Etude prospective du cas des eaux usées épurées
Risques et dangers sanitaires de l’utilisation des eaux usées
Les eaux usées constituent un puissant vecteur d’agents bio-pathologique (parasites, bactéries et virus) et chimiques (métaux lourds surtout) issus de l’activité humaine et/ou industrielle; à ce titre, l’impact de leur rejet serait très remarquable particulièrement dans les zones d’épandage. Les risques sur la santé publique et animale sont provoqués par des pathologiques qui peuvent être transmis directement lors du contact direct avec les eaux usées, ou indirectement par la consommation de cultures irriguées avec ces eaux usées, ou encore par des produits d’origine animale.
Notion de risque
Trop souvent, l’isolement des agents pathogènes à partir des cultures, du sol ou de l’eau d’irrigation est considéré comme indicateur d’un risque potentiel pour la santé de ceux qui entreraient en contact avec l’élément contaminé. Parfois, l’isolement même d’un germe non (ou exceptionnellement) pathogène, mais utilisé comme marqueur usuel de contamination (par exemple : Escherichia coli), suffit pour considérer que le risque est réel (Prost et Boutin, 1989). Selon Prost et Boutin (1989), on distingue trois niveaux de risque : − Le risque théorique ou potentiel, − Le risque expérimental, − Le risque réel.
Danger microbiologique
Le danger infectieux peut être estimé par la prévalence qui s’exprime par le pourcentage, relatif à un certain temps donné, des individus infectés dans une population. Elle donne la fréquence de la maladie au sein de la population. La détermination de la prévalence donne une information importante sur les mesures préventives à prendre, car, le danger microbiologique est dû aux agents pathogènes véhiculés par les eaux usées (parasites, bactéries et virus). Thèse : Stratégie de mobilisation des ressources en eau non conventionnelle. Approche méthodologique : Etude prospective du cas des eaux usées épurées de la ville d’Annaba
Agent bio-pathologique dans les eaux usées :
Protozoaires
Les protozoaires sont des organismes unicellulaires munis d’un noyau, plus complexes et plus gros que les bactéries. Les protozoaires pathogènes sont des organismes parasites qui se développent aux dépens de leur hôte; certains protozoaires adoptent au cours de leur cycle de vie une forme de résistance, appelée kyste, sous cette forme ils peuvent généralement résister aux procédés de traitements des eaux usées. 2.2.1.2. Les helminthes : Les helminthes sont des vers multicellulaires; comme les protozoaires, ils sont majoritairement des organismes parasites; leurs œufs d’helminthes sont très résistants et peuvent notamment survivre plusieurs semaines voire plusieurs mois sur les sols ou les plantes cultivées. La concentration en œufs d’helminthes dans les eaux usées est de l’ordre de 10 à 103 œufs/ml (Faby et Brissaud, 1997). Les tableaux en annexe A regroupent les principaux protozoaires et helminthes que l’on trouve dans les eaux usées, avec les pathologies qui leur sont associées, éventuellement le nombre moyen de parasites que l’on trouve dans un litre d’EU et la principale voie de contamination du pathogène. 2.2.1.3. Bactéries dans les eaux usées : Avec une taille comprise entre 0,1 et 10 µm, les bactéries sont des organismes unicellulaires simples et sans noyau. La quantité moyenne de bactéries dans les fèces est d’environ 1012 bactéries/g (Asano T., 1998). La majorité de ces bactéries ne sont pas pathogènes; cependant, chez un hôte infecté, le nombre de bactéries pathogènes peut être très important. Les bactéries entériques sont adaptées aux conditions de vie dans l’intestin, c’est-à-dire une grande quantité de matière carbonée et de nutriments, et une température relativement élevée (37 °C). Leur temps de survie dans le milieu extérieur, où les conditions sont totalement différentes, est donc limité (cf. annexe A). Par ailleurs, se trouvant en compétition avec les bactéries indigènes, les bactéries pathogènes verront leur développement réduit. Thèse : Stratégie de mobilisation des ressources en eau non conventionnelle. Approche méthodologique : Etude prospective du cas des eaux usées épurées de la ville d’Annaba Chapitre 2 : Risques et dangers sanitaires de l’utilisation des eaux usées NAFAA Dhikrane Page 16 Les eaux usées contiennent en moyenne 107 à 108 bactéries/ml. La concentration en bactéries pathogènes est de l’ordre de 104 /l (Faby et Brissaud, 1997). Le nombre de germes peut être multiplié par 1.000 dans les eaux de rivières après un rejet urbain. La voie de contamination majoritaire est l’ingestion, comme le montre le tableau en annexe A. Les bactéries pathogènes d’origine hydrique sont responsables de la mort de 3 à 10 millions de personnes par an dans le monde. 2.2.1.4. Virus dans les eaux usées : De très petite taille (10 à 350 nm), les virus sont des organismes infectieux qui se reproduisent en infectant un organisme hôte (cf. annexe A).; ils ne sont pas naturellement présents dans l’intestin, contrairement aux bactéries. Ils sont présents soit intentionnellement (après une vaccination contre la poliomyélite, par exemple), soit chez un individu infecté accidentellement. L’infection se produit par l’ingestion dans la majorité des cas, sauf pour Coronavirus où elle peut aussi avoir lieu par inhalation, sont recensés la plupart : – des virus rencontrés les eaux usées et les symptômes de la maladie qui leur est associée ; – éventuellement le nombre moyen de virus évalué dans un litre d’EU ainsi que la voie de contamination principale. 2.3. Les paramètres microbiologiques : recommandation OMS pour une REUE : 2.3.1. Les paramètres microbiologiques pour une REUE : Notion de germes témoins : On constate que les normes ne prennent pas en considération les rejets microbiologiques des eaux usées, principal facteur du risque sanitaire. Les recommandations nationales et internationales sur la REUE fixent donc, en sus des normes chimiques précédentes, des normes microbiologiques, contrôlées grâce à la mesure de la concentration en germes témoins. Rechercher les organismes pathogènes de manière spécifique est trop coûteux et aléatoire, c’est pourquoi l’on s’intéresse aux concentrations de germes témoins (coliformes totaux, coliformes fécaux et streptocoques fécaux en général) pour estimer la population de pathogènes. Thèse : Stratégie de mobilisation des ressources en eau non conventionnelle. Approche méthodologique : Etude prospective du cas des eaux usées épurées de la ville d’Annaba Chapitre 2 : Risques et dangers sanitaires de l’utilisation des eaux usées NAFAA Dhikrane Page 17 En effet, il existe une corrélation entre la présence de ces bactéries témoins et la présence de bactéries pathogènes. Cependant, cette estimation de la contamination de l’eau par l’utilisation de germes témoins n’est pas toujours suffisante; En effet, certains micro-organismes » échappent » à cette surveillance : il s’agit essentiellement des formes de résistance des protozoaires (kystes) et des œufs d’helminthes. Ainsi, une épidémie à Milwaukee en 1993 aux États-Unis a mis en évidence les failles du système de surveillance sanitaire. En quelques mois, 400.000 cas de gastro-entérites ont été identifiés (dont 80 cas mortels), et si l’origine hydrique de la contamination était suspectée, aucun indicateur de suivi de la qualité de l’eau ne l’avait signalée. L’accident de Milwaukee a aussi mis en évidence les limites des traitements de désinfection au chlore, qui sont relativement inefficaces contre les virus et les formes de résistance des parasites (kystes de protozoaires et œufs d’helminthes). Les autres modes de traitement (membrane, lagunage, etc.) sont aujourd’hui en pleine essor. 2.4. Les recommandations de l’OMS Afin de garantir la protection de la santé publique, il est indispensable de mettre en place des normes et des réglementations strictes et adaptées à la spécificité des différentes cultures. Il existe deux grands groupes de normes : les recommandations de l’OMS (1989) et la réglementation californienne » titre 22″ (1978). L’objectif principal est d’éliminer les risques sanitaires. Ainsi, pour l’irrigation sans restriction, la pollution microbiologique des eaux usées utilisées doit, selon l’OMS, rester au-dessous de 1.000 (CF)/100 ml et moins de 1 œuf d’helminthe/l. Le » Titre 22″ californien fixe des restrictions plus sévères, voire l’absence totale de germestests: moins de 2,2 (CT)/100 ml. Dans certains pays, les normes sont draconiennes pour les végétaux destinés à la consommation. Ainsi, l’Afrique du Sud exige une qualité d’eau potable pour cette application; l’état d’Arizona a introduit l’absence de virus comme nouveau paramètre microbiologique; Dans les pays où les normes existantes sont très sévères (Australie, États-Unis, certains pays du Moyen-Orient), un traitement secondaire est obligatoire, et parfois, en sus, un traitement tertiaire. Thèse : Stratégie de mobilisation des ressources en eau non conventionnelle. Approche méthodologique : Etude prospective du cas des eaux usées épurées de la ville d’Annaba Chapitre 2 : Risques et dangers sanitaires de l’utilisation des eaux usées NAFAA Dhikrane Page 18 La dernière édition des recommandations de l’OMS relative à la réutilisation des eaux usées en agriculture a été publiée en septembre 2006; dans cette nouvelle édition, une approche plus contemporaine et plus souple est proposée, basée sur les données épidémiologiques disponibles et sur un processus d’évaluation quantitative des risques sanitaires. Ce parti pris, qui consiste à fonder une réglementation sur une démarche scientifique, est radicalement novateur et n’a d’équivalent que dans la réglementation australienne (NRMMC-EPHC, 2006). Un autre principe essentiel adopté par l’OMS est de proposer des recommandations qui assurent le même niveau de protection qu’il s’agisse de l’alimentation en eau potable, de la réutilisation des eaux usées ou de la baignade. Dans le cas de l’irrigation de produits consommés crus (ou réutilisation sans restriction), une réduction de 6 (dans le cas d’une laitue) à 7 (dans le cas des oignons) unités logarithmiques de la concentration en pathogénies est recommandée entre l’eau usée brute et l’eau qui demeure sur le légume ou le fruit consommé. Cette réduction peut être envisagée soit comme obtenue en cumulant l’effet du traitement, de l’abattement naturel des germes dans l’environnement et du lavage des produits consommés, soit en comptant uniquement sur le traitement de l’EU, soit par les effets cumulés du traitement et de l’irrigation localisée ou d’autres combinaisons encore. Dans le premier cas, le traitement doit permettre d’atteindre une désinfection telle que la concentration en Escherichia Coli soit inférieure à une valeur acceptée entre 103 et 104 UFC/100 ml et, dans le cas d’un traitement seul, entre 10 (pour la laitue) et 1 (pour les oignons) UFC/100 ml. On voit ainsi que, selon que l’on compte ou non sur l’abattement naturel des germes pathogènes dans le milieu naturel et sur diverses mesures de contrôle de la contamination, le niveau de désinfection que le traitement doit garantir diffère considérablement. Ces nouvelles recommandations de l’OMS couvrent uniquement l’irrigation agricole. L’irrigation des terrains de golf et des espaces verts n’y est pas prise en compte. L’aspersion n’est que rapidement évoquée; elle n’a pas fait l’objet d’évaluation quantitative des risques, faute de références relatives aux doses infectantes par voie respiratoire et de données suffisantes pour une évaluation quantitative de l’exposition au risque.
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