Étude sur l’accès aux soins en milieu précaire
L’accès aux soins se définit comme la facilité plus ou moins grande avec laquelle une population peut s’adresser aux services de soins dont elle a besoin (1). Malgré un bon niveau de santé à l’échelle nationale, il existe en France ce que l’on appelle « un gradient social de santé » (2). Ce phénomène se caractérise par une amélioration des principaux indicateurs de santé au fur et à mesure que l’on monte « l’échelle sociale ». Par exemple, en excluant les étudiants et les personnes retraitées, moins les personnes sont diplômées, plus elles déclarent un mauvais état de santé, des limitations d’activités et des maladies chroniques. De nombreux facteurs sont à l’origine de ces inégalités de santé. On y retrouve les conditions de vie, et notamment de travail, les modes de vie et comportements à risque, l’effet de la structure sociale, le rôle du système de santé et de soins, et certains facteurs nationaux dont les politiques sanitaires et sociales. Le rôle du système de santé dans la réduction des inégalités de santé est de permettre à chacun l’accès à des droits de santé, notamment avec la couverture maladie universelle (CMU). Mais il a également un rôle à travers une information et une orientation adaptées des patients dans les filières de soins, ainsi qu’à travers le développement de protocoles de soins adaptés (3). L’accès aux soins est une préoccupation nationale visant à réduire les inégalités en matière de santé (Stratégie Nationale de Santé 2018-2022). Le deuxième des quatre axes qui la composent est la lutte contre les inégalités sociales et territoriales d’accès à la santé (4). Un des nombreux objectifs nationaux est d’accompagner le recours aux services de santé des personnes vulnérables et plus particulièrement des jeunes. Il s’agit des individus pris en charge par l’aide sociale à l’enfance (ASE) et par la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) ou sortant de ces dispositifs, des jeunes en errance, des mineurs non accompagnés et des mineurs de retour de zone de combat. L’objectif est de répondre à leurs besoins de santé et d’éviter les ruptures dans leurs parcours de santé. Le rapport de 2016 de Médecins du Monde sur l’accès aux droits et aux soins (5) met en évidence un besoin élevé de soins dentaires et de prévention parmi les populations en situation de précarité. Il souligne également qu’il est indispensable d’intégrer la prévention des pathologies bucco-dentaires dans une approche de prévention et d’accès aux droits et aux soins. Certaines maladies générales favorisent l’apparition, la progression ou la gravité de 2 maladies bucco-dentaires et inversement, certaines maladies bucco-dentaires peuvent avoir des conséquences à distance et favoriser l’apparition, la progression ou la gravité de certaines maladies générales (6). Après un rappel du contexte sociodémographique dans les Bouches-du-Rhône et des dispositifs mis en place par l’état, nous détaillerons l’organisation, les missions et le système de soin au sein de la DIMEF. Enfin, une étude sur l’accès aux soins odontologiques et l’état de santé bucco-dentaire des enfants et adolescents confiés à l’ASE et accueillis à la Direction des Maisons de l’Enfance et de la Famille (DIMEF) a été réalisée par l’intermédiaire d’un questionnaire et d’un examen de dépistage bucco-dentaire.
La précarité définit la condition qui résulte de l’absence d’une ou de plusieurs sécurités, notamment celle de l’emploi, permettant aux personnes et aux familles d’assumer leurs obligations professionnelles, familiales et sociales et de jouir des droits fondamentaux. L’insécurité qui en résulte peut être plus ou moins étendue et avoir des conséquences plus ou moins graves et définitives. Elle conduit à la grande pauvreté quand elle affecte plusieurs domaines de l’existence, qu’elle devient persistante et/ou quand elle compromet les chances d’assumer à nouveau ses responsabilités et de reconquérir ses droits par soi-même (7). Un individu est considéré comme pauvre lorsqu’il vit dans un ménage dont le niveau de vie est inférieur au seuil de pauvreté. Le seuil de pauvreté est déterminé par rapport à la distribution des niveaux de vie de l’ensemble de la population. La France privilégie en général un seuil à 60 % de la médiane des niveaux de vie (8), soit à 1 026 euros par mois pour un individu seul (INSEE, 2016). Les inégalités sociales de santé (ISS) peuvent se définir comme les écarts de santé socialement stratifiés et correspondent aux différences observées dans la relation entre l’état de santé d’un individu et sa position sociale (selon des indicateurs comme ses revenus, son niveau d’études, sa profession, etc.). Dans tous les pays où les inégalités sociales sont bien mesurées, chaque catégorie sociale présente un niveau de mortalité et de morbidité plus faible que le groupe social inférieur (9). L’équité en santé renvoie à un jugement fondé sur la valeur de justice sociale. Elle réfère au redressement du caractère injuste d’une inégalité observée dans la distribution d’une ressource qui permet la santé ou dans un état de santé.
La couverture maladie universelle complémentaire (CMU‐C)
La CMU-C est une couverture maladie complémentaire gratuite destinée à faciliter l’accès aux soins des personnes disposant de faibles ressources et résidant en France de façon stable et régulière. Par exemple, pour une personne seule résidant en France métropolitaine, des revenus inférieurs à 8 810 € (15) par an sont exigés pour pouvoir bénéficier de la CMU-C. Elle permet la prise en charge du ticket modérateur sur les honoraires et les actes des soins de santé, les médicaments, les frais d’hospitalisation ainsi que la dispense d’avance de frais auprès des professionnels de santé. La CMU de base a été supprimée depuis la mise en place de la protection universelle maladie (PUMA), le 1e janvier 2016 (16). Cette Protection Universelle Maladie assure aux personnes qui exercent une activité professionnelle en France ou qui résident en France de façon stable et régulière, la prise en charge des frais de santé en cas de maladie ou de maternité, à titre personnel et de manière continue tout au long de la vie. En 2016 dans les Bouches-du-Rhône, 225 834 personnes ont bénéficié de la CMU-C représentant 11,1 % de la population du département
L’aide au paiement d’une complémentaire santé (ACS)
Si les ressources mensuelles du foyer dépassent, dans la limite des 35%, le plafond d’attribution de la CMU-C, il est alors possible de bénéficier de l’aide au paiement d’une complémentaire santé. L’ACS permet au bénéficiaire d’obtenir une réduction sur le coût de sa complémentaire santé. Elle ouvre également le droit au bénéfice de tarifs médicaux sans dépassements et à des montants maximums de dépassement pour certains soins de prothèse dentaire et d’orthodontie. En 2016 dans les Bouches-du-Rhône, 55 070 attestations ACS étaient recensées soit 2,7 % de la population du département (18).
INTRODUCTION |