Etude physicochimique des composites à base de NTC et de polymère ou oligomère
Après avoir préparé des NTC fonctionnalisés adaptés pour l’incorporation dans des cellules solaires organiques dans le chapitre précédent, l’objectif de ce nouveau chapitre est d’étudier la physicochimie des composites à base de NTC et de polymère ou oligomère. Le choix a été fait de ne pas passer directement à la fabrication de cellules solaires pour s’affranchir des difficultés liées à leur fabrication en commençant par l’étude de l’effet des NTC sur les propriétés physicochimiques du composite donneur et NTC. La première partie de ce chapitre est consacrée à un bref rappel des études déjà menées sur l’interaction entre des NTC et des polymères amenant au choix fait quant aux polymères utilisés lors de cette étude. Dans une deuxième partie, l’étude de l’interaction entre les NTC et les composés donneurs P3HT et QTF8 est réalisée en solution à l’aide d’une caractérisation par spectroscopie UV-visibleproche IR. Enfin, l’interaction entre les NTC et le P3HT et QTF8 est analysée en film. 1) Contexte : affinité entre les NTC et les matériaux donneurs L’un des enjeux majeurs pour l’utilisation des NTC est de les disperser et les stabiliser dans des solutions. Ce problème a déjà bien été défini pour ce qui est de la fonctionnalisation des NTC dans le chapitre précédent. La dispersion des NTC dans le composé donneur est primordiale car ils doivent entre autre faciliter le transport des charges dans les futurs dispositifs en jouant le rôle de matériau dopant ou accepteur. Dans la littérature, il y a deux types de matériaux donneurs qui ont été particulièrement étudiés ces dernières années pour disperser les NTC. Le premier type est les polymères conjugués comme le poly(metaphenylenevinylene) (PmPV) [133][134][135], le P3HT [136][137][138] et le poly(aryleneethynylene) [139][140]. L’intérêt de ces polymères est qu’ils séparent les NTC les uns des autres en formant des interactions de Π-Π stacking avec la surface des NTC. Cependant, la dispersion des NTC s’est retrouvée limitée par la dispersion des polymères dans les solvants à cause des fortes interactions interchaînes de type Π-Π. C’est pour cette raison qu’un deuxième type de matériau a été développé pour aider à la dispersion des polymères dans les composites polymères-NTC. Il s’agit des copolymères. Généralement, dans les copolymères, il y a un bloc polymère qui sert à la dispersion des NTC. Le deuxième bloc polymère sert à la dispersion des composites formés par le premier bloc polymère et les NTC. Pour cela, ils forment une barrière stérique ou une interaction de répulsion vis-à-vis des NTC enrobés du premier block polymère [141][142][143][144]. Dans cette étude, le but est de fabriquer des cellules solaires organiques avec dans la couche active les NTC mélangés au composé donneur. Il a donc fallu Etude physicochimique des composites à base de NTC et de polymère ou oligomère Chapitre III : Etude physicochimique des composites à base de NTC et de polymère ou oligomère 98 choisir des composés donneurs qui sont à la fois performants pour la dispersion des NTC et lors des différentes étapes de l’effet photovoltaïque. La stratégie s’est donc portée sur deux types de composés donneurs. Le premier composé donneur choisi est le P3HT régiorégulier car c’est un polymère commercial donc accessible à grande échelle. De plus, son incorporation dans les cellules est largement référencée ce qui doit faciliter l’optimisation et la comparaison des cellules solaires organiques lors de leurs fabrications et caractérisations dans le chapitre V. De nombreuses recherches ont été menées ces dernières années sur le P3HT régiorégulier (Figure III-1). Il a été considéré comme l’un des matériaux donneurs les plus prometteurs pour l’élaboration de cellules solaires grâce à ses propriétés très intéressantes. En effet, la mobilité du P3HT peut être supérieure à 0,1 cm2 .V-1.s-1 [145] et le P3HT est soluble dans de nombreux solvants [146]. Cependant, ces bonnes propriétés sont dépendantes de nombreux paramètres. Ces paramètres dépendent soit du P3HT comme son poids moléculaire [5] ou sa polydispersion [147] soit de l’environnement comme le solvant ou la température de recuit [147][148]. Le gap énergétique (Eg) du P3HT est assez faible de l’ordre de 1,9 eV, ce qui implique un recouvrement du spectre solaire d’environ 46 % [149] donc non optimal et une VOC de l’ordre de 0,6 V. La faible VOC obtenue avec le P3HT est l’une des principales raisons qui a débouché sur de nombreuses recherches sur la synthèse de polymères conjugués de faible gap pour remplacer le P3HT.
Interaction des NTC avec les composés Π-conjugués P3HT et QTF8 en solution
Les NTC sont connus pour ne pas se disperser facilement dans les solutions organiques. Cependant, lors de la fabrication des couches actives des cellules, les différents composés de la couche sont mélangés en solution avant d’être déposés le plus souvent par spin coating. Donc si des NTC entrent dans la composition de la couche active, il faut qu’ils soient bien dispersés. Or dans le chlorobenzène qui est le solvant envisagé pour le mélange des différents composés de la couche active, les NTC ne se dispersent pas bien seuls. Il faut donc que les composés de la couche active autre que les NTC, aident à la dispersion des NTC dans le chlorobenzène. a) Composés NTC-QTF8 Les premiers mélanges entre le QTF8 et les NTC dans le chlorobenzène ont révélé une forte affinité du QTF8 pour les NTC. En effet, les solutions de NTC mélangés dans le chlorobenzène présentent un précipité macroscopique quelques minutes après avoir été soniquées. En comparaison, les NTC mélangés au QTF8 restent en suspension très homogène. La durée pendant laquelle les NTC restent solubles dépend des concentrations des deux composés. Suite à cette observation, la quantité nécessaire de QTF8 pour enrober les NTC fonctionnalisés a été mesurée afin de comprendre l’interaction entre les deux composés. L’étude a été menée sur des NTC fonctionnalisés et triés en longueur donc contenant moins de fagots comme décrit précédemment (Annexe I). Les NTC fonctionnalisés à 98 % pour les métalliques et 16 % pour les semi- conducteurs (Figure III-8) ont été dispersés dans le chlorobenzène à une concentration de 0,01 mg/mL. Les NTC ont ensuite été mélangés au QTF8 à différentes concentrations comprises entre 0,001 et 0,015 mg/mL. Les spectres UV-vis-proche IR sont observés pour les différents ratios NTC-QTF8 et pour le QTF8 seul. Pour le QTF8 seul, un pic est observé entre 320 et 575 nm, avec un maximum à 418 nm et une rupture de pente plate vers 475 nm (Figure III-4). En comparaison, pour les solutions de QTF8-NTC, le pic caractéristique du QTF8 observé a aussi un pic entre 320 et 575 nm avec un maximum à 418 nm. Par contre cette fois il semble y avoir une rupture de pente non pas plate mais avec une bosse vers environ 500 nm (Figure III-4). Ce genre de phénomène a déjà été observé pour d’autres composés comme le P3HT mélangé aux NTC et correspond à une interaction de π-π stacking entre ces deux composés. Ce π-π stacking peut expliquer la bonne dispersion observée des NTC dans le QTF8. Cependant, ces résultats de spectroscopie ont été difficiles à traiter à cause des faibles concentrations de QTF8 et de NTC qui ont impliquées des absorbances comprises entre 0 et 0,2. Le problème est qu’il n’a pas été possible d’augmenter les concentrations du QTF8 car il est synthétisé en laboratoire par Zaireen Yahya (doctorante de l’équipe de R.Demadrille). Il est donc disponible en faible quantités. Figure III-4 : Absorption du QTF8 mélangé dans le chlorobenzène à une concentration de 0,012 mg/mL en noir et absorption du QTF8 mélangé dans le chlorobenzène à une concentration de 0,012 mg/mL avec des NTC fonctionnalisés de concentration 0,01 mg/mL en fonction de la longueur d’onde (l’absorption du chlorobenzène a été soustraite pour le spectre noir et l’absorption du chlorobenzène et des σTC ont été soustraites pour le spectre rouge). En conclusion, les tendances observées sur les composites QTF8-NTC par spectroscopie sont une bonne affinité des deux composites et une forte probabilité de π-π stacking entre les NTC et le QTF8. Les concentrations de QTF8 sont trop faibles pour conclure c’est pour cette raison qu’une étude avec de plus longueur d’onde (nm) absorbance Chapitre III : Etude physicochimique des composites à base de NTC et de polymère ou oligomère 101 grandes concentrations est réalisée avec le P3HT pour confirmer les tendances observées avec le QTF8. b) Composés NTC-P3HT La quantité de P3HT nécessaire pour enrober totalement les NTC fonctionnalisés a été étudiée pour essayer de mieux comprendre l’interaction entre le P3HT et les NTC. L’étude a été menée sur des NTC fonctionnalisés et non triés en longueur (donc contenant un peu plus de fagot que pour l’étude avec le QTF8) comme décrit précédemment (Annexe I). Le suivi par spectroscopie permet de mesurer une fonctionnalisation des NTC métalliques de 94 % et des NTC semiconducteurs de 18 % (Figure III-5). Figure III-5 : Spectre d’absorption pour les σTC fonctionnalisés après traitement pour mesurer la fonctionnalisation avec le spectre noir pour les NTC avant fonctionnalisation et le spectre rouge pour les NTC après fonctionnalisation à 94 % pour les NTC métalliques et à 18 % pour les NTC semi-conducteurs. Les NTC fonctionnalisés dispersés à une concentration de 0,1 mg/mL dans le chlorobenzène ont ensuite été mélangés au P3HT régiorégulier commercial à différentes concentrations. Le but est de trouver à partir de quelle concentration de P3HT les NTC sont entièrement enrobés. Pour cela, la hauteur du pic d’absorption optique du P3HT à 456 nm est mesurée en présence et en absence de NTC. De plus, un deuxième pic d’absorption à 602 nm a aussi été mesuré car ce pic est caractéristique d’un « Π-Π stacking » c’est-à-dire qu’il a été attribué à la présence d’espèces agrégées qui correspondent à un bon empilement des chaînes et par conséquent à une meilleure cristallinité du P3HT [152]. Cette mesure doit donc permettre de comprendre l’influence des NTC sur la cristallinité du P3HT. En l’absence de NTC (Figure III-6), la hauteur du pic d’absorption du P3HT à 456 nm augmente proportionnellement à la concentration du P3HT selon la loi de Beer-Lambert (Equation III-1) : longueur d’onde (nm) absorbance Chapitre III : Etude physicochimique des composites à base de NTC et de polymère ou oligomère 102 Equation III-1 où A est l’absorbance, ε est le coefficient d’extinction molaire, l est l’épaisseur de la cuvette et C la concentration (avec ε456= 51 L/cm/g). En l’absence de NTC, le pic à 602 nm ne varie pas et a une valeur très faible en proportion 20 fois plus faible que la hauteur du pic à 456 nm pour une concentration de P3HT de 0,01 mg/mL (Figure III-6). Cela signifie que l’empilement des chaînes est désordonné pour une solution de P3HT mélangé dans le chlorobenzène car il n’y a pas de présence de « Π-Π stacking ». Cela est attendu car le chlorobenzène est un bon solvant du P3HT.