Étude préparatoire à l’interprétation des données du radar WISDOM pour la mission ExoMars 2018

Étude préparatoire à l’interprétation des données du radar WISDOM pour la mission ExoMars 2018

La trilogie martienne : l’Homme et Mars 

Mars a toujours été un objet de curiosité pour l’Homme, dès lors qu’il a levé les yeux vers le ciel. La planète est effectivement visible à l’œil nu (la distance au plus près de la Terre est de 55,758 millions de kilomètres soit 0,3727 u.a), ce qui permet de l’étudier sans recours aux instruments. Durant l’Antiquité, elle fut associée à Arès, dieu de la guerre grec, du fait de sa couleur rouge orangée sombre faisant penser au sang et au feu, pour prendre ensuite le nom de Mars, dieu équivalent dans la culture romaine. En 1600, Johannes Kepler découvre, en tentant de calculer l’orbite de Mars, que les mouvements décrits par les planètes sont des ellipses et non des cercles, résultat qu’il publiera en 1609 et que nous connaissons comme la première loi de Kepler. C’est Huygens, en 1659, qui pour la première fois observe une structure sur le disque de Mars, qui évolue avec le temps. L’engouement est rapide et la communauté des astronomes va commencer à apercevoir et représenter des mers et des continents à la surface de cette planète rouge.

Mars la verte 

Durant la fin du XIXème siècle, les observations de la planète Mars, encore peu nombreuses et pratiquées avec des instruments peu performants, ont généré le mythe des canaux martiens, sous l’impulsion de l’astronome Italien Schiaparelli. En 1877, il crut voir et cartographia un réseau de très larges « canaux », qu’il jugea artificiels, sillonnant l’ensemble de la planète Mars (Figure 1.2-1). C’est ainsi que furent baptisées des régions comme Tharsis ou Hellas, noms qui font encore autorité aujourd’hui. L’idée d’une civilisation intelligente utilisant un système de canaux d’irrigation est renforcée par plusieurs observations semblables jusqu’au début du XXème siècle, notamment à travers les travaux de l’astronome Powell, fervent partisan de cette hypothèse, qui fit construire et dédia un observatoire astronomique à Mars. Ces thèmes sont repris dans la littérature et connaissent un succès phénoménal auprès du grand public, alimentant l’imaginaire collectif, et contribuant au mythe des petits 11 hommes verts. Jusqu’aux années 1960, les variations de la taille des calottes polaires et la présence de taches verdâtres sont prises pour des mers ou de la végétation qui varie au cours des saisons. Figure 1.2-1: Carte réalisée par Schiaparelli en 1888. Les zones sombres représentent de grandes étendues desquelles partent des canaux en direction du Nord

Mars la rouge 

À partir du milieu du XXème siècle, les instruments d’observation deviennent plus performants, et, avec le développement de la technologie, l’exploration spatiale débute. Mars devient l’un des enjeux de la course à l’espace entre les États-Unis et l’Union soviétique, dans un contexte de Guerre froide. S’en suit un nombre faramineux de missions (plus d’une trentaine) vers la planète, qui subissent cependant de nombreux échecs, notamment côté Russe où l’on ne dénombre pas moins de sept missions avortées (Mars 1 jusqu’à Mars 7) ou aux résultats très mitigés. Il faut attendre 1967 pour que la sonde américaine Mariner 4 réussisse le premier survol de la planète. Les premières images à très faible résolution de la surface révèlent une Mars aride, sans eau ni végétation, et surtout sans aucune trace de ces fameux chenaux pourtant si populaires. Une énorme déception. En 1971, l’orbiteur Mariner 9 dévoile un paysage plus varié constitué de volcans, de canyons, et de lits de rivières asséchés. Les missions Viking 1 et Viking 2, à partir de 1975, viennent enrichir de 50000 clichés notre connaissance de la surface. Les atterrisseurs y cherchent d’éventuels indices de vie, mais aucune trace d’activité biologique n’y sera détectée. Pire encore, les conditions pour l’apparition et la préservation de la vie sont catastrophiques : l’absence d’eau, l’irradiation permanente des UV et un sol très oxydant interdisent la formation de chaînes carbonées complexes. Mars est rouge, Mars est stérile, et l’intérêt de l’Homme pour cette planète si peu accueillante diminue. 

Mars la bleue 

En 1996, c’est la découverte controversée de «bactéries» fossiles d’origine martienne dans la météorite SNC (Shergotty, Nakhla, Chassigny) ALH84001 (McKay et al., 1996) qui relance l’hypothèse d’un développement prébiotique éventuel et renouvelle l’intérêt pour la planète Mars, notamment à travers la 12 question de l’eau. L’aventure Pathfinder en 1997 (Golombek et al., 1997), dont le but est de faire atterrir un rover à la surface, redonne un véritable élan à l’exploration spatiale martienne. Les missions se succèdent, avec l’arrivée en 1999 de la sonde Mars Global Surveyor (MGS), qui cartographie la surface dans sa quasi-totalité, pendant près de 8 ans. La topographie est mesurée à l’aide de l’instrument MOLA (Mars Orbiter Laser Altimeter), révélant de nouvelles morphologies d’écoulements récents (Smith et al., 1999). Il faudra attendre l’arrivée de l’orbiteur Mars Odyssey et les mesures prises par son spectromètre gamma pour confirmer la présence de glace d’eau dans le pergélisol (sol gelé) martien. En 2003, la mission Mars Explorer Rover conçue par la NASA prévoyant l’atterrissage des rovers Spirit et Opportunity, dont le but est de détecter des minéraux associés à une activité hydrologique, est un véritable succès. Ces rovers, conçus pour fonctionner 3 mois, sont en réalité de véritables marathoniens : Spirit prend des mesures pendant six ans et Opportunity, quant à lui, n’en a toujours pas fini avec la planète. Les données récoltée des deux véhicules confirment que l’eau a bien coulé à la surface de Mars, pendant des périodes relativement longues. L’arrivée en 2004 de la sonde Mars Express, la première mission européenne à destination de la planète rouge, a pour mission de recueillir des données sur la surface, l’atmosphère, l’ionosphère et le sous-sol. La sonde comprend un orbiteur et un petit atterrisseur, Beagle 2, chargé de se poser sur la surface et de déceler d’éventuelles traces de vie. Le radar MARSIS (Picardi et al., 2004), qui sonde pour la première fois le sous-sol, confirme la nature des calottes polaires et l’estimation du volume d’eau disponible. Le spectromètre imageur OMEGA (Observatoire pour la Minéralogie, l’Eau, les Glaces et l’Activité) confirme quant à lui la présence de minéraux hydratés témoignant par le passé d’une activité aqueuse en surface (Bibring et al., 2005 ; Bibring et al., 2006). L’instrument HRSC (High Resolution Stereo Colour Imager) (Jaumann et al., 2007) prend des clichés de qualité sans précédent. En mars 2006, c’est au tour de Mars Reconnaissance Orbiter de se mettre en orbite autour de la planète Mars, avec la caméra HiRISE (High Resolution Imaging Science Experiment) à son bord qui livre alors des images d’une résolution jamais égalée jusqu’alors, de 20 cm à 30 cm par pixel (McEwen et al., 2007). La sonde Phoenix atterrit en 2008, et son bras motorisé, après avoir gratté la fine couche de poussières, entre en contact direct avec la glace d’eau sur Mars. En 2011, c’est l’ambitieux projet Mars Science Laboratory (Grotzinger et al., 2012) qui relance formellement la recherche de traces de vie, encouragée par les découvertes précédentes de la présence d’eau et l’habitabilité potentielle de la planète dans son passé. Le rover Curiosity atterrit à la surface de Mars en août 2012, à proximité du cratère Gale, choisi pour sa position stratégique à la transition entre les hémisphères Nord et Sud, qui présentent une forte dichotomie topographique, et son âge que l’on estime à 3,6 milliards d’années, coïncidant avec l’hypothèse d’une Mars bleue durant ses premiers temps géologiques. Cet âge est cependant très discuté, certains scientifiques estimant que l’eau avait déjà disparu en surface à cette période (Carter et al., 2010). Curiosity est un véritable laboratoire d’analyse sur roues, cinq fois plus lourd que les Mars Exploration Rovers, équipé de caméras, spectromètres, détecteurs de radiations et de capteurs atmosphériques. Des résultats très intéressants en 13 termes d’habitabilité ponctuent le trajet de Curiosity vers Gale, notamment avec la découverte de ce qu’on suppose être un ancien lit de rivière, parsemé de galets arrondis et donc érodés par un cours d’eau, de caractéristiques très similaires à nos galets de fonds de rivières sur Terre. Il détecte également des traces de méthane dans l’atmosphère, et les analyses révèlent une chimie et un environnement plutôt favorables d’un point de vue exobiologique. Enfin, deux orbiteurs arrivent autour de Mars en septembre 2014, MAVEN (Jakosky, 2008) et Mars Orbiter Mission (le premier orbiteur indien à destination de la planète rouge, Seetha and Satheesh, 2015), tous deux ayant pour mission de reconstituer l’évolution de l’atmosphère martienne.

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Table des matières

Remerciements
Table des Figures
Introduction
Chapitre 1 : L’exobiologie et Mars, ExoMars
Introduction
1.1 Introduction à l’exobiologie
1.1.1 L’exobiologie, des origines à la discipline scientifique
1.1.2 De la Terre vers les autres corps du Système solaire
1.2 La trilogie martienne : l’Homme et Mars
1.2.1 Mars la verte
1.2.2 Mars la rouge
1.2.3 Mars la bleue
1.3 L’eau, Mars et la vie
1.3.1 Tour d’horizon
1.3.2 Le potentiel exobiologique de Mars
1.4 Un exemple de mission spatiale exobiologique : ExoMars.
1.4.1 Présentation et objectifs
1.4.2 Les terrains potentiels d’atterrissage
1.4.3 Autres missions et perspectives sur Mars
Conclusion
Références
Chapitre 2 : Le sondage des sous-sols par la méthode
radar, application à Mars
Introduction
2.1 Les caractéristiques électromagnétiques des matériaux et la propagation des ondes dans les milieux
2.1.1 Quelques éléments de vocabulaire
2.1.2 Les paramètres constitutifs du milieu
2.1.2.1 La permittivité électrique
2.1.2.2 La conductivité électrique
2.1.2.3 La permittivité effective relative
2.1.2.4 La perméabilité magnétique
2.1.3 Caractéristiques de quelques matériaux
2.1.3.1 Le cas particulier de l’eau
2.1.3.2 Les roches et les sols
2.1.4 Conditions attendues sur Mars
2.2 La propagation des ondes électromagnétiques dans les milieux homogènes
2.2.1 Les équations de Maxwell
2.2.2 Les relations constitutives du milieu
2.2.3 Cas idéal de l’onde plane harmonique en milieu homogène
2.3 Introduction à la technique GPR
2.3.1 Généralités
2.3.1.1 Bref historique
2.3.1.2 Principe général
2.3.2 Le dimensionnement des radars
2.3.2.1 La profondeur de détection
2.3.2.2 La dynamique de l’instrument
2.3.2.3 La résolution en profondeur de l’instrument
2.4 Les radars pour le sondage du sous-sol de Mars
2.4.1 L’apport des sondeurs MARSIS et SHARAD sur la connaissance de Mars
2.4.1.1 MARSIS (Mars Express)
2.4.1.2 SHARAD (MRO)
2.4.2 Le radar GPR WISDOM conçu pour la mission ExoMars 2018
Conclusion
Références
Chapitre 3 : L’instrument WISDOM
Introduction
3.1 La conception de l’instrument WISDOM
3.1.1 Objectifs
3.1.2 Un radar à sauts de fréquence
3.1.3 Le module électronique de WISDOM
3.1.4 Le système d’antennes de WISDOM
3.2 Performances de l’instrument
3.2.1 Efficacité des additions cohérentes
3.2.2 Choix du nombre Nfreq de fréquences utilisées
3.2.3 Bilan de liaison de WISDOM
3.2.4 Gating
3.2.5 Traitement des données de l’instrument WISDOM
3.3 Etude comportementale de l’instrument WISDOM
3.3.1 Mesure incomplète
3.3.2 Approximation en champ lointain
3.3.2.1 Notion de champ lointain
3.3.2.2 Mesure en réflexion sur une plaque conductrice
3.4 Les données acquises avec les prototypes de WISDOM
3.4.1 Démarche
3.4.2 Dachstein Mars Simulation 2012
3.4.3 SAFER
Conclusion
Références
Chapitre 4 : La modélisation du radar WISDOM en
interaction avec les milieux naturels
Introduction
4.1 Méthodes de modélisation
4.1.1 Simulation simplifiée par lancer de rayons
4.1.1.1 Théorie et description
4.1.1.2 Quelques exemples
4.1.1.3 Limites
4.1.2 La méthode FDTD et le logiciel TEMSI-FD
4.1.2.1 Théorie et description
4.1.2.2 Modélisation du radar WISDOM sous TEMSI-FD
4.2 Interactions avec un milieu non homogène
4.2.1 Comportement au passage d’interfaces
4.2.1.1 Interfaces lisses
4.2.1.2 Interfaces inclinées
4.2.1.3 Interfaces rugueuses
4.2.2 L’hétérogénéité diélectrique des matériaux
4.3 Modélisation pour l’aide à l’interprétation des données et la prédiction de performances
4.3.1 Expérience en milieu froid
4.3.2 Simulation d’une structure biogénique
4.3.3 Prédiction du comportement de WISDOM sur le site d’Oxia Planum
Conclusion
Références
Chapitre 5 : Les méthodes d’estimation des
propriétés diélectriques du sous-sol
Introduction
5.1 Les méthodes d’estimation des propriétés du sous-sol à partir des données de WISDOM
5.1.1 Accès à la constante diélectrique en surface
5.1.2 L’impact de la rugosité sur la restitution de la constante diélectrique
5.2 La signature des diffuseurs ponctuels : accès en profondeur
5.2.1 Principe
5.2.2 Méthode développée
5.2.3 Etude de sensibilité
5.3 Expérience d’humidification d’un sol
5.3.1 Motivations et protocole
5.3.2 Résultats
5.4 La campagne SAFER
5.4.1 Contexte
5.4.2 Les variations spatiales de la constante diélectrique en surface
5.4.3 Le gradient de la constante diélectrique
Conclusion
Références
Chapitre 6 : La reconstitution du sous-sol à partir des
données de WISDOM
Introduction
6.1 La localisation des diffuseurs avec le GPR WISDOM
6.1.1 Une méthode mise au point grâce au système d’antennes de WISDOM
6.1.1.1 Principe
6.1.1.2 Validation en milieu contrôlé
6.1.2 Une planification judicieuse de la trajectoire du rover
6.1.2.1 Principe
6.1.2.2 Validation
6.2 Identification des structures de dépôts
6.2.1 Le froid
6.2.1.1 Dachstein : les grottes glacées
6.2.1.2 Neige et glacier
6.2.2 Le chaud
6.2.2.1 Retour sur SAFER : milieu désertique
6.2.2.2 L’Etna
6.3 Reconstitution du sous-sol en 3 dimensions
6.3.1 Les strates
6.3.2 Les diffuseurs
Conclusion
Références
Conclusion et perspectives
Annexes
Annexe A : Fichier de données WISDOMi
Annexe B : Liste des communications

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