Evaluation de la performance du Point-of-care CD4
Le syndrome d’immunodéficience acquise (SIDA) découvert en 1981 s’est révélé, dès 1983, être la conséquence grave et tardive d’une infection à VIH (virus de l’immunodéficience humaine), causée par deux rétrovirus que sont les VIH des types 1 (VIH-1) et 2 (VIH-2). Avec plus de 34 millions de morts à ce jour, le VIH continue d’être un problème majeur de santé publique. Il touche plus de 36 millions d’individus à travers le monde dont 2,6 millions sont des enfants. L’Afrique subsaharienne est la région la plus touchée car elle héberge plus de 70% des individus vivant avec le VIH. Le VIH cible principalement les lymphocytes TCD4, les détruit conduisant ainsi à l’affaiblissement du système immunitaire et favorisant la survenue d’infections et de maladies dites opportunistes. La récente implantation de traitements antirétroviraux (ARV) abordables et génériques dans les régions à ressources limitées fut une étape importante dans la lutte contre le VIH/SIDA. Aujourd’hui, l’objectif de l’OMS est de traiter toute personne diagnostiquée VIH positive avec une priorité portée sur les individus ayant un taux de CD4 < 350 cellules/mm3 et ceux présentant des symptômes des stades 3 et 4 de l’OMS. Cette recommandation nécessite une meilleure accessibilité aux traitements et aux soins liés au VIH dans le but de diminuer considérablement les effets pathogènes et la transmission. La thérapie antirétrovirale a pour but de rendre la charge virale plasmatique (CV) indétectable (<50 copies/ml), ce qui favorise la restauration immunitaire, réduit le risque de sélection de virus résistants et la morbidité associée au VIH. Pour ce faire, les outils de suivi en laboratoire tels que la charge virale et la numération des lymphocytes T CD4 doivent être accessibles à toutes les personnes vivant avec le VIH. Dans ses dernières lignes directrices, l’OMS recommande préférentiellement de suivre l’efficacité thérapeutique avec la charge virale. Cependant cela tarde à être effective dans les pays à ressources limitées et principalement dans les zones les plus reculées. De ce fait, la numération des lymphocytes T CD4 demeure dans ces régions l’outil le plus commun pour le suivi des personnes vivant avec le VIH. La cytométrie en flux est considérée de manière conventionnelle comme la méthode de référence pour la mesure du taux de lymphocytes T CD4. Les cytomètres standards tels que le FACSCalibur (Becton Dickinson) ou le Coulter Epics (Beckman Coulter) sont très fiables, très précis et permettent d’analyser de grand nombre d’échantillons par jour (+ de 200 tests/jour). Cependant, ils sont extrêmement coûteux et nécessitent un personnel hautement qualifié, une électricité stable, de l’air conditionné et une chaine de froid pour le transport et le stockage des réactifs. Hélas, dans nos contextes de pays à ressources limitées, il est difficile de satisfaire 2 toutes ces exigences. Ce qui fait que la cytométrie en flux est réservée aux laboratoires de référence. Pour élargir l’accès de la prise en charge dans les pays à ressources limitées, des techniques dites alternatives ont été introduites avec le FACSCount qui fut le premier cytomètre entièrement dédié à la numération des lymphocytes T CD4. La dernière décennie a vu le développement de cytomètres spécialisés tels que le CyFlow Counter, le Guava EasyCD4 et l’Apogee Auto40 [26, 57, 77, 102]. Ces techniques restaient relativement coûteux et nécessitaient une électricité stable, une chaine de froid entre autres exigences. Ainsi, des techniques dites Point-Of-Care (POC) ont été développées ces dernières années. Ces techniques CD4 POC sont simples et abordables, n’ont pas besoin de chaine de froid et incluent le HumaCount CD4NOW, le Pima CD4, le CyFlow miniPOC, le Daktari CD4, le MBio CD4 et le FACSPresto . Le FACSPresto est une nouvelle plateforme de numération des lymphocytes T CD4, répondant aux besoins spécifiques d’une utilisation sur le lieu de soin dans les régions défavorisées. Il est portable, alimenté par une batterie interne rechargeable, et fournit des résultats en valeur absolue et en pourcentage et donne le taux d l’hémoglobine dans le sang, à partir d’une même cartouche jetable unique. Il utilise aussi bien le sang veineux que le sang capillaire. Les réactifs sont lyophilisés éliminant ainsi le besoin d’une chaîne de froid. L’entreprise affirme que l’instrument peut être manipulé dans des conditions environnementales extrêmes sans un besoin pour l’entretien de routine ou préventif pour le fonctionnement quotidien. Le FACSPresto a été préqualifié par l’OMS en Septembre 2014 [107]. Actuellement, il est en phase d’évaluation dans différentes zones. C’est dans cette optique que nous nous sommes proposé comme objectif d’évaluer le FACSPresto et spécifiquement de : – Déterminer ses paramètres de précision (variabilité intra essai et variabilité inter essai) ; – Déterminer sa concordance avec le FACSCalibur et avec le FACSCount ; – Déterminer sa sensibilité et sa spécificité dans l’identification des patients devant être mis sous traitement ARV dans les différents seuils de mise sous traitement antirétroviral (200, 350 et 500).
Rappel sur l’infection à VIH
Historique
Le VIH a été découvert le 5 juin 1981 par le CDC aux États-Unis après l’annonce d’une recrudescence à Los Angeles, San Francisco et New York des cas de pneumonies à Pneumocystis carinii et de sarcomes de Kaposi. Ces deux maladies ont la particularité d’affecter les personnes immunodéprimées. Il portait le nom de « Gay Syndrome » car les premiers malades furent tous homosexuels. Une des premières causes suggérées de cette immunodépression était le “poppers”, un vasodilatateur très utilisé chez les homosexuels (37). Mais dans les mois qui suivirent, des toxicomanes par injections et des hémophiles furent infectées. Cette découverte révéla que le “poppers” n’était pas la cause, et une origine infectieuse fut admise. Il restait alors à trouver l’agent infectieux. Une étude sur les cellules lymphoïdes ganglionnaires par le professeur Montagnier de l’Institut Pasteur de Paris en 1983, identifiait un rétrovirus humain qu’il dénommait “Lymphadenopathy Associated Virus” ou LAV [9]. Aux Etat- Unis, le Professeur Gallo et al identifiaient un autre virus similaire sous le nom de “Human T-Lymphotropic Virus type 3” ou HTLV3. En 1986, un autre virus apparenté mais génétiquement distinct était découvert chez des patients originaires d’Afrique de l’ouest et fut baptisé LAV2 . Dans cette même année, une révision de la nomenclature a permis de les définir en VIH de type 1 (VIH-1) et VIH de type 2 (VIH-2).
Epidémiologie
Transmission du VIH
Le VIH est présent dans de nombreux fluides organiques. On en trouve dans la salive, les larmes, et les urines mais à des concentrations insuffisantes pour que des cas de transmission soient enregistrés. Par contre des quantités de virus assez importantes pouvant entrainer une infection sont détectées dans le sang, le lait maternel, les sécrétions cervico-vaginales, le sperme et le liquide séminal. Il peut aussi se transmettre par contact avec du matériel contaminé (usagers de drogue par voie intraveineuse, transfusion sanguine et accidents professionnels) ou par une mère infectée à son enfant in utero, pendant l’accouchement et lors de l’allaitement
Prévalence
De nos jours, l’infection à VIH est toujours considérée comme une pandémie. Selon les dernières estimations de l’OMS et de l’ONUSIDA en fin 2014, portaient à : – 36.9 millions, le nombre de personnes vivant avec le VIH dans le monde 4 – 2,0 millions, le nombre de nouvelles infections – 1,4 millions, le nombre de décès liés au VIH/SIDA [70 ; 68] En juin 2015, 15,8 millions de personnes avaient accès au traitement. Parallèlement, bien que les nouvelles infections à VIH aient diminué, un nombre inacceptablement élevé de nouvelles infections à VIH et de décès liés au sida surviennent encore chaque année [71] L’Afrique subsaharienne reste la région la plus touchée car concentre plus de 70% des personnes vivant avec le VIH dans le monde (Figure 1). Cependant, on assiste à une baisse de la prévalence du VIH en Afrique depuis 2000 qui atteignait 5,9% pour revenir à 5% en 2007 et être à 4,5% en 2013 [69 ; 70]. A l’échelle mondiale, le nombre de personnes vivants avec le VIH a augmenté par rapport aux années précédentes du fait de l’augmentation du nombre de personnes sous thérapie antirétrovirale. Par ailleurs, le nombre des nouvelles infections a connu un recul de 35% passant de 3,4 millions en 2001 à 2 millions en 2014 ; et le nombre de décès liés au SIDA ayant connu une baisse de près de 40% passant de 2,3 millions en 2005 à 1,4 millions en 2014 [71 ; 68]. Au Sénégal, la prévalence globale est estimée à 0,7% ; mais reste élevée dans les groupes dits vulnérables tels que les travailleuses du sexe (18,5%), les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes (18,5%) et les toxicomanes par voie intraveineuse (10,2%) .
Introduction |