Etude spectroscopique des espèces aromatiques

Etude spectroscopique des espèces aromatiques

Etude du benzène

Données spectroscopiques sur la fluorescence du benzène

Le benzène est un hydrocarbure aromatique monocyclique (HAM) de symétrie D6h possédant 30 modes normaux de vibration dont 10 sont des modes doublement dégénérés. La représentation de ces modes de vibration est disponible dans les travaux de Stephenson et al. [Stephenson1984a]. Le choix de la transition excitée pour la détection du benzène issu du prélèvement repose sur un compromis entre une excitation suffisamment intense de manière à obtenir une sensibilité suffisante de détection de cette espèce en condition de flamme tout en ayant une structure des spectres d’excitation et de fluorescence assez résolue afin de permettre une mesure sélective de cette espèce dans le mélange de gaz. Le Tableau VI.1 présente un récapitulatif des niveaux d’énergie relatif aux transitions électroniques entre l’état fondamental et les premiers états excités singulets et triplets du benzène provenant de diverses sources bibliographiques.Au vu du tableau, trois transitions singulet-singulet sont potentiellement utilisables pour la détection du benzène. L’intensité du signal de fluorescence et donc la sensibilité de la mesure dépend en partie de la probabilité de transition entre les deux états électroniques qui est mesurée par la force d’oscillateur de la transition fosc. Les valeurs de forces d’oscillateur de trois premières transitions S1 ← S0, S2 ← S0 et S3 ← S0 sont données dans une étude récente de Miura et al. [Miura2007] et sont respectivement fosc = 1,3.10-3, 9.10-3 et 9.10-1. Ces auteurs précisent que les deux premières transitions sont des transitions interdites par symétrie. Cependant des transitions sont possibles du fait du couplage entre les fonctions d’onde électroniques et vibrationnelles. Les transitions S2 ← S0 et S3 ← S0 seraient donc les plus favorables en termes de sensibilité pour la mesure du benzène. Cependant, outre le fait que les longueurs d’onde d’excitation des bandes S2 ← S0 ou S3 ← S0 sont difficilement accessibles avec les lasers à disposition au laboratoire (∼ 200 et 180 nm respectivement), la résolution spectrale offerte par ces deux transitions est bien moins bonne que celle atteignable par l’excitation de la transition S1 ← S0. Le benzène étant une espèce respectant la règle de Kasha, l’émission de fluorescence a donc lieu toujours entre les états S1 et S0. Le spectre de fluorescence obtenu pour ces trois excitations sera donc dans la même gamme de longueur d’onde. Cependant, la structure spectrale sera plus ou moins résolue selon la transition excitée car la structure du spectre de fluorescence dépend sensiblement de l’énergie en excès ∆E apportée par rapport à l’origine de la transition électronique S0 ← S1. En effet, l’excitation du benzène avec un excès d’énergie supérieur à ∆E = 3000 cm-1 met en évidence une rapide dégradation de la structure spectrale provoquée par une soudaine augmentation des processus non radiatifs. Cette nouvelle voie de désexcitation non radiative appelée channel three (canal 3) a été observée par Callomon et al [Callomon1972] l’interprétant d’abord comme un phénomène de prédissociation du benzène. Cette hypothèse ayant été invalidée du fait de l’absence de formation d’hydrogène lors d’une irradiation prolongée, un changement au niveau des mécanismes de relaxation non radiative par IC, ISC et VR est évoqué [Stephenson1984b], [Longfellow1998]. La conséquence de la présence de ce nouveau canal du benzène est d’une part un soudain élargissement spectral [Longfellow1988] et d’autre par une diminution sensible du rendement quantique de fluorescence du benzène (de 0,18 pour ∆E =2367 cm-1 à 0,0025 à ∆E = 3290 cm-1) [Sumitani1983]. En conséquence, l’étude de la fluorescence du benzène pour des longueurs inférieures à 240 nm s’avère compromise dans nos conditions d’étude en termes de sensibilité. Ainsi, nous avons choisi l’excitation de la transition électronique S1 ← S0 essentiellement pour les raisons suivantes : – La structure spectrale présente une résolution satisfaisante en excitation et émission afin de bien caractériser le benzène en condition de flamme. – La raie d’excitation est suffisamment intense au regard des quantités de benzène présentes dans nos conditions de flamme. – La transition électronique est très étudiée dans la littérature permettant une bonne identification des raies d’excitation et d’émission facilitant la comparaison de nos résultats avec ceux de la littérature [Callomon1966], [Pantos1978] et donc l’identification certaine de l’espèce. – la transition dont la longueur d’onde est accessible avec la source laser utilisée contrairement aux deux autres transitions citées. La Figure VI.1 représente un exemple de spectre d’excitation de fluorescence de la transition S1 ← S0 du benzène. Le spectre est constitué de plusieurs raies intenses, caractéristiques de la molécule et correspondant aux bandes vibrationnelles de la progression n 0 1 601 (n = 0, 1, 2, …). Dans le cadre de cette étude, nous avons évidemment choisi d’exciter la raie la plus intense de manière à optimiser la sensibilité du dispositif soit la transition S1 ( 1B2u)← S0 (1A1g) 1 0 1 016 à 39530 cm-1 (soit à 252,97 nm) située à 1444 cm-1 au dessus de l’origine de la transition.

Analyse spectrale du benzène

Spectre d’excitation de fluorescence

Avant de réaliser la détection du benzène provenant du prélèvement dans une flamme, plusieurs investigations ont été réalisées à partir de benzène pur dilué dans de l’azote afin de vérifier les caractéristiques spectroscopiques de cette espèce en condition de jet supersonique. Pour cela, nous avons réalisé la mesure du spectre d’excitation du benzène dans une gamme spectrale aux alentours de la transition S1 ( 1B2u) ← S0 (1A1g) 1 0 1 016 à 252,97 nm. Nous avons collecté la fluorescence par le biais de notre spectromètre dans une gamme spectrale centrée à 261 ± 4 nm, conditions de collection identiques à celle de [Knight1975]. La Figure VI.2 représente le spectre d’excitation de fluorescence du benzène mesuré à pression atmosphérique et température ambiante [Hollas2003] avec celui obtenu dans nos conditions de jet supersonique. La simplification spectrale provoquée par le dépeuplement des plus hauts niveaux d’énergie de la molécule au profit des bas niveaux d’énergie est bien mis en évidence sur cette figure. En condition de jet supersonique, la structure spectrale mesurée autour de 253.nm (zoomé sur l’encart de la Figure VI.2) se simplifie de manière drastique par rapport au spectre de benzène mesuré à 300 K. Grâce à ce spectre il a été possible par calcul de déterminer la température rotationnelle du benzène au sein de l’expansion supersonique. L’intensité d’une transition rovibronique est donnée par la relation suivante [Riedle1989], [Kamphus2002] : I KJ = C ν′′A JK ′′′′ J.2( ′′ + g)1 JK ′′′′ exp(− E JK ′′′′ kb )T équation VI-1 avec C : la force de la transition vibronique (constant pour une transition donnée) ν » : le nombre d’onde de la transition (cm-1) [Herzberg1966b] AK »J » : le facteur de Hönl-London [Herzberg1966b] g K »J » : la dégénérescence de spin nucléaire [Wilson1935], [Weber1980] E K »J » : l’énergie des niveaux rotationnels initiaux (J) [Riedle1989] Le terme exp(− E JK ′′′′ kb )T correspond au facteur de Boltzmann relatif à la population de l’état initial. Tous ces paramètres sont calculés en considérant les règles de sélection ∆J = -1, 0, +1 correspondant aux branches rotationnelles P, Q et R. Chaque état rotationnel de l’état  6 est divisé en deux moments angulaires vibrationnels –l et +l correspondant à la règle de sélection ∆K = ±1 [Callomon1966]. Le spectre d’excitation simulé a été calculé en choisissant une résolution spectrale correspondant à nos conditions d’excitation laser, soit une largeur spectrale à mi hauteur de 0,15 cm-1. La température rotationnelle a été déterminée par ajustement du spectre expérimental et du spectre simulé jusqu’à obtenir la meilleure concordance possible entre ces deux spectres. La comparaison de ces deux spectres est présentée sur l’encart de la Figure VI.2. Nous avons ainsi déterminé une température rotationnelle de 90 ± 10 K pour le benzène à notre point de mesure dans le jet, valeur proche de celle calculée par la théorie du gel soudain (cf. chapitre III).

Spectre d’émission de fluorescence 

Nous avons également réalisé la mesure du spectre d’émission de fluorescence du benzène dilué dans de l’azote et nous l’avons comparé au spectre d’émission de fluorescence obtenu par Knight et al. pour la même excitation [Knight1975]. La comparaison des deux spectres est présentée sur la Figure VI.3. Nous notons ainsi un bon accord entre les deux spectres faisant apparaître chacun les progressions 1 n 1 0 16 et 1 n 1 2 16 . Néanmoins, notre spectre fait apparaître des structures spectrales un peu plus larges provenant sans doute des différences de conditions expérimentales de collection (type de spectromètre, ordre de diffraction,…) offrant une meilleure résolution spectrale dans leur étude. Ainsi, la structure bien spécifique des spectres d’excitation et d’émission de fluorescence du benzène dans nos conditions de jet offre une double sélectivité qui permet d’envisager la détection de ce composé en condition de flamme. La Figure VI.4 présente les spectres d’émission de fluorescence du benzène pour différentes hauteurs au dessus du brûleur, comparés à un spectre de fluorescence du benzène dilué dans de l’azote (fraction molaire de l’ordre de grandeur de celles rencontrées dans la flamme). La résolution spectrale est moindre que celle obtenue sur la Figure VI.3 du fait de l’ouverture plus importante de la fente d’entrée du spectromètre afin d’optimiser la collection des photons de fluorescence issu du jet. Grâce à ces spectres, nous avons pu nous assurer de l’absence d’interférences spectrales avec d’autres espèces tout le long de la hauteur de la flamme et confirmer l’excellente sélectivité de notre dispositif pour la mesure du benzène en condition de flamme.

 Mesure de la décroissance temporelle du signal de fluorescence 

Nous avons également procédé à la mesure de la décroissance temporelle du signal de fluorescence du benzène après excitation de la transition 1 0 1 016 . Un exemple de décroissance obtenue est présenté sur la Figure VI.5. La décroissance du signal de fluorescence est de type monoexponentiel, caractérisée par un temps de vie de fluorescence correspondant de 75 ns, valeur très proche de celles issues de la littérature, présentées dans le Tableau VI.2.Notre valeur est légèrement inférieure à celles mesurées en condition de jet supersonique par [Riedle1989] (τeff = 80 ns) et [Stephenson1984b] (τeff = 82 ns). Cet écart de valeur de temps de vie est probablement lié à un refroidissement plus efficace dans leur condition de jet (Trot = 7,6 K pour [Riedle1989]) garantissant une absence totale de collision.  Notons que la durée de vie radiative du benzène de 414 ns, bien supérieur à valeurs mesurées par ces auteurs en jet supersonique (en absence de collision) indique qu’une part importante du transfert d’énergie s’effectue par le biais de relaxations non radiatives (IC, ISC,…). Ainsi, au regard de cette mesure, nous pouvons donc conclure quant à la quasi-absence de collision au point de mesure dans notre jet supersonique. En d’autres termes, la mesure du signal de fluorescence du benzène ne sera pas ou peu affectée par le quenching des autres espèces présentes dans le mélange de gaz prélevé. 

Application de la méthode pour la mesure de profil de fraction molaire du benzène en condition de flamme

Conditions d’obtention du profil du benzène

La mesure du profil de fraction molaire du benzène a été réalisée en suivant la fluorescence induite par l’excitation de la transition S1 ( 1B2u) ← S0 (1A1g) 1 0 1 016 à 252,97 nm qui correspond à la transition la plus intense. Pour chaque distance par rapport au brûleur dans la flamme, nous avons réalisé l’acquisition du spectre d’émission de fluorescence du benzène grâce à la caméra ICCD. Le signal de fluorescence mesuré correspond à l’intégration mathématique du spectre de fluorescence sur une gamme comprise entre 240 et 320 nm et ceci pour chaque hauteur dans la flamme. Le signal de fluorescence ayant une durée plus longue que le signal de diffusion du laser dans la chambre (10 ns), nous pouvons isoler le signal de fluorescence en appliquant un délai sur la caméra ICCD, afin de ne recueillir que la fluorescence du benzène provenant des molécules de benzène.

Calibrage des signaux de fluorescence 

Afin de relier la fraction molaire de benzène au signal de fluorescence, nous avons effectué une phase d’étalonnage de ces signaux grâce à la procédure décrite dans le chapitre IV. Chacun des profils de fluorescence a été calibré directement après leur mesure dans la flamme afin d’être exactement dans les mêmes conditions expérimentales de mesure (longueur d’onde laser, énergie laser, condition de collection de la fluorescence). De cette manière, nous pouvons ajuster précisément la droite d’étalonnage sur les valeurs de signaux de fluorescence mesurés en condition de flamme. Un exemple de courbe d’étalonnage est représenté sur la Figure VI.6.Cette courbe de calibrage souligne la bonne linéarité du signal de fluorescence sur une large gamme de fraction molaire. Grâce à cette technique, il est possible de quantifier les signaux de fluorescence du benzène sur une vaste gamme de fraction molaire allant de  quelques ppm à plusieurs centaines de ppm, ce qui correspond à la gamme de concentration de benzène rencontrée dans nos conditions de flamme. 

Profils de fraction molaire de benzène

 Les profils de fraction molaire du benzène ont été mesurés dans la flamme CH4/O2/N2, à φ = 2,32 pour trois conditions de pression (P = 140, 160 et 200 Torr) et à P = 200 Torr pour trois conditions de richesse (φ = 1,82, 2,05 et 2,32). Les profils sont mesurés dans les mêmes conditions expérimentales de prélèvement à savoir une pression dans la ligne d’extraction de 10 Torr et une pression dans la chambre d’analyse autour de 6.10-3 Torr. Les profils obtenus dans le cadre de ce travail seront présentés dans le chapitre suivant. La Figure VI.7 présente les profils de fraction molaire du benzène mesurés dans les flammes [φ = 2,32, P = 200 Torr] et [φ = 1,82, P = 200 Torr], cette dernière condition de flamme présentant les plus faibles concentrations en benzène mesurées. 

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