Étude théorique pour l’identification des molécules biologiquement actives
Synthèse chimique
Quelle que soit la complexité du polycycle à créer, la stratégie de synthèse des quinolones consiste à construire progressivement le cycle A, au départ d’une arylamine primaire ou d’un chlorure d’O-chlorobenzoyle convenablement fonctionnalisé, préfigurant le cycle aromatique B[24]. La nature des réactifs mis en œuvre et le mode de création du cycle A permettent de distinguer principalement trois groupes de méthodes.
Méthode de GOULD et JACOB
Le principe de cette méthode, mise à profit par G. LESHER pour synthétiser l’acide nalidixique [25], consiste à condenser une arylamine (1) avec l’éthoxy-méthylène-malonate de diéthyle (EMME)(2) en aniline-méthylène-malonate de diéthyle (3) selon une réaction de Michaël (Figure 1.23). Ce diester éthylique, soumis à un chauffage prolongé vers 250◦C, conduit par cyclisation intramoléculaire aux systèmes bicycliques (4), (5) et (6) qu’il convient d’abord d’alkyler en position 1 (7), puis d’hydrolyser au niveau de la fonction ester en acide carboxylique (8). FIGURE 1.23 – Synthèse de l’acide nalidixique selon la méthode de GOULD et JACOBS. La cyclisation de (3) est réalisée, soit au sein de solvant suffisamment stables à haute température DOWTHERM R , soit en présence d’agents de cyclisation (POCl3, acide polyphosphorique : PPA ou son ester éthylique : PPE) catalysée par divers sels (ZnCl2, NiSO4). L’équilibre tautomère (5)
(6) permet d’expliquer l’obtention par alkylation de dérivés O-alkylés et N-alkylés (7); l’emploi de solvants aprotiques (DMF) et de bases (K2CO3) favorise la Nalkylation recherchée. Par ailleurs, la nature et la position des substituants X et Y sur l’intermédiaire réactionnel (3), oriente la fermeture du cycle. La voie (a) de cyclisation étant dans cette exemple très favorisée, conduit à la quinolone recherchée. Les quinolones de 2eme génération, substituées en position 7 par un groupement pipérazinique, sont obtenues en mettant à profit l’activation de la position 7 par l’ensemble 4-pyridone. La synthèse de l’Ofloxacine(Figure 1.24) utilise les différents réactifs et principes précédemment évoqués : — Construction du cycle supplémentaire (oxacine), au départ d’un synthon préfigurant le 21 Chapitre 1. Généralités sur les quinolones et la résistance bactérienne cycle B; — Création du noyau A; — Substitution du système tricyclique par un reste pipérazinyle N-méthylé. FIGURE 1.24 – Synthèse de la Ofloxacine.
Cyclisation de DIECKMANN
L’intermédiaire (3) obtenu au départ d’O-amino (1) ou o-chlorobenzoate d’éthyle (2), est cyclisé sous l’action d’alcoolates alcalins, la création d’une double liaison en C2-C3 (6) consiste d’abord à bromer le C3 (en alpha des deux carbonyles) (5), puis à éliminer HBr. Une hydrolyse finale de la fonction ester conduit à la quinolone attendue. Cette méthode est surtout intéressante pour obtenir les quinolones dans lesquelles le cycle B est de nature pyridinique ou pyrimidinique : acide pipémidique[26]. — Exemple : X=Y=N dans l’acide pipémimidique 1.5.3 Cyclisation d’une enamine-ester par la méthode de GROHE Ce troisième mode de formation du cycle A permet enfin d’obtenir les quinolones diversement substituées sur l’atome d’azote N1(Figure 1.26)[27]. Ainsi la préparation de la Cipro22 Chapitre 1. Généralités sur les quinolones et la résistance bactérienne FIGURE 1.25 – Synthèse des quinolones selon la cyclisation de DIECKMANN. floxacine, répond au schéma de synthèse de GROHE résumé comme suit : La condensation du chlorure de benzoyle polyhalogéné (1) avec le malonate de diéthyle en présence d’éthylate de magnésium, conduit au benzoylmalonate (2), qui est alors partiellement hydrolysé et décarboxylé au moyen de l’acide p-toluènesulfonique en benzoylacétate d’éthyle (3). Le reflux de ce β-cétoester avec l’orthoformiate d’éthyle, au sein de l’anydride acétique, donne naissance à l’intermédiaire(4) qui est alors traité par la cyclopropylamine. La création du cycle A est obtenue par l’hydrure de sodium au sein du dioxane à reflux et conduit à la quinolone N1 substituée (6), qu’il suffit de condenser à chaud avec la pipérazine. 23 Chapitre 1. Généralités sur les quinolones et la résistance bactérienne FIGURE 1.26 – Synthèse des quinolones selon la méthode de GROHE. 1.6 Propriétés physicochimiques
Les caractéristiques physico-chimiques de Lévofloxacine
Lévofloxacine est un antibiotique de la famille des fluoroquinolones, commercialisé en Europe par le laboratoire Sanofi-Aventis sous le nom Tavanic R . La Lévofloxacine est aussi un bactéricide très efficace sur les bactéries gram-positives et gram-négatives. Son action est d’empêcher la réplication bactérienne en bloquant les enzymes ADN gyrases nécessaires à l’ouverture de la double hélice d’ADN bactérienne, utilisé généralement pour le traitement des infections pulmonaires. Ce composé est stéréo-chimiquement stable c’est-à-dire, ne subit pas des inversions chirales ni dans le plasma ni dans l’urine. L’ensemble de ces propriétés physico-chimiques sont regroupés dans le Tableau 1.2[28]. 24 Chapitre 1. Généralités sur les quinolones et la résistance bactérienne TABLE 1.2 – Les caractéristiques physico-chimiques de Lévofloxacine. Nom chimique Chlorhydrate d’acide1-cyclopropyl-6-fluoro-4-oxo-7- (pipérazine- 1-yl)-1,4-dihydroquinoleine-3-carboxylique monohydraté Formule brute C18H20FN3O4 Masse molaire (g/mol) 361,36 Point de fusion (◦C) 255-257 Solubilité 25,3 g.L −l à 25 ◦C dans l’eau pka 6,1 – 8,7 Description Poudre de coloration jaune claire Médicamentn TAVINIC R
Les caractéristiques physico-chimiques de Ciprofloxacine
La Ciprofloxacine est un antibiotique de synthèse créé et commercialisé par le laboratoire Bayer sous le nom de Ciflox R . Elle appartient à la famille de la deuxième génération des fluoroquinolones. Elle neutralise la réplication des enzymes bactériennes et empêche toutes les multiplications cellulaires. Elle agit sur les ADN gyrases et particulièrement sur la topoisomérase IV. Ces propriétés physico-chimiques sont regroupées dans le Tableau 1.3[29]. TABLE 1.3 – Les caractéristiques physico-chimiques de Ciprofloxacine. Nom chimique acide1-cyclopropyl-6-fluoro-4-oxo-7-piperazin-1- yl-quinoline-3- carboxylique Formule brute C17H18FN3O3 Masse molaire (g/mol) 331,34 Point de fusion (◦C) 255-257 Solubilité 3.10 mg.L −l à 20 ◦C dans l’eau pka 6,09 Description Poudre cristalline de coloration jaune pâle Médicamentn Ciflox R ,Cirolon R etCi f loxin R
Mécanisme d’action des quinolones
Les quinolones sont des inhibiteurs de topo-isomérase de type II (l’ADN gyrase et de l’ADN topo-isomérase IV). La cible principale est la gyrase chez les bactéries à Gram négatif alors que l’action sur les germes à Gram positif est plus particulièrement liée à la topoisomérase IV(Figure 1.27).
Inhibition d’ADN gyrase
Les quinolones exercent une inhibition sélective de la synthèse de l’ADN bactérien, et on sait depuis longtemps qu’une topoisomérase dénommée ADN gyrase constitue une cible intracellulaire des quinolones. Les topo-isomérases sont des enzymes capables de modifier la topologie de l’ADN, c’est- à- dire le degré de torsion de la double hélice : celle-ci peut en effet se trouver dans un état relâché ou bien surenroulé positivement ou négativement (c’est-à-dire, en fait, sous-enroulé) et la gyrase est la seule topo-isomérase bactérienne capable de sur enrouler négativement l’ADN. Elle possède une structure tétramérique, avec deux sous-unités A (GyrA) et deux sous-unités B (GyrB), codées respectivement par les gènes gyrA et gyrB. L’activité enzymatique de la gyrase est ATP-dépendante et peut être décomposée en trois étapes : 1. Coupure double-brin de l’ADN; 2. Passage d’un autre segment d’ADN par la coupure; 3. Refermeture de la coupure. Au moment de la formation de celle-ci, l’ADN et la gyrase sont liés de manière covalente. Les quinolones sont capables de se fixer sur ce complexe covalent ADN- enzyme, le rendant irréversible. La nature précise des interactions moléculaires existant au sein du complexe ternaire ADN-gyrase-quinolone n’est cependant pas bien connue. Le blocage de l’enzyme sur l’ADN empêcherait la progression de l’ADN polymérase bactérienne au cours de la réplication, d’où l’inhibition des synthèses d’ADN et donc de la croissance bactérienne. Mais les quinolones sont des antibiotiques bactéricides, pas seulement bactériostatiques, et d’autres mécanismes doivent entrer en jeu. On pense que les coupures d’ADN double-brin stabilisées par les quinolones constituent des lésions non réparables de l’ADN, capables de déclencher l’activation de certaines synthèses protéiques, responsables de la bactéricidie[30].
Inhibition des ADN topo-isomérases IV
Comme la gyrase, la topoisomérase IV peut passer un double brin d’ADN par un autre double brin d’ADN, modifiant ainsi le nombre de liaison d’ADN par deux dans chaque étape enzymatique. Cette enzyme a été découverte en 1990 chez E. coli[31] et a été retrouvée par la suite chez d’autres espèces bactériennes. Elle a comme la gyrase, une structure tétramérique C2E2 : deux gènes, parC et parE. La topo-isomérase IV semble avoir un rôle spécifique, le désenchevêtrement des ADN fils en fin de réplication. Les quinolones sont capables d’inhiber in vitro et in vivo l’activité de cette enzyme. 26 Chapitre 1. Généralités sur les quinolones et la résistance bactérienne FIGURE 1.27 – Mécanisme d’action des quinolones.
Résistance Bactérienne aux quinolones
La résistance bactérienne aux agents antimicrobiens est un problème d’importance croissante en pratique médicale[32]. La dissémination des bactéries résistantes est à l’origine d’une augmentation considérable de la mortalité, de la morbidité ainsi que du coût des traitements. La résistance aux antibiotiques peut être soit une résistance naturelle ou innée (liée au spectre clinique d’un antibiotique) soit une résistance acquise. La résistance acquise est un problème de santé publique mondiale[33]. Les bactéries font de plus en plus de la résistance, s’adaptent aux thérapeutiques antibactériennes et sont responsables d’échecs de traitement.
Définition de la résistance
Une souche résistante : — La concentration d’antibiotique qu’elle est capable de supporter est nettement plus élevée que la concentration qu’on peut atteindre in vivo; — Supporte une concentration d’antibiotique nettement plus élevée que celle inhibe le développement de la majorité des autres souches de la même espèce; — Pour une souche résistante, il existe une probabilité d’échec thérapeutique quel que soient les traitements et la dose d’antibiotique.
Mécanisme de la résistance bactérienne
Modifications des topoisomérases
Des mutations siégeant en général au niveau des gènes de la gyrase (gyrA ou plus rarement gyrB) et la topoisomérase IV(Figure 1.28), entraînent une élévation des CMI qui concerne, à 27 Chapitre 1. Généralités sur les quinolones et la résistance bactérienne des degrés divers, l’ensemble des quinolones. La fréquence de ces mutations est assez élevée, de sorte que la sélection de mutants résistants au cours d’un traitement par les quinolones est un phénomène courant. Différentes mutations peuvent survenir successivement au niveau des gènes des topoisomérases et entraîner une augmentation de résistance par paliers. Chez les bactéries à Gram négatif, l’ADN gyrase est plus sensible à l’inhibition médiée par les quinolones et les mutations responsables de résistance surviendront d’abord au niveau de gyrA, alors que chez les germes Gram positifs, la topoisomérase IV représente habituellement la cible primaire de l’antibiotique, et les mutations responsables de résistance se produiront d’abord au niveau de parC. En fait, les mutations impliquent des substitutions en acides aminés qui apparaissent dans une région particulière, nommée QRDR (quinolone resistance determining region).
Diminution de la concentration intracellulaire
Il existe chez les bactéries des systèmes permettant d’excréter certains antibiotiques. Ces systèmes jouent un rôle dans la résistance naturelle. Sous l’effet de mutations, leur niveau d’expression peut augmenter et faire apparaître une résistance acquise pouvant toucher simultanément plusieurs familles d’antibiotiques (par exemple fluoroquinolones et β-lactamines). Le phénomène a été décrit surtout chez les bactéries à Gram négatif. La résistance aux tétracyclines est due le plus souvent à l’acquisition d’un gène responsable d’un mécanisme d’efflux. La résistance aux macrolides peut être due à un mécanisme d’efflux.
I ÉTUDE QSAR SUR LES QUINOLONES ET LA RESISTANCE BACTÉRIENNE |