Depuis la nuit des temps, l’homme a toujours exploité les propriétés toxiques de divers organismes pour subvenir à ses besoins vitaux. Il les a utilisées par exemple pour se procurer de la nourriture (chasser des animaux pour leur viande, pêcher des poissons), se soigner, lutter contre les animaux nuisibles, se défendre contre des ennemis, etc.
Plus tard, avec les progrès dans différentes disciplines scientifiques (chimie, physiologie, médecine, toxicologie etc.) de nombreux organismes toxiques ont été étudiés, la nature et la structure chimique, les effets toxiques et les mécanismes d’action d’un grand nombre de leurs principes toxiques ont été déterminés. Ainsi, les utilisations des toxines se sont multipliées et diversifiées dans divers secteurs d’activité (recherche fondamentale, médecine, agriculture, cosmétique etc.).
INTERETS DES TOXINES
Une toxine est une substance capable de perturber ou d’interrompre les fonctions vitales d’un organisme auquel elle a été exposée et/ou administrée (HODGSON, 2004). Elle peut être d’origine végétale, animale ou microbienne (XIAO et TESH, 2017). Les toxines végétales, par exemple, sont des substances issues, en grande partie, du métabolisme secondaire des végétaux. Ces métabolites possèderaient à priori un rôle dans la défense de la plante contre ses prédateurs et les autres végétaux concurrents (HODGSON, 2004).
Avec l’évolution des connaissances dans diverses disciplines scientifiques, les recherches sur les toxines ont connu un regain d’intérêt remarquable. Ainsi, de nombreuses toxines ont été isolées, leur structure a été déterminée, leur mécanisme d’action élucidé et plusieurs de leurs propriétés biologiques ont été mises en évidence et exploitées.
UTILISATIONS EMPIRIQUES DES TOXINES
Les utilisations empiriques des toxines sont diverses. Certaines remontent à des temps immémoriaux tandis que d’autres sont encore en vigueur actuellement.
Depuis l’antiquité, les tribus et les civilisations primitives utilisaient les toxines végétales comme :
– outils de chasse : par exemple, les indigènes d’Amazonie enduisaient, les pointes de leurs flèches de curare, latex de Chondodendron (MINESPERMIACEAE) et de Strychnos (LOGANIACEAE), pour tuer les gibiers qu’ils pourchassaient (PHILIPPE, 2004) ;
– armes de défense : les indigènes d’Amérique du Sud utilisaient le latex de Hippomane mancinella (EUPHORBIACEAE) pour lutter contre les envahisseurs espagnols (RAO, 1974) .
UTILISATIONS SCIENTIFIQUES DES TOXINES
Les toxines végétales ont été utilisées dans le domaine des recherches biomédicales comme outils moléculaires pour l’exploration des fonctions biologiques régissant le monde vivant. Elles ont permis par exemple la découverte de récepteurs, la compréhension du cycle cellulaire, la découverte des voies de signalisation, des canaux ioniques, etc. A titre d’illustration :
– la batrachotoxine (BTX), un alcaloïde stéroïdien produit par certaines grenouilles de l’Amérique du Sud, constitue un outil chimique très utilisé dans les laboratoires de physiologie et de pharmacologie. Elle a permis d’étudier le passage des ions sodium, spécialement à travers les membranes nerveuses pré-synaptiques (XAVIER, 1991) ;
– l’antamanide, une toxine tirée d’un champignon vénéneux, l’Amanite phalloïde, est un décapeptide cyclique qui lie spécifiquement le sodium par coordination. Elle a permis de comprendre le transport des ions à travers les pores de la membrane (RAYMOND et coll., 1987).
Les toxines végétales sont aussi utilisées à d’autres fins, plus communément comme médicaments, cosmétiques et pesticides. On peut citer, parmi tant d’autres exemples :
– la toxine botulique, une protéine secrétée par la bactérie Clostridium Botulinum, est utilisée en injection locale à faible dose pour provoquer des paralysies musculaires afin d’atténuer temporairement les rides (DE SA EARP et MARMUR, 2008). Elle est aussi utilisée dans le traitement de différentes maladies (strabisme, blépharospasme, migraine, etc.) et plusieurs affections gastro-entérologiques et urologiques (COORDONNIER et coll., 1994) ;
– la digitaline, employée depuis longtemps pour soigner l’insuffisance cardiaque (LOPEZ-LAZARO, 2007) ;
– l’atropine, un alcaloïde tropanique, extrait des racines d’Atropa belladonna (SOLANACEAE) est utilisée contre le malaise vagal, comme accélérateur de la fréquence cardiaque en cas de bradycardie et pour diminuer les tremblements chez les individus atteints de la maladie de Parkinson. Cet antagoniste cholinergique agit en se fixant aux récepteurs muscariniques. En inhibant les récepteurs cholinergiques muscariniques, elle diminue le tonus du parasympathique, si bien que l’influence du sympathique devient prépondérante (CHIA et coll., 2016) ;
– la colchicine, un alcaloïde toxique, présent dans diverses plantes du genre Gloriosa (COLCHICACEAE), est utilisée principalement pour réduire la douleur, le gonflement, la rougeur et la sensibilité des articulations chez les personnes souffrant de crises de goutte aiguë (DALBETH et coll., 2014),
– la morphine, un alcaloïde extrait de l’opium, est utilisée dans les services hospitaliers pour lutter contre la douleur (analgésique) (GACH et coll., 2011).
GENERALITES SUR LES ORGANISMES NUISIBLES ET LES MOYENS POUR LES COMBATTRE
LES DIFFERENTS TYPES D’ORGANISMES NUISIBLES
Les organismes nuisibles sont des organismes qui causent des dommages agricoles, forestiers et aquacoles ou ayant des effets considérés comme nuisant à la santé publique et perturbent aussi le bon déroulement de certaines activités humaines (agriculture, pisciculture, sylviculture…).
Parmi ces organismes figurent :
– les insectes ravageurs de culture et de récolte (chenilles, criquets, charançons, pucerons, …) ;
– les insectes vecteurs de maladies (moustiques, mouches tsé-tsé, puces,…),
– les parasites (vers intestinaux) ;
– les microorganismes pathogènes (bactéries pathogènes, moisissures d’aliments, champignons phytopathogènes, protozoaires parasites, virus animaux et végétaux, …) ;
– les animaux nuisibles (rongeurs, corbeaux, …) ;
– les plantes indésirables (mauvaises herbes, plantes envahissantes).
DEGATS CAUSES PAR LES ORGANISMES NUISIBLES
Les organismes nuisibles constituent depuis toujours un fléau et restent une préoccupation majeure notamment dans les pays en voie de développement comme Madagascar. A titre d’illustration, on peut citer :
– la destruction des récoltes sur pieds qui occasionnent des pertes économiques importantes. 25 à 35% des cultures sont ravagés lors d’une pullulation de rats au Kenya, voire même 100% dans certaines parcelles au Sénégal en 1975 (SARWAR, 2015) ;
– la souillure des stocks et denrées alimentaires par les urines et les excréments des rats qui les dévalorisent et les rendent impropres à la consommation ;
– l’émergence et la réémergence de maladies contagieuses mortelles : les rongeurs, notamment rats et souris, sont des réservoirs et vecteurs de graves maladies pour l’Homme. Les morsures de rat, leurs excréments ou encore les puces qui les parasitent propagent des maladies telles que la dysenterie, la leptospirose, la toxoplasmose, des trichinoses, le typhus, la rage et même la peste;
– les invasions périodiques d’animaux migrateurs comme les criquets entraînent d’importants dégâts aux cultures et aux pâturages. Selon une mission d’évaluation de l’impact de l’invasion acridienne en cours à Madagascar conduite récemment par la FAO, les pertes de production rizicole pourraient s’élever à 630.000 tonnes, soit environ 25 % de la demande totale de riz du pays, ce qui aurait des répercussions sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle et sur les moyens d’existence des catégories les plus vulnérables (FAO, 1998) ;
– la destruction des biens et services : attirés par l’abondance de nourriture et la perspective d’un abri sec et sécurisé, certains animaux nuisibles tels que les rongeurs aiment s’introduire dans tous les coins et petits espaces des domiciles. Ils causent par la même occasion de nombreux dégâts matériels (conduites de plomberie percées, fils électriques rongés déclenchant des courts-circuits qui pourraient entraîner un incendie, etc.) (ALMEIDA, 2013).
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