Etudier la réception de la littérature de jeunesse par les enfants

Etudier la réception de la littérature de jeunesse par les enfants

En nous intéressant à la littérature de jeunesse, nous inscrivons notre questionnement dans le champ de recherche vaste et pluriel s’étant progressivement constitué autour des livres destinés à l’enfance et à la jeunesse. Sans prétendre rendre compte de façon exhaustive de la variété et de la complexité de ce dernier, nous souhaitons néanmoins mentionner un certain nombre de personnalités, de travaux ou encore d’événements, s’étant révélés particulièrement structurants pour ce champ de recherche et dont nous souhaitons, dans cette partie, avant tout souligner l’importance au regard du travail mené dans le cadre de cette thèse. Nous souhaitons par ailleurs également évoquer le poids de l’intérêt « social » qu’a récemment porté la société française aux albums, en ce que ce dernier apparaît, à notre sens, tout autant résulter de l’intérêt scientifique accordé à ces « petits » objets de l’enfance, que contribuer à le renforcer. « Dans les années 1960, la naissance d’une nouvelle édition pour la jeunesse s’est réalisée en même temps que sont apparues, puis se sont développées, les premières bibliothèques pour la jeunesse. [L]a naissance des associations pionnières dans la promotion de la littérature de jeunesse se réalise logiquement au moment précis où cette littérature s’affirme dans le paysage éditorial, culturel et éducatif français » (Butlen, 201516). La fin des années 1950 est ainsi marquée par la création d’associations et par la publication d’ouvrages qui, portés notamment par des professionnels du secteur aux postures bien souvent militantes, participent à la reconnaissance des livres adressés aux enfants. En 1962, Mathilde Leriche (bibliothécaire), Marc Soriano (philosophe), Jacqueline et Raoul Dubois (« militants dans des mouvements éducatifs en direction de l’enfance et de la jeunesse17 »), Colette Vivier (auteure de littérature enfantine), ainsi que Raymonde Dalimier (bibliothécaire), se réunissent en effet, par exemple, « de façon informelle, autour de Natha Caputo [auteure et adaptatrice de contes Littérature de Jeunesse18 (CRILJ) : association désireuse de permettre à différents acteurs de « travailler ensemble à une meilleure connaissance et à une promotion élargie des livres destinés aux enfants et aux jeunes ».

En 1963, Geneviève Patte, bibliothécaire, fonde pour sa part La Joie par les livres, concrétisant en cela une volonté de « créer une bibliothèque de la lecture 20 ». Dans un ouvrage écrit à la fin des années 1960, Isabelle Jan (1969), écrivaine et éditrice de livres pour enfants, propose quant à elle, enfin, une histoire comparée de la littérature enfantine, l’ayant conduite « dans l’Angleterre d’Alice, l’Amérique de Tom Sawyer, la Scandinavie d’Andersen, l’Italie de Pinocchio, l’Allemagne de Grimm, la France de Perrault, de Mme de Ségur, de Jules Verne, de Marcel Aymé21 ». En s’attachant à définir les contours de cette littérature et à comprendre les conditions d’émergence d’écrits spécifiquement adressés aux petites filles et aux petits garçons, celle qui est aujourd’hui devenue une « grande figure » (Perrot, 201222) de la littérature destinée à la jeunesse, œuvre alors, par l’intermédiaire de son « essai », à la légitimation de cette « petite littérature », dont elle regrette qu’elle ne jouisse, à l’époque, d’ « aucune reconnaissance officielle, en France tout du moins » (p. 10). Ces quelques exemples, bien que non exhaustifs, sont ainsi révélateurs d’un mouvement animant, dès le début des années 1960, l’Hexagone et allant dans le sens d’une reconnaissance progressive des livres écrits à l’intention des jeunes générations.

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Les années 1970 et 1980 sont par la suite marquées par ce que Max Butlen définit comme un processus d’ « universitarisation ». Des chercheurs aux approches disciplinaires variées – et aux intentions parfois également militantes – commencent en effet à s’intéresser aux objets culturels de l’enfance que constituent les livres pour la jeunesse et participent de la sorte à légitimer ces ouvrages comme « objets » de recherche à part entière. Cette « universitarisation » est notamment visible à travers la création d’associations de chercheurs, telles que le Centre international d’études en littérature de jeunesse – fondé en 1988 par Janine et Jean-Marie Despinette – ou encore le groupement d’Intérêt Scientifique intitulé Promolej, créé en 1990 et visant à la promotion de la lecture et de l’écriture des jeunes. Relié à l’Institut National de Recherche Pédagogique, ce dernier fut notamment animé par Christian Poslaniec et Christine Houyel. Jean Perrot fonde par ailleurs, en 1994, l’Institut Charles Perrault, parrainé par l’Université Paris 13 et la ville d’Eaubonne et se donnant en particulier pour mission le développement « de la recherche dans le domaine [de la littérature de jeunesse] » .

 

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