En cette ère de développement des matériaux composites, les matériaux à base de polymère époxy figurent en bonne place dans la recherche en ingénierie des matériaux. Ces composites présentent des avantages importants en raison de leurs propriétés mécaniques supérieures telles que leur rapport résistance-poids élevé, leur haute résistance à l’usure, leur résistance à la corrosion, leur résistance électrique, etc. Les structures composites renforcées par des fibres naturelles communément appelées composites à fibres naturelles (NFC) ont démontré leur potentiel pour remplacer les composites à fibres synthétiques tels que les polymères renforcés de fibres de verre (GFRP). Les NFC sont généralement bon marché, légers, écologiques, non abrasifs, renouvelables, recyclables et biodégradables. De plus, l’incorporation de fibres naturelles comme le lin, le chanvre, le jute, et le coton aux matériaux, leur confère d’excellentes propriétés acoustiques. Parmi celles-ci, les fibres de lin sont les plus résistantes en plus d’être particulièrement économiques et abondamment disponibles sur le marché. Les composites renforcés de fibres de lin sont notamment utilisés dans les parties intérieures des aéronefs et des automobiles (Zimniewska et al., 2013).
Bien que la plupart des pièces en composites soient fabriquées à l’échelle de l’exploitation industrielle, leur usinage s’avère souvent indispensable pour les assembler à la structure principale des pièces. Outre le découpage, le perçage est le processus d’usinage le plus utilisé en industrie pour assembler les composants mécaniques (Mohan & Kulkarni, 2018). Par exemple, dans l’industrie aéronautique, plusieurs panneaux et éléments de structure présentent des trous de fixation afin de recevoir les vis ou rivets pour leur assemblage. Malheureusement, ce procédé d’usinage s’accompagne fréquemment de dommages induits tels que l’arrachement ou la rupture des fibres, la fissuration de la matrice et le délaminage (Haeger et al., 2016).
Le délaminage est un défaut majeur susceptible d’être induit par le perçage des plaques stratifiées minces, particulièrement lorsque le montage d’usinage est de type « flexible », c’està-dire composé d’appuis ponctuels (aucune plaque d’appui « back plate »). Ce dommage entraîne une faible tolérance d’assemblage, une réduction de l’intégrité structurelle et est susceptible d’affecter les performances à long terme des composantes. Dans l’industrie aéronautique, le taux de rejet des pièces composites dans les années 1980, en raison du délaminage induit, atteignait 60 % lors de l’assemblage final (Liu et al., 2012; Stone & Krishnamurthy, 1996; Wang & Melly, 2017). Pour remédier à cette situation, diverses études expérimentales ont été menées afin d’évaluer l’effet des paramètres d’usinage sur le délaminage. Il a été démontré que le facteur de délaminage et la rugosité de la surface dépendent surtout des paramètres de coupe dans le procédé de perçage des composites (Dogrusadik & Kentli, 2017; Feito et al., 2014; Haeger et al., 2016). Cependant, la qualité des trous et les effets des paramètres de perçage des composites renforcés de fibres naturelles (NFRP) ont fait l’objet de peu d’attention.
En outre, l’utilisation de supports prépercés « back plate » supportant les plis inférieurs des plaques permet de réduire le délaminage au maximum (Dransfield et al., 1994; Hocheng & Tsao, 2005). Cependant, ces supports doivent être préalablement usinés suivant le format ou la disposition des trous sur les pièces mentionnées dans le cahier des charges. Il s’agit des configurations de montages dédiés à chaque pièce sur lesquelles sont réalisés des trous entraînant un coût supplémentaire en plus de leur coût de stockage. Pour éliminer ces coûts, comme il existe des supports amovibles à appuis ponctuels réglables (figure 0.1), nous proposons de passer d’un perçage sur montage avec support total soit avec « back plate » à un perçage sur montage avec support partiel soit « sans back plate ». Dans la suite de ce document, le terme « support » fera référence à un support avec plaque d’appui total de type « back plate » et le terme « support partiel » fera référence à une plaque supportée en quatre points, telle la configuration de type montage flexible.
Généralités sur les matériaux composites
Définition de matériau composite
Un matériau composite est un matériau hétérogène formé d’au moins deux constituants non miscibles, disposés selon une organisation géométrique qui confère au composite des propriétés supérieures à celles des constituants pris séparément. D’après Gendre (2011a) et Teti (2002), la grande majorité des composites est constituée de :
– Renforts sous forme de fibres ou de particules, assurant l’essentiel des propriétés mécaniques du composite ;
– Matrice dans laquelle sont noyés les renforts, assurant la cohésion de l’ensemble et le transfert des efforts ainsi que l’essentiel des propriétés autres que mécaniques.
La stratification est l’organisation géométrique la plus rencontrée durant la fabrication des matériaux composites. Dans un composite stratifié, les fibres sont disposées en fines couches empilées les unes sur les autres. Après leur mise en forme, ces couches sont liées entre elles par le biais d’une matrice. Au sein d’un pli, les renforts peuvent avoir n’importe quel type de disposition, pourvu qu’il s’agisse d’une disposition plane (Gendre, 2011b).
Les matériaux composites stratifiés sont conçus pour répondre favorablement à de nouvelles exigences de performance (légèreté, rigidité, dureté et résistance élevée) que ne sont pas satisfaites par les matériaux conventionnels. Selon Teti (2002), les propriétés du composite stratifié dépendent de :
– La nature du renfort et de la matrice ;
– La forme du renfort (tissus, mats, etc.) ;
– La teneur volumique du renfort et de la matrice.
Par rapport aux matériaux conventionnels, les composites stratifiés présentent l’avantage d’avoir une rigidité plus élevée et un meilleur rapport résistance/poids (Abdul Nasir et al., 2018).
Les domaines d’application des composites stratifiés sont très nombreux. Cependant, leur exploitation nécessite une connaissance pointue de leurs propriétés d’usinabilité qui dépendent des propriétés des renforts et de la matrice (Teti, 2002). Dans les sections suivantes, nous nous intéresserons au choix des constituants élémentaires des composites stratifiés, c’est-à-dire à la nature physique de la matrice et des renforts.
Les matrices
La matrice (aussi appelée résine) a comme rôles d’enrober les renforts et de transmettre les efforts dans les différentes directions du matériau composite. De plus, la matrice protège les renforts des agressions extérieures et permet l’obtention de la forme désirée par un procédé de moulage. Les composites sont généralement classés sur la base de la nature de la matrice utilisée lors de leur fabrication. Ainsi, nous distinguons trois grandes familles de composites (Komanduri, 1997; Teti, 2002):
– Les composites à matrice organique (CMO) ;
– Les composites à matrice métallique (CMM) ;
– Les composites à matrice céramique (CMC).
Les CMO sont les composites les plus répandus sur le marché en raison de leur faible coût unitaire dû à leur production en grandes séries. La résine polymère lie les fibres entre elles, transférant ainsi la charge dans les fibres tout en offrant une protection contre les attaques extérieures (Liu et al., 2012). Notons que tous les composites revus dans ce chapitre sont des CMO. Parmi eux, seuls les résines polymères employées dans les CMO nous intéressent dans le cadre de cette recherche. Selon Liu (2012), les deux types de résines les plus utilisées sont :
– Les résines thermodurcissables;
– Les résines thermoplastiques.
Les résines thermodurcissables (Polyesters, phénoliques, époxydes, etc.) ont des propriétés mécaniques élevées et ne sont pas recyclables. Elles se présentent sous forme de liquide visqueux que l’on met en forme en déclenchant une réaction chimique de polymérisation par ajout d’un durcisseur, ce qui entraîne leur solidification (Gendre, 2011a; Gornet, 2008).
INTRODUCTION |