Etude sur la contribution du programme Ecovillages à la lutte contre les effets adverses du changement climatique
Perception des impacts de la variabilité et du changement climatique par les populations
Face aux variations climatiques, les enjeux sur les systèmes de production agricole et pastorale sont très importants dans le monde rural. L’occurrence d’une seule saison des pluies pour l’année entière, conditionne fortement l’alimentation du bétail et les rendements agricoles. L’agriculture et l’élevage, vitaux pour la population locale, sont étroitement dépendants des caractéristiques de la saison des pluies (dates de démarrage et de fin des pluies, les séquences sèches, l’intensité des pluies et des vents). Ces pluies qui constituent la principale source d’apport d’eau, connaissent des fluctuations importantes, aux conséquences souvent catastrophiques pour les récoltes et les pâturages.
Perception de l’impact de la variabilité de démarrage des pluies
Les populations de la localité de Mbackombel sont unanimes sur le fait que les faux départs des activités agricoles dictés par les premières pluies impactent directement sur les rendements. Dans ce village deux types de stratégies de semis sont adoptés par les paysans : les semis en « sec » et /ou en « humide ». Pour certains, le semi est déclenché par les premières pluies et organisé sur 1 à 2 jours (semi en « humide »), tandis qu’une minorité d’agriculteurs sèment en « sec » c’est-à-dire avant l’arrivé des premières pluies. Selon ces derniers, le démarrage précoce des pluies est propice pour une bonne récolte. Quelque soit la stratégie adoptée, les personnes interrogées précisent que les pluies sont souvent irrégulières avec le démarrage précoce. L’occurrence d’épisodes secs prolongés après les semis en plus de les obliger à ressemer dans certains endroits des champs, compromet le développement des cultures à leur premier stade de croissance. En plus de ce constat de l’intermittence des pluies qui exposent les cultures aux stress hydriques, les agriculteurs contrebalancent les risques de perdre des semences en raison d’un échec de semi et d’une augmentation du temps de travail avec le risque de semis trop tardifs. Par rapport au démarrage tardif des pluies, le constat est qu’il constitue une contrainte majeure pour les agriculteurs et même pour les éleveurs. Ils précisent qu’ils sont dans le désespoir du fait du prolongement de la période de soudure et les animaux n’ont plus rien à manger. Selon un agropasteur, ce manque de fourrage réduit la force de traction animale qui nous contraint de réduire les superficies cultivées. L’exploitation des réponses apportées par les enquêtés fait ressortir que le démarrage tardif peut être suivi de période de sécheresse localisée qui entraine des déficits significatifs de pluies pendant la saison. Cette faible 36 disponibilité des pluies compromet les semis et le développement des cultures. Par ailleurs, les récoltes sont très affectées si la séquence sèche survient au moment des phases de floraison et de remplissage des grains pendant les quelles la plante est très sensible au stress hydrique. Bien que le démarrage des pluies ait des impacts négatifs mais d’après 54,3% des personnes, ce sont les séquences sèches qui surviennent aux cours de la saison qui compromettent plus les productions agricoles selon le degré de développement des cultures.
Perception de l’impact de la variabilité de l’arrêt des pluies
L’arrêt précoce ou tardif des pluies est perçu par les agriculteurs comme des effets néfastes par contre les réponses sont nuancées chez les éleveurs. Pour les agriculteurs, l’arrêt précoce entraine un déficit pluviométrique qui empêche les cultures de terminer leur stade de maturation. De plus, les plantes cultivées sont attaquées par des déprédateurs (insectes et oiseaux) et des ravageurs (vers) entrainant des baisses généralisées des rendements. Selon un des enquêtés, l’arrêt précoce a été constaté cette année (2012), ce qui fait que la qualité de la récolte est mauvaise et les rendements très faibles. « Cette situation va nous plonger très tôt dans la période de soudure et les prix des denrées seront très élevés sur le marché. On risque de beaucoup souffrir cette année » dit-il. Concernant l’arrêt tardif, il cause aussi des dégâts importants sur les récoltes précisent les populations. D’après ces dernières, lorsque l’arrêt des pluies est tardif, il ya une levée de dormance (germination des graines) et une destruction des récoltes par les pluies et les attaques multiples. Les résidus de cultures (paille de mil, fane d’arachide etc.) sont en mauvais état. Pour les éleveurs, l’arrêt précoce des pluies entraine une faible disponibilité du fourrage et un assèchement rapide des points d’eau. Ce déficit pluviométrique affectant les pâturages va stimuler le déplacement précoce du cheptel vers d’autres horizons. Bien que l’arrêt tardif ait beaucoup d’avantages sur le maintien de la couverture herbacée et le remplissage des mares, il cause souvent la morbidité du bétail. C’est pourquoi certains éleveurs disent préférer l’arrêt précoce des pluies à celui tardif. 5.1.2.3. Perception de l’impact de la variabilité des pluies fortes et faibles Les pluies sont bien appréciées par les agropasteurs pendant la saison des pluies mais elles restent menaçantes et parfois causent des dégâts si leurs intensités sont élevées. De nombreux pieds de maïs, de sorgho et de mil sont couchés et parfois cassés si les plantes sont 37 bien développées informent certains. Quand il ya trop d’eau suite à une forte pluie au début des semis, certains affirment qu’à certains endroits, le sol est lessivé et les graines semées sont ainsi déplacées. Par conséquent, le travail est à refaire. Par ailleurs, d’autres précisent que lorsque les pluies sont abondantes, la terre est gorgée d’eau et devient très lourde pour être travaillée. Cependant, les activités sont pour la plupart suspendues dans les champs et ceci a pour conséquence la prolifération de l’herbe qui compromet la bonne croissance des plantes. Les éleveurs entendus, précisent que les pluies fortes permettent le bon remplissage des mares et la disponibilité du fourrage mais à l’opposé causent la morbidité du bétail et leur divagation. Pour ce qui est des pluies faibles, elles causent beaucoup plus de dégât que celles abondantes. Selon les personnes interviewées, la faiblesse de la pluviométrie et la très grande disparité de la disponibilité de l’eau, sont des contraintes majeures au développement des activités de base. Le déficit pluviométrique entraine la réduction des conditions de croissances des cultures et on observe le ramollissement du mil et le durcissement de l’arachide. « On récolte presque rien et l’installation d’une période de soudure précoce au mois d’avril sera mal supportée » raconte un vieux paysan. Les propos recueillis auprès des éleveurs sont le tarissement rapide des sources d’abreuvement, une faible disponibilité de la strate herbacée et une transhumance anticipée. Ils poursuivent que lorsque la saison des pluies est mauvaise, les vaches ne sont pas trop fertiles et les bœufs ne sont pas assez forts pour s’accoupler et par conséquent cette saison est perdue d’avance (nombre de naissances inférieur à la normale, faible productivité en lait).
Perception de l’impact des vents forts sur les productions, sur les habitats et sur la santé des populations
Les réponses apportées par rapport à l’impact des vents forts sont multiples. En effet, les personnes âgées, de par leur expérience comme c’est le cas d’un vieux agropasteur interrogé, affirment que les vents de nos jours soufflent dans tous les sens et sont actuellement beaucoup plus désastreux alors qu’il y a plus de 20 ans passés, ils étaient unidirectionnels (venant d’Est) et causaient moins de problèmes. Les vents forts posent des problèmes tout aussi dramatiques que les pluies précisent certaines personnes. En période de semis, ils emportent le sable et mettent à nu les graines qui sont exposées au soleil et aux ravageurs. Par ailleurs, si les cultures sont développées, ils peuvent entrainer la cassure des tiges et une perte d’inflorescence pendant la floraison empêchant ainsi la bonne germination des plantes. Par contre d’aucuns pensent que l’effet des vents forts n’est pas toujours néfaste puisqu’il est 38 source d’apport de sable et de nutriments sur les pieds des cultures favorisant une bonne fixation et une croissance rapide. Enfin, pour ce qui est de leurs impacts sur les activités pastorales, certains pasteurs précisent que les vents forts sont à l’origine de l’ensablement des mares et causent la divagation du bétail et leur immobilisme au point de stopper l’activité. En plus d’être désastreux sur les systèmes de production, les vents provoquent d’autres dégâts importants. En milieu rural, les habitations sont pour la plupart en case entourée de clôture en paille et en bois (photo 10). Photo 10- Habitation en paille et en bois à Mbackombel Auteur : A.LY, 2012 Les vents forts entrainent leurs destructions et sont en général des facteurs de propagation des feux de brousse qui détruisent les habitations, les récoltes et d’autres biens. Les populations précisent qu’ils sont à l’origine des maladies (maladies infectieuses, rhume, maladies des yeux), de la dégradation du couvert végétal par le déracinement des arbres et l’érosion des sols.
Perception des conséquences de la sécheresse sur le bétail
Au niveau de l’exploitation paysanne de la zone étudiée, l’animal occupe un statut économique important parmi les facteurs de production. Il présente un capital durable dans les ressources traditionnelles et dans le processus de production de viande et de lait. Il joue aussi un rôle essentiel dans la disponibilité en travail et entretient des rapports très étroits avec la terre qui supporte la végétation dont il tire sa subsistance. Cependant, tous considèrent que les conséquences de la sécheresse peuvent mettre en cause les complémentarités techniques entre agriculture et élevage et se traduisent à moyen terme par une diminution des effectifs du bétail et de la fertilisation animale. « Les animaux sont en mauvais états physique et sont vulnérables aux maladies et à la faim » précise un vieil éleveur. Les personnes entendues ont 39 identifié comme conséquences, une dégradation des surfaces de pâturage (faible disponibilité des fourrages en quantité et en qualité, assèchement des points d’eau), un mauvais état physique du bétail et une réduction de leur productivité (nombre de naissances faible et la production de lait est inférieur à la normale). Avec l’état physique fragilisé des animaux, les termes d’échange sur les marchés du bétail sont défavorables aux éleveurs et crèvent davantage leur pouvoir d’achat. La variabilité climatique n’est pas une chose nouvelle pour les agropasteurs du monde rural. Ils l’observent depuis plusieurs décennies et établissent un lien étroit entre l’évolution de certains paramètres climatiques et leurs moyens de subsistance. Ceci a été prouvé par Portère (1952) qui a démontré que le rendement est réduit de moitié si la pluie recueillie entre le semis et la récolte passe de 700 à 400 mm en zone sahélienne. Il ressort de l’analyse de la pluviométrie, qui est un élément clé dans l’évolution de la variabilité climatique au Sahel, une diminution des quantités de pluies autour des années 1970. Ces résultats sont corroborés par les études de Marzouki (2010), de Mbow et al. (2008) et de Sène (2007). Les paysans considèrent que si l’abondance des pluies est le facteur climatique principal de l’agriculture pluviale, sa répartition est aussi importante, car c’est cela qui pose le problème du risque de déficit hydrique auquel les plantes cultivées font face depuis quelques décennies. La durée de la saison humide constitue donc un facteur climatique important, dans la mesure où elle conditionne la réussite de culture pratiquée en condition pluviale (Diop, 1999). Dans la réalité, les villageois ont une connaissance traditionnelle des étapes de croissance et de développement des cultures, et leur lien avec les paramètres climatiques (Okoma, 2009). Cette appréhension paysanne de l’impact du climat sur les cultures est vaste et traditionnelle. Pour les éleveurs, les fluctuations de la pluviométrie de l’intensité de la pluviométrie, de l’intensité des vents forts et de la température ont aussi des impacts négatifs sur le bétail.
Partie 1 : Contexte, Problématique et Objectifs |