Evaluation de la désinfection par traitements UV et UV/H₂O₂ à l’échelle

Evaluation de la désinfection par traitements UV
et UV/H₂O₂ à l’échelle

Effet d’H₂O₂ sur Escherichia coli

 Le peroxyde d’hydrogène est un oxydant actuellement utilisé pour la désinfection, notamment en industries alimentaires. L’évaluation de la plus-value du couplage UV/H₂O₂ nécessite de déterminer, au préalable, l’effet du peroxyde d’hydrogène utilisé seul. L’objectif est de distinguer l’efficacité de désinfection du couplage UV/H₂O₂ (formation de radicaux hydroxyles) de celle d’H₂O₂ seul. 

Résultats et discussion

 La souche d’E. coli sauvage de l’eau de STEU de la Feyssine présente une forte sensibilité à H₂O₂ dans l’eau du réseau. Le taux d’abattement est supérieur à 4,5 log après 30 minutes de contact avec 100 mg/L d’H₂O₂ (Figure III.1). L’effet de la concentration en oxydant est prononcé : pour une même durée d’exposition et une concentration deux fois moindre (50 mg/L), le taux d’abattement est de seulement 1,5 log. L’expérimentation n’est pas poursuivie au-delà de 30 minutes car plus aucune bactérie n’est détectée (sensibilité 0,1 UFC/mL). Ces résultats rejoignent ceux de Watts et al. (2003) qui observent que l’inactivation d’une souche commerciale d’E. coli (ATCC No. 35218) dépend de la concentration en H₂O₂. A des concentrations identiques à la présente étude, soit 51 et 102 mg/L d’H₂O₂, mais avec un temps de contact deux fois plus important (60 minutes), ils obtiennent un abattement d’environ 1 et 3 log, respectivement. A l’inverse, Ng et al. (2015) ont remarqué qu’il n’y avait aucune inactivation d’E. coli K-12, une souche sauvage d’E. coli, pour des concentrations d’H₂O₂ inférieures à 2 mM (68 mg/l) même au bout de 8h. De même, en exposant E. coli K-12 à 10 mg/L d’H₂O₂ dans de l’eau milliQ, Rincón et n’ont pas observé d’abattement après plus de 150 minutes d’exposition, confortant les observations de Ng et al. (2015) pour cette souche bactérienne. Dans l’étude de Labas et al. (2007), une concentration minimum en oxydant (100 mg/L) et un temps de contact conséquent (4 heures) est nécessaire pour obtenir un abattement d’au moins 4 log (99,99%) d’une autre souche d’E. coli (ATCC 8739), soit 200 fois moins rapide qu’une désinfection par UV (2,76 ± 0,07mW.cm−2 à 253,7 nm). Figure III.1: influence de la concentration en H₂O₂ (50 et 100 mg/L) sur l’abattement d’une souche d’E. coli sauvage dans l’eau du réseau. La variation de la sensibilité d’E. coli au contact d’H₂O₂ peut aller de la résistance complète à une forte sensibilité selon les souches bactériennes et les doses appliquées (10-100 mg/L). Ces résultats peuvent s’expliquer par l’existence de mécanismes de défense au stress oxydant chez les bactéries. En effet, certaines enzymes telles que les catalases, superoxyde dismutases ou exonucléases ont la capacité d’inhiber l’action oxydante du peroxyde d’hydrogène (Demple et al., 1983), notamment chez E. coli (Borisov et al., 2013; Linn et Imlay, 1987). En fonction de la capacité des bactéries à mobiliser ces mécanismes, la résistance au peroxyde peut varier d’une espèce à l’autre mais aussi d’une souche à l’autre. S’il a été possible d’obtenir un abattement significatif d’E. coli dans l’eau du réseau, en revanche, dans l’eau de STEU, l’effet d’H₂O₂ (100 mg/L) seul est négligeable : le Tableau III-1 montre que le taux d’abattement maximal atteint est de 0,46 log au bout de 120 minutes d’exposition, durée largement supérieure à celle des essais menés par la suite avec le pilote de laboratoire (< 5 min). Tableau III.1: cinétique d’abattement d’E. coli dans l’eau de STEU (ET A) au contact de 100mg/L d’H₂O₂ Temps de contact 0 5 20 30 60 Abattement en log -0,46 -0,47±0,01 0,16±0,15 0,43±0,01 0,46 . Ces résultats sont en accord avec de précédents travaux reportés dans la littérature. Par exemple, Manane et al. (2007) n’ont observé aucune inactivation des micro-organismes étudiés (E. coli, et phages T4, T7 et MS2) à 25 mg/L d’H₂O₂ et 60 minutes de temps de contact dans une eau de surface. De façon similaire, Koivunen et Heinonen-Tanski (2005) ont obtenu moins de 0,2 log d’inactivation pour E. coli, Enterococcus faecalis, Salmonella enteritidis et le virus MS2 dans une eau usée artificielle, même à des doses de 150 mg/L d’H₂O₂. La différence observée entre l’eau du réseau et l’eau de STEU peut provenir de l’interaction de la matière organique présente avec H₂O₂ et ainsi diminuer l’impact de l’oxydant sur les souches bactériennes étudiées. D’autre part, les bactéries peuvent former des agrégats avec cette matière organique ce qui permet de les protéger des stress oxydants chimiques (H₂O₂) ou physiques (UV) (Caron et al., 2007). 

Conclusion

 Dans cette étude, le peroxyde d’hydrogène peut engendrer un abattement important de certaines souches d’E. coli dans une matrice peu chargée en matière organique mais à des temps de contact et une concentration en oxydant relativement élevés (plus de 30 minutes pour obtenir 4,5 log d’abattement à 100 mg/L d’H₂O₂). En revanche, en considérant une matrice plus complexe (eau de STEU, eau saline), l’abattement bactérien est très faible (< 1 log en 120 minutes). Au regard des résultats obtenus, l’effet du peroxyde d’hydrogène sur l’abattement bactérien dans l’eau de STEU sera considéré comme négligeable dans le reste de l’étude. En effet, le temps de contact dans le pilote ne dépasse pas 5 minutes entre l’ajout du peroxyde d’hydrogène et le prélèvement de l’échantillon au sein duquel l’H₂O₂ résiduel est neutralisé par ajout de thiosulftate de sodium.

Efficacité de désinfection du procédé UV/H₂O₂

Les résultats précédents ont mis en avant l’incidence négligeable, vis-à-vis de la désinfection, du peroxyde d’hydrogène utilisé seul à des concentrations <100 mg/L lorsque le temps de contact est de 60 minutes. L’objectif est désormais de comparer l’effet des traitements UV et UV/H₂O₂ dans le pilote mis en place à l’échelle du laboratoire. La comparaison des traitements UV et UV/ H₂O₂ s’appuie sur le suivi de l’impact de l’irradiation à deux doses UV (10 et 40 mJ/cm²) et trois concentrations en oxydant (0, 50 et 100 mg/L) sur la population microbienne endogène d’une eau usée traitée prélevée à la STEU de la Feyssine (ET A). La dose UV maximale sélectionnée est celle imposée par la réglementation française, soit 40 mJ/cm² (ANSES, 2010). Une dose UV plus faible égale à environ 10 mJ/cm² a été choisie par rapport à la sensibilité connue d’E. coli aux UV : généralement, près de 6 log d’inactivation sont obtenus avec une dose UV située entre 1 et 15 mJ/cm² (Hijnen et al., 2006). L’objectif de cette étude est d’évaluer l’efficacité de ces deux traitements en conditions réelles (eau usée traitée, débit réaliste et bactéries endogènes). 

Effet de la concentration en H₂O₂ sur les traitements

Résultats sur les modèles bactériens : culture sur milieux 

Les concentrations des modèles bactériens endogènes dans l’eau usée traitée A (ET A) ont été déterminées, elles sont présentées dans le Tableau III.2. La charge bactérienne mesurée en sortie de STEU de la Feyssine est similaire à celle d’autres eaux usées traitées qui est de l’ordre de 10⁴-10⁶ UFC/L pour E. coli (Kruithof et al., 2007; Souza et al., 2013). Ensuite, des échantillons d’eau usée traitée ont subi différents traitements : photolyse (« UV seul »), traitement UV en présence d’H₂O₂ à des concentrations de 50 ou 100 mg.L-1 Les résultats obtenus pour une dose UV de 10 mJ/cm² sont présentés Figure III.2. L’abattement des 3 modèles bactériens atteint 1,25 log pour E. coli, 1,5 log pour les coliformes totaux et 1 log pour les streptocoques lors du traitement par UV seul. Dès que le peroxyde d’hydrogène est ajouté, l’efficacité du traitement augmente pour tous les modèles bactériens : l’ajout de 50 mg/L de peroxyde d’hydrogène permet d’atteindre des abattements de 1,9 log pour E. coli, 2,6 log pour les coliformes totaux et 1,4 log pour les streptocoques soit des gains de 52 %, 67 % et 36 %, respectivement. A une concentration de 100 mg/L d’H₂O₂, plus de 3 log d’abattement sont obtenus pour tous les modèles bactériens soit une efficacité plus que doublée par rapport à une exposition à l’UV seul. Plus la concentration en peroxyde d’hydrogène est importante, plus le gain d’abattement obtenu est important pour les 3 modèles bactériens étudiés par rapport au traitement UV seul. En doublant la dose d’oxydant, le gain d’abattement atteint 90 %, 44 % et 117 % pour E. coli, les coliformes totaux et les streptocoques, respectivement. L’ensemble des abattements obtenus sur les modèles bactériens en fonctions des traitements sont résumés dans le Tableau III.3.

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Discussion sur les résultats de la photolyse

 La sensibilité aux UV des 3 modèles bactériens étudiés dans l’eau de STEU est en concordance avec celle obtenue par d’autres auteurs. Hassen et al. (2000) se sont intéressés à la capacité de désinfection UV de l’eau de STEU sur différents modèles bactériens dont les coliformes fécaux et les streptocoques. Pour cela, ils utilisent un réacteur UV pilote en flux continu, similaire à celui utilisé dans cette étude. A une dose UV de 54 mJ/cm², ils obtiennent des abattements de 2,25 et 1,5 log pour les coliformes fécaux et les streptocoques fécaux, respectivement. Considérant les qualités d’eau, les concentrations initiales en micro-organismes et les doses UV différentes, ces valeurs sont du même ordre de grandeur que les résultats exposés ici. Dans une étude similaire, Guo et al. (2009) ont exposé à différentes doses UV basse pression une eau de STEU dans laquelle ils ont ajouté une souche cultivée d’E. coli à une concentration de 10⁵ UFC/mL. Le rayonnement est émis par un appareil UV à faisceau collimaté. A une dose de 10 mJ/cm², ils obtiennent un abattement de 3 log pour E. coli et près de 5 log d’abattement à 15 mJ/cm². A dose équivalente (10 mJ/cm²), le traitement est 2,4 fois plus performant que dans le pilote de la présente étude. Or, lorsqu’ils s’intéressent aux coliformes totaux présents initialement dans l’eau de STEU étudiée, ils n’obtiennent au maximum que 2 logs d’abattement à 10 mJ/cm², valeur proche de celle obtenue sur le pilote de cette étude (1,5 log). Les résultats de Guo et al. (2009) obtenus pour E. coli ainsi que les valeurs avancées par Hijnen et al. (2006) sur la sensibilité de cet organisme en culture pure (6 log d’abattement pour une dose comprise entre 1 et 15 mJ/cm²) semblent largement surestimés par rapport à ce qui est communément observé dans l’eau de STEU en conditions réelles. Pour expliquer la différence d’abattement entre les microorganismes endogènes de l’eau et ceux provenant de cultures pures, il convient de garder en mémoire que les streptocoques fécaux ou les coliformes totaux endogènes à l’eau de STEU contiennent différents types de bactéries. Certaines d’entre elles peuvent être plus résistantes aux UV que les organismes issus de culture pure. En effet, la désinfection UV repose sur la sensibilité des micro-organismes aux radiations UV. Cette sensibilité est unique pour chaque type de bactérie et dépend de leurs capacités à absorber les longueurs d’onde germicides (200-280 nm) (Silva et al., 2013). Elle dépend aussi de l’état physiologique des bactéries (phase de croissance ou préculture), de la souche bactérienne ou des mécanismes de réparation cellulaire propres à chaque souche. L’ensemble de ces paramètres fait qu’une population bactérienne diversifiée est plus résistante au rayonnement UV que des modèles issus de cultures pures. Enfin, la qualité de l’eau influence l’efficacité du traitement UV. Une faible transmittance ou une turbidité élevée de l’eau, mais aussi la présence de matière organique, agissent comme un filtre UV et protègent les bactéries du stress oxydant engendré par le rayonnement UV.

Discussion sur l’effet du peroxyde d’hydrogène

Les effets constatés de la concentration du peroxyde d’hydrogène sur l’efficacité de traitement rejoignent ceux observés sur différents microorganismes lors de travaux antérieurs. Bounty et al. (2012) ont montré par exemple que le traitement UV/H₂O₂ était plus efficace que le traitement UV seul sur les adénovirus.En effet, l’ajout de 10 mg/L d’H₂O₂ a permis de réduire la dose UV de 200 à 120 mJ/cm² pour atteindre un abattement de 4 log dans une solution saline (irradiation par appareil UV à faisceau collimaté). Par rapport à l’UV seul, Sun et al. (2016) ont observé 1 log d’abattement additionnel pour E. coli en présence de 0,3 mM d’H₂O₂ (∼ 10 mg/L) sous rayonnement UV BP, et un abattement 15 fois plus important pour le phage MS2. Toutefois, d’autres études rapportées dans la littérature aboutissent à des conclusions contradictoires. Koivunen et Heinonen-Tanski (2005) n’observent aucune synergie entre UV (BP) et H₂O₂ sur les entérocoques fécaux. Travaillant sur une matrice composée d’eau distillée et de peptone simulant une eau usée, ils obtiennent, pour une dose UV de 10 mJ/cm², 1,2 log d’abattement en UV seul et 1,12 log d’abattement en présence de 30 mg/L d’H₂O₂. Pablos et al. (2013) observent une faible amélioration de l’abattement d’E. coli K-12 après traitement UV + 10 mg/L d’H₂O₂, concluant à une faible production de radicaux hydroxyles. Les résultats obtenus dans la présente étude à 10 mJ/cm² ne permettent pas de conclure sur le mécanisme principal d’inactivation mais ce dernier sera discuté dans III.3.2, qui compare 2 doses d’UV différentes. ET Ant donné la diversité des modèles de micro-organismes cibles utilisés ainsi que les différentes conditions expérimentales appliquées (matrices, dose UV, concentration en oxydant…), il est difficile de comparer les résultats de ces travaux. Le Tableau III regroupe les résultats de la présente étude et ceux des principales études évoquées. La limite principale de nombreuses études réside dans l’utilisation de micro-organismes issus de cultures pures et soumis à des traitements dans des matrices à forte transmittance (solutions salines). Comme souligné dans le cas du traitement UV, les conditions expérimentales appliquées ne rendent pas compte des différences de sensibilité des micro-organismes endogènes ni de l’effet de la matière organique présente dans les eaux de STEU. Dès lors, l’abattement issu du traitement UV est déjà très conséquent dans ces études, masquant l’effet de l’apport du peroxyde d’hydrogène qui parait alors minime. Teksoy et al. (2011) ont étudié l’impact du traitement UV/H₂O₂ sur différents indicateurs de désinfection (dont E. coli et B. subtilis) dans l’eau de surface et en présence de différentes concentrations en matières humiques (3 concentrations différentes d’acide fulvique). Ils simulent ainsi la présence de matière organique susceptible d’arrêter les rayons UV et donc de diminuer l’efficacité du traitement. Ils concluent que la présence d’H₂O₂ permet de compenser l’absorption des UV par la matière organique pour E. coli mais pas pour B. subtilis. Il est donc important de prendre en compte l’effet de la matrice sur le traitement UV/H₂O₂ et la variation de sensibilité des micro-organismes. Dans la présente étude, le procédé UV/H₂O₂ est évalué dans des conditions proches de la réalité (réacteur en flux continu, temps de contact réel, eau de STEU chargée en matière organique) et sur des micro-organismes endogènes. Or, peu d’études ont évalué l’effet du traitement UV ou UV/H₂O₂ dans de telles conditions. C’est le cas des travaux de Souza et al. (2013) qui appliquent un traitement UV + 5 mg/L d’H₂O₂ pendant 5 minutes (réacteur avec 3 lampes BP de 8 W). Dans ces conditions, ils ont obtenu 100% d’abattement des bactéries endogènes suivies (E. coli, spores de bactéries sulfito-réductrices) en moins de 5 minutes. Lorsqu’ils appliquent uniquement un traitement UV, ils obtiennent aussi le même niveau de désinfection (100%) et concluent alors qu’il n’y pas pas d’effet synergique de l’UV et du peroxyde d’hydrogène. Cependant, la dose UV correspondant à 5 min d’exposition est de l’ordre de 2412 mJ/cm². Cette dose est 60 à 240 fois supérieure à celles appliquées dans la présente étude, et peu réaliste, notamment pour la consommation éléctrique qu’elle engendrerait à grande échelle. La désinfection UV est donc déjà très importante, masquant probablement l’effet des radicaux hydroxyles dans le cas du traitement UV/H₂O₂. Lors du traitement UV seul, il est aussi probable qu’une telle dose UV appliquée à une matrice complexe engendre un phénomène de photolyse indirecte. Des radicaux hydroxyles peuvent être formés à partir de précurseurs comme le chlore ou les nitrates et participer à la désinfection alors qu’aucun oxydant n’a été ajouté (Yuan et al., 2009). 

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