EVALUATION DE LA DUREE DE VIE DES FILETS DE
SOLES LANGUES TROPICALES FRAIS EXPORTES
LES MODIFICATIONS POST-MORTEM DU POISSON
Les changements que l’on peut observer résultent des processus d’altération, qui commencent juste après la capture du poi sson. Ainsi différents types de changement peuvent être observés :
Les changements organoleptiques
Ces changements sont ceux perçus par les sens c’est-à-dire :l’apparence, l’odeur, la texture et le goût
La rigor mortis
Le changement le plus important est l’apparition de la rigor mortis. Immédiatement après la mort, le muscle est totalement détendu et la texture élastique et souple dure habituellement quelques heures. Après quoi le muscle se contracte. Quand il durcit, le corps se raidit et le poisson est alors en état de rigor mortis. Cet état dure habituellement un jour ou plus et alors la rigor disparaît. Ce qui détend le muscle à n ouveau et le rend souple mais il n’est plus aussi élastique qu’avant la rigor. Le rapport entre l’apparition et la disparition de la rigor varie d’une espèce à l ’autre et est affecté par la température, la manutention, la taille et la condition physique du poisson . Selon POULTER et al, , l’apparition et la durée de la rigor mortis sont plus rapides à température élevée mais des observations, surtout sur le poisson tropical, ont montré un effet inverse de la température sur l’apparition de la rigor. Il est évident que, dans ces espèces, l’apparition de la rigor est accélérée à 0°C par rapport à 10°C, ce qui correspond bien à une stimulation des changements biochimiques à 0°C. La signification technologique de la rigor mortis a une importance majeure si le poisson est fileté avant ou pendant la rigor. Ainsi selon BUTTKUS [31] Pendant la rigor, le corps du p oisson sera complètement raide; le rendement du filetage sera très mauvais et une manutention brutale peut produire des déchirures. Si les filets sont levés pré-rigor, le muscle peut se contracter librement et les filets rétréciront à l’apparition de la rigor.
Altération du poisson
L’évaluation sensorielle du poi sson frais sur les marchés et lors de la mise à terre se fait en vérifiant l’aspect, la texture et l’odeur. La plupart des systèmes d’évaluation se basent sur les modifications qui se produisent pendant le stockage dans la glace fondante. Il faut rappeler que les changements caractéristiques dépendent des méthodes de stockage. L’aspect du poisson stocké au froid sans glace ne change pas autant que celui du poisson sous glace, mais le poisson s’abîme plus vite et un examen de la flaveur du poisson cuit devient nécessaire [9,10]. Une évolution caractéristique comprend les quatre phases suivantes : Phase 1 : Le poisson est très frais avec une saveur douce et délicate d’algues. Le goût peut être légèrement métallique. Phase 2 : Il y a u ne perte de l’odeur et de la saveur caractéristiques. La chair devient neutre mais sans arrière-goût. La texture est encore plaisante. Phase 3 : Des signes de détérioration apparaissent et un c ertain nombre de substances volatiles à l’odeur désagréable se forment suivant les espèces de poisson et le type d’altération (aérobie, anaérobie). Un des composants volatils peut être la triméthylamine (TMA) dérivée de la réduction bactérienne de l’oxyde de triméthylamine (OTMA). La TMA a une odeur de poisson caractéristique. Au début de cette phase, l’arrière-goût peut être légèrement aigre, fruité et légèrement amer surtout dans le poisson gras. Pendant les derniers stades se développent des odeurs doucereuses, de chou, ammoniacales, sulfureuses et rances. La texture devient soit molle et aqueuse, soit dure et sèche. Phase 4 : Le poisson peut être considéré comme altéré et putride.
Les modifications autolytiques
A la mort du poi sson, les systèmes normaux de ré gulation de l’organisme cessent de fonctionner et l’apport d’oxygène, ainsi que la production d’énergie s’arrêtent. Les cellules amorcent alors de nouveaux processus caractérisés par la dégradation du glycogène (glycolyse) et des produits riches en énergie [9,10]. Selon HUSS cité par SENE [27], l’altération autolytique est responsable d’une perte très rapide de la qualité du poisson frais mais ne contribue que très peu à l’altération des poissons et autres produits de la pêche réfrigérés. En revanche, dans le cas des poissons congelés, les modifications autolytiques revêtent une importance capitale.
Les modifications bactériologiques
Les muscles du poisson sain vivant ou fraichement capturé sont stériles. C’est-àdire que les microorganismes ne se rencontrent que sur l es surfaces externes (peau) et internes (intestins, branchies). La flore microbienne est de l’ordre de 102 à 107 /cm2 de peau et de 103 à 109 germes/cm2 de branchies ou d’ intestin
La Flore bactérienne du poisson
Selon SHEWAN [31] et BOURGEOIS , la flore bactérienne du poisson fraichement pêché dépend de l’environnement dans lequel il a été capturé, plus que de l’espèce de poisson. La température liée à la zone de pêche et à la saison, est un paramètre essentiel ; la salinité, la concentration en oxygène dissous et le pH interviennent également. La microflore des poissons d’eaux tempérées est dominée par les bactéries psychrotrophes à Gram négatif en forme de bâtonnets appartenant aux genres Pseudomonas, Moraxella, Acinetobacter, Shewanella et Flavobacterium. Les membres de la famille des Vibrionaceae (Vibrio et Photobacterium) et des Aeromonodaceae (Aeromonas spp.) sont aussi des bactéries aquatiques courantes et typiques de la flore du poisson. Des bactéries à Gram positif comme Bacillus, Micrococcus, Clostridium, Lactobacillus et corynéformes peuvent être également trouvés en quantités variables, mais ce sont généralement les bactéries à Gram négatif qui prédominent. SHEWAN avait conclu que les genres Bacillus et Micrococcus à Gram positif dominent dans les poissons des eaux tropicales et c’est ainsi que les poissons capturés au large des cotes mauritaniennes présentent 55% des flores mésophiles aérobies totales contre 45% de psychrotrophes. Cette conclusion n’a cependant pas été confirmée par les études de GRAM et al , qui ont trouvé que la microflore des espèces de poissons tropicaux est très semblable à la flore des espèces tempérées.
Evolution de la microflore pendant le stockage et l’altération
Après une phase initiale de latence dont la durée dépend surtout de la température, les bactéries du poisson se multiplient rapidement (multiplication exponentielle) pour atteindre en conditions aérobies des taux de l’ordre de 108 à 109 germes /g [20]. A la mort du poisson, le système immunitaire s’effondre et les bactéries peuvent proliférer librement. A la surface de la peau, les bactéries colonisent largement les alvéoles des écailles. Pendant le stockage, elles envahissent la chair en se déplaçant entre les fibres musculaires. MURRAY et SHEWAN [31] ont trouvé que seul un n ombre très limité de bactéries envahissent la chair pendant la conservation sous glace, et que le développement microbien se situe essentiellement à la surface, l’altération s’avère probablement, pour une grande part, être une conséquence de la diffusion des enzymes bactériennes dans la chair et des nutriments à l’extérieur. Le poisson s’altère à des vitesses très variables. Certains auteurs expliquent ce fait par des différences dans les propriétés de la surface du poisson. Les peaux des poissons ont des textures très différentes. Selon GRAM et al. [31], Les bactéries du poisson pêché dans les eaux tempérées entreront dans la phase de croissance exponentielle presque immédiatement après la mort du poi sson. Ceci est également vrai quand le poisson est glacé, probablement parce que la microflore s’est déjà adaptée aux basses températures. Pendant la conservation sous glace, les bactéries vont doubler pratiquement chaque jour et, après 2 à 3 semaines, elles auront atteint 108 – 109 UFC/g de chair ou par cm² de peau. Pendant la conservation à température ambiante, elles atteignent près de 107 -108 UFC/g en 24 heures. Les bactéries des poissons capturés dans les eaux tropicales passeront souvent par une phase de latence de 1 à 2 semaines si le poisson est conservé sous glace, après quoi la croissance exponentielle commence. Au cours de la dégradation, le niveau bactérien des poissons tropicaux est semblable à celui observé sur les espèces de poissons des eaux tempérées.
Les sources de contamination
Plusieurs auteurs distingues deux origines possibles de la contamination bactérienne des produits de la pêche : une origine intrinsèque, liée au poisson lui même et l’autre extrinsèque, liée à l’environnement de l’Homme. Toutefois, après la mort du poisson, les diverses espèces bactériennes envahissent d’abord les tissus les plus fragiles et l’altération débute par les parties proches des viscères. Le tableau I représente un condensé des dominantes bactériennes et de leur site sélectif en fonction des contaminations
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