ETUDES A L’ECHELLE MICROSCOPIQUE DE L’INTERACTION EMULSION-SUBSTRAT

ETUDES A L’ECHELLE MICROSCOPIQUE DE L’INTERACTION EMULSION-SUBSTRAT

INTRODUCTION

Lors de la mise en contact de l’émulsion avec les granulats, de nombreux phénomènes physicochimiques se produisent aux interfaces. Ces phénomènes conduisent à la rupture de l’émulsion et entraînent un comportement particulier du mélange émulsion-granulat. Les interactions sont liées à la formulation de l’émulsion et dépendent de la composition minéralogique du granulat et de la nature des tensioactifs en tant qu’agents de surface. Ce chapitre vise à présenter les résultats obtenus dans la description des comportements des mélanges émulsion-filler et émulsion-substrat modèle, sur la base de considérations à l’échelle microscopique portant sur les aspects que sont l’adsorption des tensioactifs sur les granulats, le mécanisme de rupture émulsion-granulat, la rhéologique du mélange émulsion-filler et le mouillage de substrats modèles par l’émulsion de bitume.

ADSORPTION DES TENSIOACTIFS A LA SURFACE MINERALE

Charge des têtes hydrophiles des tensioactifs et charge de surface des substrats

Les potentiels zêta des tensioactifs A et B, ainsi que ceux des substrats de diorite, de granite, de silice et d’agrégat (AE1) ont été déterminés en fonction du pH. Les résultats sont montrés dans la Figure 61. Les charges manifestées par les tensioactifs décroissent avec l’augmentation du pH ; cette évolution est la conséquence du déficit de protonation à pH élevé. Les points de charge nulle (PCN) des deux tensioactifs se situent autour de la valeur de pH 10. Lors de la fabrication des phases aqueuses, une augmentation de pH de l’eau a été constatée lors de l’ajout des agents de surface pour se situer entre 9 et 11, ce qui est en cohérence avec le pH correspondant au point de charge nulle des tensioactifs trouvé à l’essai de zêtamétrie. Entre les deux tensioactifs, le A présente une charge électrique plus importante que le B. Pour un pH de 2, correspondant à celui des phases aqueuses pour la fabrication des émulsions, le tensioactif A affiche un potentiel de +102,5 ± 11,8 mV, tandis que le tensioactif B est à +70,5 ± 8,0 mV. tête hydrophile du tensioactif A est plus chargée que celle du tensioactif B, cela entraînera une conséquence sur le mécanisme d’adsorption par attraction électrostatique des deux surfactants en présence de granulats chargés négativement. La charge du tensioactif A devrait le conduire à s’adsorber plus activement que le tensioactif B. Figure 61. Potentiel zêta des tensioactifs et des substrats en fonction du pH. La lecture des potentiels zêta des suspensions de diorite, de granite, de silice et d’agrégat d’enrobé en fonction du pH permet de dresser quelques constats. Pour les faibles valeurs de pH, à pH 2 par exemple, les granulats présentent une charge positive. Il apparaît que les charges de surface sont très proches pour ces quatre matériaux entre pH 3 et 9. L’observation de la charge sur les AE peut être attribuée aux particules non ou mal enrobées. L’électronégativité des substrats augmente (le potentiel zêta diminue) lorsque le pH augmente. Le potentiel se stabilise pour le granite et la diorite entre le pH 7 et 11. Une remontée du potentiel est observée pour la silice à partir de pH 9, certainement à cause du phénomène de dissolution de la silice en milieu basique. Les points de charge nulle (PCN), d’après les courbes d’évolution des potentiels zêta, se situent entre pH 2 et 3 pour les quatre substrats. A pH 12, nous notons une augmentation du potentiel pour la diorite et une diminution pour le granite. Cette baisse du potentiel pour les suspensions de granite provient de la dissolution des silicates [200,201] plus nombreux dans ce substrat. En effet, il est établi que les espèces majoritairement présentes dans la dissolution de la silice en milieu aqueux en fonction du pH sont celles représentées dans le diagramme de la Figure 62. Au-delà de pH 12, les charges négatives augmentent. 

Evaluation de l’adsorption des tensioactifs sur substrats par spectrophotométrie UVvisible 

Etalonnage des phases aqueuses de tensioactifs

Les mesures d’absorbance des phases aqueuses analysées, formulées à différentes concentrations en tensioactif, ont permis de tracer les spectres présentés dans la Figure 63. Les graphiques illustrent les cas de phases aqueuses dont le pH a été fixé à 2. Figure 63. Spectres d’absorbance des tensioactifs A (a) et B (b) établis à pH 2 selon la concentration en tensioactif (en mg/L). Ces spectres laissent entrevoir deux pics : le premier est situé entre 197 et 239 nm pour l’émulsifiant A, et entre 200 et 215 nm pour l’émulsifiant B. Le second pic est centré à 282 nm et 276 nm pour les tensioactifs A et B respectivement. En confrontant ces résultats avec les informations dont nous disposons sur les tensioactifs, nous pouvons attribuer les pics soit à des transitions π→π* des liaisons C=C (le tensioactif B contient une insaturation), soit à des transitions n→σ*, correspondant au transfert d’un électron d’un doublet n issu de l’atome d’azote. Dans le cas des amines, ce transfert se produit vers 220 nm [203]. Pour des sels d’ammonium, le pic d’absorbance est centré à 256 nm [204]. Comparé au premier pic, le deuxième pic évolue de manière proportionnelle avec la concentration et se situe à la même longueur d’onde, quelle que soit la concentration en tensioactif. Ce deuxième pic apparaît donc comme un marqueur pertinent permettant de quantifier la concentration en tensioactif. A partir des données relatives à ce pic, nous avons donc établi les courbes d’étalonnage (cf. Figure 64). Figure 64. Courbes d’étalonnage de l’absorbance des tensioactifs A ((a) et (a’)), et B ((b) et (b’)) à pH 2 respectivement aux longueurs d’onde de 282 et 276 nm. Les courbes d’étalonnage des deux tensioactifs présentent de bons coefficients de corrélation (R2 > 0,99). La spectrophotométrie UV-visible est donc adaptée pour déterminer la concentration en tensioactif résiduel en solution après adsorption de celui-ci sur les granulats. Par la suite, nous y = 0,0028x + 0,0278 R² = 0,9936 0 0,5 1 1,5 2 2,5 3 3,5 4 4,5 0 400 800 1200 1600 Absorbance Concentration (mg/L) a) Hauteur de pic y = 0,1028x + 0,9895 R² = 0,9937 0 25 50 75 100 125 150 0 500 1000 1500 Absorbance Concentration (mg/L) a’) Aire de pic y = 0,0013x + 0,033 R² = 0,9951 0 0,25 0,5 0,75 1 1,25 1,5 1,75 2 0 400 800 1200 1600 Absorbance Concentration (mg/L) b) Hauteur de pic y = 0,0444x + 1,1157 R² = 0,9952 0 10 20 30 40 50 60 70 0 500 1000 1500 Absorbance Concentration (mg/L) b’) Aire de pic Chapitre 3 : Etudes à l’échelle microscopique de l’interaction émulsion-substrat 149 avons choisi de déterminer les concentrations en tensioactif à partir des moyennes obtenues avec les deux modes de calcul (hauteur et aire de pic), puisque ceux-ci donnent les mêmes résultats.

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Isothermes d’adsorption par spectrophotométrie UV-visible

Les mesures d’absorbance sur les échantillons de phases aqueuses, à différentes concentrations initiales et après contact avec les granulats, permettent d’obtenir les concentrations finales à partir des courbes d’étalonnage de la Figure 64. La détermination des quantités adsorbées est faite en déduisant des concentrations initiales les concentrations finales des échantillons. La Figure 65 présente les isothermes d’adsorption des tensioactifs A et B sur la diorite, le granite et la silice. Figure 65. Isothermes d’adsorption par mesure d’absorbance des tensioactifs A et B sur (a) la diorite, (b) le granite et (c) la silice à pH 2. Il apparaît à travers la Figure 65 que les deux tensioactifs s’adsorbent différemment selon la nature du granulat et celle du tensioactif. Du point de vue de la nature des surfactants, les quantités  adsorbées aux faibles concentrations sont identiques et le tensioactif A s’adsorbe plus que le tensioactif B aux fortes concentrations. La quantité adsorbée est plus importante avec la diorite que le granite, et celle adsorbée avec le granite est plus importante que la silice. Ces différences dans les quantités d’adsorption peuvent s’expliquer par la surface spécifique des granulats (cf. Tableau 4). En effet, l’ordre de croissance des surfaces spécifiques évolue dans le même sens que celui de la quantité adsorbée. Plus la surface spécifique est importante, plus la quantité adsorbée l’est également. Cette hypothèse a été vérifiée en soumettant à l’essai d’adsorption des échantillons d’une même nature de granulat, à savoir de silice, mais de granulométrie différente, donc de surface spécifique non identique (cf. Figure 66). Figure 66. Isothermes d’adsorption par mesure d’absorbance du tensioactif B sur la silice selon la surface spécifique. Aux faibles concentrations de tensioactif, les quantités absorbées sur les deux échantillons de granulat sont quasi identiques. Lorsque la concentration augmente, nous constatons que la quantité adsorbée est la plus élevée avec l’échantillon de silice ayant la surface spécifique la plus grande. Les sites d’attraction des tensioactifs se saturent plus rapidement pour l’échantillon de faible surface spécifique, conduisant à un premier palier sur la courbe isotherme correspondant à celle de la concentration en hémimicelle selon le modèle à deux étapes (cf. 3.3.2.2.1), tandis que le phénomène se poursuit avec une surface spécifique plus grande sans palier d’hémimicelle. Dans les deux cas, à l’atteinte de la concentration de 300 mg/L, nous observons un palier ou une chute 0 0,5 1 1,5 2 0 100 200 300 400 500 600 700 800 900 1000 Quantité adsorbée (mg/g).

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