ÉTUDE RÉTROSPECTIVE DES CAS DE PALUDISME DÉPISTÉS
DEFENSES DE L’HÔTE
Immunité Après plusieurs années d’infections répétées par le Plasmodium, l’hôte peut acquérir une immunité, appelée prémunition (annexe 3). On constate une grande variabilité des réponses à l’infection palustre entre des individus vivant dans les mêmes zones d’endémie. Dans des régions où la transmission est forte, une grande proportion des enfants est souvent porteur de parasites de P. falciparum sans développer les symptômes de l’infection : c’est l’immunité clinique. Ainsi avec l’âge et les contacts successifs avec le parasite, il s’installe peu à peu cette prémunition, qui fait appel à des mécanismes de résistance à l’infection parmi lesquels les interférons (IFN) (métabolisées et excrétées, entre autres, par le foie) jouent un rôle majeur dans l’immunité antiparasitaire. On parlera, alors, de tolérance à l’infection ou d’immunité anti- parasitaire. Cependant cette immunité disparait en l’absence de contacts fréquents avec le parasite (entre 12 et 24 mois si le sujet quitte la zone d’endémie) [30]. De plus elle n’est pas stérilisante car il n y a jamais disparition totale des parasites de P. falciparum en l’absence de traitement.
Facteurs génétiques
Des facteurs génétiques peuvent jouer un rôle dans la protection contre le paludisme. La majeure partie des facteurs qui ont été identifiés sont associés aux globules rouges : l’exemple le plus illustratif est la drépanocytose ou anémie falciforme (aussi appelée hémoglobinose S, ou Sicklémie). Elle illustre parfaitement l’apport de la prédisposition génétique dans la protection contre le paludisme car la modification dans la chaîne ß de l’hémoglobine, responsable de l’hémoglobinose S, entraîne une déformation des globules rouges (annexe 4), ce qui produit des hétérozygotes qui protègent mieux contre le paludisme. En raison de la résistance qu’elle procure contre les formes graves de paludisme, les génotypes hétérozygotes (HbA/HbS) subissent une forte pression de sélection et présentent une prévalence élevée chez les populations africaines vivant en zone d’endémie [30].Outre ceux qui sont liés à des anomalies génétiques du globule rouge, les facteurs génétiques qui ont été les plus étudiés dans la survenue du paludisme et des formes graves sont situés au niveau du complexe HLA du chromosome 6. La majorité des résultats obtenus avec des polymorphismes de ce complexe proviennent d’une seule étude cas/témoin réalisée en Gambie. En effet cette étude a regroupé environ 600 enfants (< 10 ans) avec un paludisme grave (1/3 d’anémie sévère et 2/3 de neuropaludisme) et environ 1400 témoins comportant des enfants hospitalisés pour une cause autre que le paludisme, des enfants infectés par P. falciparum sans manifestations graves, et des individus sains (18). Des analyses ont montré que les allèles HLA-A22 et B14 sont plus fréquents dans le paludisme grave et HLA-A24 est associé au neuropaludisme. De même l’analyse a mis en évidence, de façon évidente, un effet protecteur d’un antigène de classe I, HLA-B-53 (et à un degré moindre d’un antigène de classe II, HLA-DRB1*1302), dont la fréquence était plus basse parmi les cas de paludisme sévère (15,7 %) que parmi les différents groupes de témoins (de 23 % à 25 %). Le mécanisme immunologique de cette protection HLA-B53 serait lié à la présentation d’un antigène spécifique des sporozoites hépatiques aux cellules T cytotoxiques, une présentation restreinte par le HLA-B53 [8]. Ce rôle protecteur a été retrouvé chez les Peuls du Burkina Faso, qui ont moins de deux attaques de paludisme avec des niveaux plus élevés d’anticorps antipaludiques que les groupes ethniques voisins [29]. Par contre les associations HLA-B53 et HLA-DRB1*1302 n’ont pas été retrouvées dans une étude réalisée par le même groupe au Kenya [7].
TRAITEMENTS
Anciens traitements
Pendant longtemps, les traitements faisaient appel à la chloroquine, la quinine et sulfadoxinepyriméthamine (SP) et dans une moindre mesure la méfloquine, l’amodiaquine et la doxycycline. Ces molécules furent des armes très efficaces pour lutter contre les parasites du paludisme mais leur prescription sans contrôle a favorisé l’émergence de souches résistantes. Cette résistance est due en majeur partie à l’allèle mutant PfCRT K76T (Plasmodium falciparum Chloroquine Resistance Transporter) [17] (Annexe 5). La chloroquine, qui fut le premier anti-malarique de synthèse, a longtemps été administrée en priorité pour soigner les patients. En effet, le parasite, en se nourrissant de l’hémoglobine, divise celle-ci en acides aminés produisant de la ferritine, un fer toxique. Pour éviter cet effet toxique de la ferritine, le parasite transforme cette dernière en cristal inerte qu’il stocke dans sa vacuole digestive. Ainsi la chloroquine, en pénétrant la cellule infectée, stoppe cette transformation protectrice de la ferritine en cristal inerte, faisant accumuler le fer toxique. Le parasite est ainsi tué par ses propres déchets. La chloroquine est un médicament qui a présenté de nombreux avantages, notamment son faible coût et l’absence d’effets secondaires. Mais cinq ans seulement ont suffi pour que des souches résistantes apparaissent. On adapte alors le traitement en recourant à un Page 12 Étude rétrospective des cas de paludisme dépistés au Centre d’Analyse de Biologie Médicale (C.A.B.M.) du Centre Hospitalier Abass NDAO (CHAN) de janvier à juin 2011. _Mémoire de Master II en Parasitologie, FST- UCAD, 2011 _ « médicament de 3e intention » : la quinine, administrée per os dans les cas bénins ou par perfusion dans les cas aigus. Mais, ces traitements sont aussi confrontés à de nouvelles résistances de la part du parasite [30]. I-6-2) ACT (Artemisinin-based combination therapy) Depuis 2002, l’OMS a préconisé et publié une série de recommandations pour palier les cas de résistance aux antipaludéens classiques observés, dont ceux cités au chapitre précédent. Elle a ainsi recommandé l’introduction de polythérapies pour remplacer les monothérapies dans le traitement du paludisme et a préconisé le recours à des associations médicamenteuses. L’OMS avait surtout préconisé, et en particulier, le recours à des associations médicamenteuses contenant des dérivés d’artémisinine [30]. Ainsi en 2006 [14], les seuls traitements véritablement efficaces sont les ACT, tous obligatoirement génériques. Cependant ces traitements ACT, recommandés par l’OMS, restent encore chers et donc inaccessibles pour de nombreux pays en voie de développement. Malgré les résultats significatifs observés avec les ACT, deux études indépendantes effectuées en 2009, au Cambodge et en Thaïlande, ont montré, pour la première fois, une augmentation significative de la résistance in vivo à l’artémisinine. Cette résistance apparait aussi bien en mode monothérapie ou en bithérapie (associée à la méfloquine) et ce, probablement en conséquence de pratiques et de traitements peu corrects. Cette résistance in vivo est d’ailleurs indépendante des mutations du gène PfMDR1, P. falciparum multidrug-resistance gene. Une mise à jour des recommandations OMS a été éditée en mai 2010
PREVENTION
Les méthodes utilisées pour protéger les habitants des zones endémiques et pour empêcher la maladie de se répandre reposent sur : la prophylaxie par la prise de médicaments, l’interruption de la transmission par la prévention contre les piqures de moustiques et leur éradication. La diminution de la mortalité peut être obtenue par une chimiothérapie correcte, après un diagnostic posé proprement. Par contre la diminution de la morbidité repose sur une chimioprophylaxie chez les groupes à risques, sensibles à l’infection (femmes enceintes, enfants et immigrés). Cependant chez les enfants la lutte contre les moustiques est primordiale. La distribution des doses prophylactiques est difficile à organiser et la période pendant laquelle ils devraient recevoir le traitement est relativement longue [31]. En effet, l’innocuité des répulsifs n’est pas établie avant l’âge de 2 ans. Il est recommandé d’éviter les risques de piqûre de moustique après le coucher du soleil, notamment en plaçant les lits et berceaux, la nuit, sous des moustiquaires imprégnées d’insecticide. Page 13 Étude rétrospective des cas de paludisme dépistés au Centre d’Analyse de Biologie Médicale (C.A.B.M.) du Centre Hospitalier Abass NDAO (CHAN) de janvier à juin 2011. _Mémoire de Master II en Parasitologie, FST- UCAD, 2011 _ La diminution de la transmission ne peut être obtenue que par la lutte contre les anophèles vecteurs : par une réduction de la densité vectorielle et de la longévité et du contact homme-vecteur. Face à l’apparition de la résistance des Plasmodiums aux médicaments antipaludéens classiques que nous avons cités précédemment, il existe aussi des cas de résistance notoire des vecteurs aux insecticides utilisés dans la lutte anti-vectorielle. Donc l’orientation vers de nouveaux moyens de lutte s’impose : la vaccination occupe une place importante dans cette lutte et la recherche d’un vaccin curatif contre le paludisme est entrain d’être menée activement [31].
INTRODUCTION |