Evaluation de la performabiblité d’un système de télécommunication
Modèle composite d’Erlang avec perte
Les systèmes dégradables sont conçus pour poursuivre leur exploitation, même en présence de défaillances de composants bien qu’à un niveau de performance réduite. Leur performance ne peut pas être évaluée avec précision sans tenir compte de l’impact des changements structurels (pannes et réparations). Le modèle Erlang avec perte composite est un modèle de performabilité car il combine les analyses de performance et de fiabilité.
Description du modèle
Nous considérons un système de commutation téléphonique composée de n canaux avec un nombre infini d’appelants [47, 70]. Le modèle composite pour l’analyse de la performabilité peut être représenté par une CTMC {X(t), t ≥ 0} de générateur infinitésimal Q. {X(t), t ≥ 0} est définie sur l’espace d’états A ⊂ E = {0, . . . , n} × {0, . . . , n}, où n est le nombre de canaux disponibles. Soit ~x = (x1, x2) ∈ A, un état de X(t), où x1 est le nombre de canaux disponibles (qui ne sont en pannes) et x2 70 III.1 Modèle composite d’Erlang avec perte ceux qui sont occupés. On a les relations suivantes : x1 ≥ x2, et x1 ≤ n, x2 ≤ n. Les événements qui se déclenchent dans ce système sont : – Arrivées et services Un nouvel appel arrive avec un processus poissonnien de taux λ et n’est admis que s’il y a une disponibilité (au moins un canal libre et opérationnel). La durée d’un appel (ou temps de service) suit une distribution exponentielle de moyenne 1/µ. – Pannes et réparations Les pannes et réparations sont distribués exponentiellement de taux γ pour les pannes et τ pour les réparations. Les canaux occupés ne bénéficient pas de protection particulière. Donc si un canal occupé tombe en panne alors l’appel est perdu. Enfin, nous supposons que tous les canaux partagent un serveur unique pour la réparation. Le diagramme d’états de la figure III.1 donne une illustration pour n = 3 canaux. La taille de X(t) est (n+1)(n+2)/2 car x1 ≥ x2. Cependant, on comprend aisément que l’augmentation de n entraine celle de l’espace d’états et par conséquent, rend difficile le calcul de la distribution de la probabilité stationnaire. Figure III.1 – Modèle composite Erlang avec perte pour n = 3 Les différents événements (arrivée, service, panne ou réparation) qui font évoluer le processus X(t), à partir de l’état ~x, sont décrits par les équations d’évolutions suivantes : 71 Chapitre III. Evaluation de la performabiblité d’un système de télécommunication (3) (2) λ µ (1) (0) λ λ 2µ 3µ Figure III.2 – Modèle de performance pour n = 3 ~x → (x1, min{n, x2 + 1}), avec le taux λ → (x1, max{0, x2 − 1}), avec le taux x2µ → (max{0, x1 − 1}, x2), avec le taux (x1 − x2)γ → (max{0, x1 − 1}, max{0, x2 − 1}), avec le taux x2γ → (min{n, x1 + 1}, x2), avec le taux τ (III.1) En notant par Π, la probabilité de distribution stationnaire de X(t), l’objectif est donc de calculer la probabilité totale de blocage Tb définie comme la probabilité pour que le système n’accepte plus un nouvel appel : Tb = Xn x1=0 Π[x1, x1] (III.2) Nous remarquons qu’il n’existe pas de formule exacte pour Tb, et la résolution du système par des méthodes numériques peut-être difficile quand n croit. Nous présentons d’abord la solution approximative de Trivedi basée sur les modèles de Markov avec récompenses MRM.
Résolution approximative par approche MRM
Dans [47], une approximation de la probabilité de blocage est obtenue avec une approche markovienne avec récompenses (Markov Reward Model : MRM). Un modèle, haut niveau, de fiabilité est évalué avec pour récompenses les résultats du modèle de performance. Soit la récompense ri = pb(i) pour i ≥ 1, définie comme la probabilité de blocage pour i canaux disponibles et calculée sur le modèle de performance de la Figure.III.2 : pb(i) = (λ/µ) i/i! Pi j=0(λ/µ) j/j! (III.3) 72 III.2 Système bornant à forme produit L’équation III.3 est connue sous le nom de formule d’Erlang’B avec perte. La probabilité pb(i) est utilisée comme une fonction de récompense dans le modèle de disponibilité de la figure III.3 en régime stationnaire : (3) (2) 3γ τ (1) (0) 2γ γ τ τ Figure III.3 – Modèle de disponibilité pour n = 3 πi = 1 i! (τ/γ) iπ0 avec π0 qui représente la probabilité stationnaire d’indisponibilité et qui est donnée par π0 = [Pn i=0 1 i! (τ/γ) i ] −1 . Soit, pour la probabilité de blocage totale approximative, l’expression suivante : T ∗ b = Xn i=0 riπi = Xn i=1 pb(i)πi + π0 (III.4) Dans l’étude de Trivedi, la probabilité exacte de blocage Tb a été comparée avec l’approximation T ∗ b . Dans la suite, à partir du système exact, nous définissons différents systèmes bornants afin de calculer des bornes (supérieures et inférieures) sur la probabilité de blocage. Commençons par présenter le système bornant ayant une forme produit.
Système bornant à forme produit
Le principe est de construire un système multidimensionnel constitué de deux composantes (l’une pour le nombre de canaux disponible, et l’autre pour le nombre de canaux occupés), évoluant d’une manière indépendante, afin d’arriver à un système à forme produit. 2.1 Définition d’un système bornant à forme produit Considérons le processus XS1 (t), de la Figure.III.4, où chacun des états ~y est représenté par le couple (y1, y2). La première composante y1, désigne le nombre de canaux disponibles et la seconde y2, le nombre de canaux occupés. Le processus XS1 (t) possède un comportement similaire à X(t) excepté les points suivants : 73 Chapitre III. Evaluation de la performabiblité d’un système de télécommunication (1) L’occurrence d’une panne sur un canal occupé, dans le processus X(t), génère une transition d’un état (x1, x2) vers un état (x1 − 1, x2 − 1) avec un taux x2γ. Tandis que, pour XS1 (t), cet événement génère une transition de ~x vers (x1 − 1, x2) avec le même taux. Intuitivement, cela signifie que lorsqu’un canal occupé par un appel tombe en panne alors, cet appel bascule vers un autre canal disponible. Il n’est donc pas perdu. (2) Il est possible d’avoir, pour le processus XS1 (t), y1 ≤ y2 ou y1 ≥ y2. Parce que nous considérons que les composantes évoluent d’une manière indépendantes. Ceci fait que, XS1 (t) ne représente pas le système exact. Intuitivement, nous pouvons déduire que XS1 (t) représente une borne supérieure. En effet, avec la modification des taux de transition décrite dans (1), il est clair que nous augmentons les taux de transition vers les états (y1, y1) pour y1 = {0, . . . , n}, sur lesquels nous calculons la probabilité de blocage Tb. En outre, dans XS1 (t), une seule composante varie à chaque transition de sorte que l’on retrouve l’indépendance des composantes. Et donc, la distribution de probabilité stationnaire ΠS1 a une forme produit. Les équations ci-dessous décrivent les différentes transitions de XS1 (t) à partir d’un état ~y : ~y → (y1, min{n, y2 + 1}) avec le taux λ → (y1, max{0, y2 − 1}) avec le taux y2µ → (max{0, y1 − 1}, x2) avec le taux y1γ → (min{n, y1 + 1}, y2) avec le taux τ (III.5) 2.2 Comparaison stochastique des processus X(t) et XS1 (t) Nous proposons de comparer X(t) et XS1 (t) afin d’obtenir des inégalités sur les probabilités de blocage. Les comparaisons stochastiques de processus de Markov peuvent être effectuées uniquement sur les espaces d’états où un préordre est défini. Sur les espaces d’états multidimensionnels, l’ordre composante par composante est largement utilisé dans l’évaluation des performances des systèmes informatiques car il génère la comparaison de certaines mesures de performance importantes comme : les probabilités de blocage, les temps de réponse, etc. Dans le cas présent, il n’est pas possible d’utiliser cet ordre. En effet, pour Tb la récompense vaut, par exemple, 1 pour l’état (0, 0) et 0 pour (1, 0). De ce fait, pour l’ordre composante par composante, la récompense n’est pas une fonction croissante. Par contre, nous pouvons remarquer, d’après l’équation III.2, que Tb est calculée sur les états ~x tels que x1 − x2 = 0. C’est pourquoi, nous proposons que ces états représentent les états supérieurs de l’espace d’états. Ce qui nous permet de définir sur A, le préordre suivant : ~x ~y ⇐⇒ x1 − x2 ≥ y1 − y2 (III.6) Appliquer la technique de couplage pour comparer les processus X(t) et XS1 (t) requière qu’ils soient définis sur le même espace d’états.