport à une admission directe en centre spécialisé [19]. A l’inverse du « scoop and run », l’attitude européenne est dite du « stay and play ». Le système européen des SAMU-SMUR se caractérise par l’implication sur le terrain de médecins dont le rôle va du triage des victimes aux gestes de réanimation nécessaires à la stabilisation de l’état du blessé jusqu’à l’arrivée à l’hôpital. La régulation médicale est un temps essentiel qui permet, entre autre, d’adresser la victime vers le plateau technique adapté aux soins nécessaires. La présence d’un médecin au sein de l’équipe du SMUR est donc déterminante et permet de poser un diagnostic médical, contrairement au modèle anglo-saxon, où la prise en charge dépend de la réalisation de protocoles stéréotypés par des personnels paramédicaux. Le modèle européen avec ses médecins contribue ainsi à une optimisation du temps passé aux côtés du blessé et à une orientation plus adaptée du patient [4]. Ces deux modes de prise en charge sont en fait peu comparables, car les lésions présentées par les patients sont différentes. En effet, des études américaines montrent que les traumatismes balistiques ou pénétrants sont les premiers responsables de 8 blessures graves aux USA. Dans ce contexte, comme il existe une urgence à l’hémostase chirurgicale, le principe de « scoop and run » est justifié. En revanche en Europe, les traumatismes fermés sont au premier plan et une réanimation par équipe du SMUR est justifiée
Les scores de gravité et de triage
L’évaluation de la gravité des lésions est le premier objectif du SAMU et de l’équipe du SMUR. Elle détermine les moyens préhospitaliers nécessaires, la conduite de la réanimation et surtout une orientation vers le plateau technique adapté. Cette tâche n’est pas simple et c’est dans ce but que de nombreux scores et indices ont été développés, mais leur application n’est pas toujours aisée.Le score de Glasgow ou l’échelle de Glasgow est un indicateur de l’état de conscience. Dans un contexte d’urgence, elle permet au médecin de choisir une stratégie dans l’optique du maintien des fonctions vitales. Cette échelle fut développée par G.Teasdale et B.Jennet à l’institut de neurologie de Glasgow (Écosse) en 1974 pour les traumatismes crâniens. Ce score, très répandu, prend en compte l’ouverture des yeux, la réponse motrice, et la réponse verbale. Un score compris entre 3 et 8 détermine un traumatisme crânien sévère et un score supérieur à , un traumatisme crânien léger.
Le Revised Trauma Score (RTS)
Le RTS a été spécialement conçu pour l’évaluation préhospitalière des polytraumatisés. Ce score est en fait l’aboutissement de l’évolution de deux scores antérieurs, le Triage Index et le Trauma score.Il s’agit d’un des scores les plus utilisé. En revanche, la valeur seuil de 4, proposée pour être la limite supérieure en dessous de laquelle le patient doit être admis dans un centre de traumatologie, n’est pas reconnue comme pertinente .
Les scores anatomiques
Ils apprécient la gravité du traumatisme en fonction des lésions anatomiques observées. Ils sont toujours calculés à posteriori. Pour être fiables, ils doivent être déterminés à partir de diagnostics certains. Ces scores ne sont donc pas des outils de triage ou d’évaluation de l’effet des thérapeutiques, mais ils sont très utiles pour constituer des groupes de patients de gravités homogènes et pour quantifier la sévérité des lésions.
L’Abbreviated Injury Scale (AIS)
Il s’agit du score anatomique le plus connu. Il repose sur un dictionnaire décrivant plus de 2000 lésions cotées de 1 (mineure) à 6 (constamment mortelle). Neuf territoires sont déterminés en fonction des lésions (tête, face, cou, thorax, abdomen, rachis, membre supérieur, membre inférieur, surface externe). Le principal problème posé par ce score est que l’aggravation du pronostic n’est pas corrélée de manière linéaire à l’intervalle des scores. Ainsi, l’aggravation du score de 1 à 2 n’est pas comparable à celle de 3 à 4. De plus, il n’intègre pas le caractère évolutif d’une lésion et ne décrit qu’une seule lésion à la fois.
L’Injury Severity Score (ISS)
Ce score est dérivé de AIS, mais il est spécialement conçu pour l’évaluation des polytraumatisés. Son calcul est simple : dans chacune des six régions du corps (tête et cou, face, thorax, abdomen, membres, surface externe), on détermine le score AIS des lésions. Les 3 AIS les plus élevés appartenant à trois territoires différents sont notés. La somme des carrés de ces AIS fournit un score allant de 1 à 75. Par convention, si une lésion est cotée AIS 6 (fatale), le score ISS est arbitrairement fixé à 75.
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