Études des alcaloïdes lipophiliques des peaux de grenouilles Mantella
Données sur les alcaloïdes d’amphibiens
Différentes classes d’alcaloïdes chez les amphibiens Tous les amphibiens ont des glandes sécrétrices de « poisons » dans leur peau qui, pour la plupart des espèces, ont diverses activités pharmacologiques. Parmi les « poisons » sécrétés figurent les alcaloïdes lipophiliques. Les alcaloïdes lipophiliques ont été découverts pour la première fois dans les salamandres du genre Salamandra, famille des Salamandridea (Schöpf et al, Experientia (Basel) 1961). Dans les années 70, le Docteur John Daly avait isolé les alcaloïdes lipophiliques à partir des grenouilles de la famille des Dendrobatidae d’Amérique Centrale : le genre Phyllobates, Dendrobates, Epipedobates et Minyobates. Depuis 1984, ses études ont été étendues à trois autres familles : la famille des Bufonidae d’Amérique du Sud, la famille des Myobatrachidae d’Australie et la famille des Mantellidae de Madagascar. En 1992, Dumbacher en collaboration avec l’équipe du Dr Daly a découvert la batrachotoxine dans la peau et les plumes d’un oiseau du genre Pithoui de la Nouvelle Guinée, un alcaloïde stéroïdique ayant déjà été détecté chez les grenouilles de la famille des Dendrobatidae. (Dumbacher et al, Science 1992). On a rapporté les structures des alcaloïdes connus à ce jour ci-dessous et dans les pages suivantes. Le tableau 3 récapitule en présente la liste, ainsi que les sources respectives des dits alcaloïdes.
Alcaloïdes monocycliques
– Pyrrolidines 2,5-disubstituées Figure 1 : Structures de pyrrolidines 2,5-disubstituées, (+)-trans-197B et cis-225H (Bacos et al, Tetrahedron Letters 1988, Jones et al, J. of Chem. Ecol. 1999, Daly et al, Pergamon: New York 1999) N H (+) – trans – 197B Pyr 2 5 N H cis – 225H Pyr 33 – Pipéridines Figure 2 : Structure de (+)-cis-241D (Jones et al, J. of Chem. Ecol. 1999) 2.1.1.2. Alcaloïdes bicycliques a) Décahydroquinolines Figure 3 : Structure de la décahydroquinoline 195A (Daly et al, Pergamon: New York 1999) b) Izidines Figure 4 : Structures de pyrrolizidine 3,5-disubstituée 223B et de l’indolizidine 3,5-disubstituée 223AB (Daly et al, Pergamon: New York 1999) N H OH 2 4 6 (+)-cis-241D N cis-223B 3,5-P 5Z,8E 5 3 8 N cis-223AB 3,5-I 5E,9E 5 3 9 2 8a N H 4a 5 (-)-cis-195A DHQ 34 N 217B 5,8-I °° 5 8 1 N 223A 5,6,8-I °° 5 6 8 1 Figure 5 : Structures de l’indolizidine 5,8 -disubstituée 217B et de l’indolizidine 5,6,8-trisubstituée 223A (Daly et al, Pergamon: New York 1999) Figure 6 : Structures de quinolizidine 4,6-disubstituée 195C et de quinolizidine 1,4-disubstituée 231A (Daly et al, Pergamon: New York 1999) Figure 7 : Structure de azabicyclo[5,3,0]décane 3,5-disubstitué 275A (Daly et al, Pergamon: New York 1999) N 10 195C 4,6-Q 4 6 °° N 231A 1,4-Q 1 4 °° N 10 275A 3 5 35 c) Pumiliotoxines et allopumiliotoxines (PTX, aPTX) Figure 8 : Structures des Pumiliotoxines et Allopumiliotoxines (Daly et al, Pergamon: New York 1999) d) Homopumiliotoxines N CH3 OH 7 9 1 2 11 °° 323G hPTX . Figure 9 : Structure de l’homopumiliotoxine 223G (Daly et al, Pergamon: New York 1999) e) Histrionicotoxines Figure 10 : Structure de l’histrionicotoxine 283A (Daly et al, Pergamon: New York 1999) N R OH 1 OH 2 5 7 10 11 R : H R : 267A 251D allopumiliotoxine pumiliotoxine °° N H OH OH N H OH OH OH 1 2 5 7 10 11 12 14 15 1 2 5 7 10 11 12 14 15 (+)- 307A Pumiliotoxine A (+)- 323A Pumiliotoxine B °° °° NH OH 1 2 3 6 7 17 8 18 283A HTX 36 2.1.1.3. Alcaloïdes tricycliques Figure 11 : Structures de Géphyrotoxine 287C et de cyclopenta[b]quinolizidine 251F (Daly et al, Pergamon: New York 1999) Figure 12 : Structures de coccinelline 205B et de (+)-spiropyrrolizidine 236 (Daly et al, Pergamon: New York 1999, Garraffo et al, J. Nat. Prod., 1993, Tokuyama et al, Tetrahedron, 1992, Daly et al, J. Nat. Prod., 1990, Daly et al,. Novitates, 1996)
Alcaloïdes pyridiniques
Figure 13 : Structure de (-)-Epibatidine 208/210 (Daly et al, Pergamon: New York 1999) en couverture de J. Nat. Prod., 2010 N H H 5a 2a 8a 6 1 205B Tri N NOCH3 2 6 4 7 (+)-236 spiroP N Cl N H 1′ 2′ 3′ 6 4′ 2 3 9a 3a N 7 10a 251F CPQ 2 3 N H HO 5a 9a 3a 287C GTX 37 – Noranabasine Figure 14 : Structures de la noranabasine et de l’anabasine son analogue isolé de plantes (Tokuyama et al, Tetrahedron 1984) 2.1.1.5. Alcaloïdes indoliques Figure 15 : Structures des pseudophrynamines et de chimonanthine (Tokuyama et al, Tetrahedron 1984)
Alcaloïdes stéroïdiques – Samandarines
Figure 16 : Structures des samandarines (Schöpf, C., Experientia 1961) N H N N 2 (-)-239J N H N Anabasine N N CH3 H3C R (-)-258 Pseudo R = CH2OH 286A Pseudo R = CO2CH3 256 Pseudo R = CHO Pseudophrynamines N H N CH3 H N N CH3 (+)-346 Chimonanthine N H O OR H (+)-Samandarine O-Acetylsamandarine R = H R = COCH3 38 – Batrachotoxines Figure 17 : Structures de diverses batrachotoxines (Tokuyama et al, J. Am. Chem. Soc.; 1969, Daly et al, J. Nat. Prod. 1998, Dumbacher et al, Science 1992) en couverture de J. Nat. Prod., 2010 On a rassemblé dans le tableau ci-après les divers types d’alcaloïdes cités, ainsi que leurs origines respectives.
Fragmentations caractéristiques à la masse des alcaloïdes lipophiliques d’amphibiens
Alcaloïdes monocycliques
2,5-Disubstituted pyrrolidines (Pyr) Le spectre de masse est généralement caractérisé par les fragments résultant de la rupture α qui favorisent le départ d’un radical ou de l’autre de deux substituants (Figure 22). Contrairement aux Pipéridines, les pyrrolidines identifiées dans les extraits de peaux des grenouilles des Anoures ne contient pas de groupement méthyle. (Daly et al, J. Nat. Prod. 2005) Le spectre IRTF de cette famille de composés permet de distinguer l’isomère cis de l’isomère trans. L‘isomère cis est caractérisé par une faible ou très faible BB aux environs de 2797 cm-1. En outre, pour l’isomère trans la BB est absente. Après N-méthylation cette différence est beaucoup plus prononcée. (Daly et al, J. Nat. Prod. 2005)
2,6-Disubstituted piperidines (Pip)
Le spectre de masse des Pip a même allure à celui des Pyr. Il est caractérisé par les fragments résultant de la rupture α qui conduit au départ d’un radical ou de l’autre de deux substituants. Le substituant méthyle en α donne un pic de base à m/z 98. On peut distinguer facilement les isomères cis et trans à partir de leurs spectres IRTF respectif : l’isomère cis exhibe une faible BB à environ 2780 cm-1, celle-ci est absente pour l’isomère trans. (Daly et al, J. Nat. Prod. 2005)
Alcaloïdes bicycliques
Decahydroquinolines (DHQ) et leurs dérivés On a pu recenser huit composés de cette sous-classe : 189, 193D, 195A, 211A, 380, 382, 384A, 384B. Il s’agit des 2,5-dialkyl-1-azabicyclo[4,4,0]décanes, alcaloïdes hydrogénés comportant un cycle quinoline et de formule empirique C9H7N. Ce sont des composés bicycliques totalement saturés Figure 18 : Structure de la quinoline et de la DHQ N 8a N R1 R2 H 2 8 5 4a 4 R1 = propyl La numérotation adoptée ici est celle de la nomenclature IUPAC R2 = propyl 209J DHQ 43 La décahydroquinoline est un composé bicyclique saturé. La décahydroquinoline cis-195A qui représente la classe d’alcaloïde décahydroquinoline 2,5- disubstituée, son spectre de masse est dominé par le fragment C10H18N + à m/z 152, suite au départ des deux radicaux propyles par rupture en α de l’azote. Le fragment à m/z 152 est aussi formé par la perte de trois carbones, C-6, C-7, C-8 de la partie alicyclique. L’hydrogène porté par l’azote est détecté à l’aide de ND3 en spectrométrie de masse en ionisation chimique (SM/IC), par échange avec le deutérium. Cette réaction permet de distinguer les décahydroquinolines des izidines. En effet, la plupart des izidines présentent aussi un spectre de masse dominé par le pic de base résultant d’une rupture en α de l’azote, mais celui-ci étant tertiaire, leurs hydrogène n’est pas échangeable. Figure 19 : Hypothèse de fragmentation des DHQ (Garraffo et al, J. Nat. Prod. 1993) La rupture en α de l’azote donne le départ de la chaîne latérale en C-2. Dans certains cas, la rupture concertée en C-5 est significative. Elle a été proposée pour la première fois pour 269AB. Plusieurs DHQ contiennent un groupe méthyle en C-5 et présentent un pic de base à m/z 152. Pour ceux qui contiennent un groupe hydroxyle sur le squelette de base, le pic de base devient un ion fragment à m/z 168. La pluspart des DHQ possèdent un ion fragment correspondant au départ de C3H7. Il résulte de l’ouverture du cycle par rupture en α suivie de Mac Lafferty. (Spande et al, J. Nat. Prod. 1999) Sur les spectres IRTF des DHQ la BB est absente lorsque l’hydrogène en α de l’azote est E, elle est faible pour la configuration Z. (Spande et al, J. Nat. Prod. 1999) R’ N H R +° R’ N R + H ° H N R’ R H (M-43) ° + 5 6 8 44 R’ N H R +° coupure α coupure en C-5 N H R’ + N H R (M-R) (M-R’) 5 Figure 20 : Hypothèse de fragmentation de DHQ (suite)
Izidines
Les izidines comportent 7 sous-classes : – Pyrolizidine 3,5- disubstituées (3,5-P) – indolizidines 3,5-disubstituées (3,5-I) – indolizidines 5,8-disubstituées (5,8-I) – indolizidines 5,6,8-trisubstituées (5,6,8-I) – quinolizidines 1,4-disubstituées (1,4-Q) – quinolizidines 4,6-disubstituées (4,6-Q) – structure non identifiée (indolizidine ou quinolizidine) 3,5- P 3,5-I 5,8-I 5,6,8-I 1,4-Q 4,6-Q Figure 21 : Différentes classes d’izidines identifiées chez Mantella 5 N 3 1 2 R’ R N R’ R 3 5 1 2 N R 3 5 1 2 R’ 8 N R 3 5 1 2 R » 8 R’ 6 4 N R’ R 1 N R R’ 1 4 6 45 a) Pyrrolizidines 3,5-disubstituées (3,5-P) En sm-ie, la fragmentation résultant de la rupture en α de la chaîne latérale caractérise les structures des pyrrolizidines 3,5-disubstituées, indolizidines 3,5- disubstituées, ainsi que celles de quinolizidines 4,6- disubstituées. Comme dans le cas des pyrrolidines, les intensités des 2 pics majoritaires à m/z 208 et à m/z 124 sont comparables. N H3C sm-ie N H3C +° a b N + C6H13 C6H13 C6H13 a N H3C + + CH3 ° + C7H15 ° m/z 223 m/z 208 m/z 124 b Figure 22 : Hypothèse de fragmentation 3,5-P b) Indolizidines Trois classes d’indolizidines ont été identifiées dans les extraits alcaloïdiques de Mantella : indolizidines 3,5-disubstituées, indolizidines 5,8-disubstituées et indolizidines 5,6,8-trisubstituées. • 3,5-Disubstituted indolizidines (3,5-I) Les spectres de masse sont caractérisés par la rupture en α de l’un ou de l’autre, des deux substituants (Figure 23). Comme attendu, le départ du plus gros substituant sera le plus favorisé. Il n’est pas exclu d’obtenir l’ion fragment à m/z 124 qui résulte du départ de ces deux substituants. (Garraffo et al, Rapid Comm. Mass spectrom. 1999) Les spectres IRTF de ces composés permettent de préciser la configuration relative des hydrogènes en C-3, C-5 et C-9. Les 3,5-I dont les trois hydrogènes sont orientés dans la même sens Zusammen (5Z, 9Z), présentent une BB intense à 2791 cm-1. Les isomères 5E,9Z et 5E,9E ont une faible BB respective à 2803 et 2796 cm-1. Pour, l’isomère 5E,9E la BB est absente. 46 N N N N N H H m/z 180 m/z 166 m/z 124 5 3 + Rupture ena Figure 23 : Hypothèse de fragmentation des 3,5-I (Garraffo et al, J. Nat. Prod. 1993) • 5,8-Disubstituted indolizidines (5,8-I) Les spectres de masse sont caractérisés par le pic de base résultant du départ du groupement en C-5. Les 5,8-I possédant un groupement méthyle en C-8 sont caractérisées par un pic de base à m/z 138. La réaction d’élimination de type rétro-Diels–Alder (RDA) donne un ion fragment caractéristique à m/z 96 (Figure 24). La configuration relative des hydrogènes en C-5 et C-9 peuvent être déterminée à partir des renseignements de leurs spectres IRTF en phase gazeuse (Tokuyama et al, Tetrahedron 1991). Une BB intense à 2789 cm-1 est attribuable aux 5,9Z-5,8-I, une configuration de la majorité des 5,8-I. L’alcaloïde 259B, fait exception à cette règle, son spèctre exhibe une faible BB à 2810 cm-1, et est proposé ensuite d’appartenir à la configuration 5,9E. Il en est de même pour l’alcaloïde 223I qui a été pendant longtemps considéré comme connu comme 5,9E-I, mais en réalité est une pyrrolizidin.
Introduction |