Étude numérique des instabilités dans le procédé de coextrusion des polyesters
Les conditions d’apparition des défauts
Etude sur des polymères fondus
Différentes approches ont été utilisées pour étudier les conditions d’apparition des défauts. Les paramètres qui contrˆolent la stabilité dans le procédé de coextrusion sont généralement le rapport de viscosité, le rapport d’élasticité, le rapport d’épaisseur et de débit, ainsi que la géométrie. Leur influence a été étudiée avec plusieurs types de polymères. Schrenk et al. [SBAH78] approchent la rhéologie des différents polymères par des lois puissance, calculent une solution stationnaire puis cherchent des corrélations entre l’apparition des instabilités et la forme de la solution stationnaire Poiseuille multicouches. Dans le cas d’une coextrusion tri-couches (ABS/PS/ABS), ils observent que ces instabilités apparaissent si l’on dépasse une contrainte de cisaillement critique à l’interface. Han et Schetty [CR76] [CR78] ont effectué une étude semblable à celle de Schrenk et al. (1978), en considérant des écoulements de trois ou cinq couches symétriques réalisés à partir de couples de polymères PEBD/PS ou PEHD/PS (PEBD : polyéthylène basse densité, PEHD : Polyéthylène haute densité, PS : Polystyrène). Ils observent que le système PEBD/PS/PEBD ne laisse jamais apparaître d’interface irrégulière, alors que ce phénomène est observé dans la configuration PS/PEBD/PS. L’apparition d’une instabilité à l’interface est donc liée à la rhéologie du produit près des parois. Le PEBD utilisé était moins visqueux que le PS à température égale. Ils relient l’apparition de ces instabilités au dépassement d’une contrainte de cisaillement interfaciale critique (comme Schrenk et al) ou au dépassement d’une contrainte de cisaillement critique à la paroi (figure 2.6). Cette analyse sera reprise par Han et al [CHC78] avec de la coextrusion bicouches en utilisant douze polymères différents, ce qui leur a permis de regrouper les résultats expérimentaux indépendamment des produits utilisés dans un graphe représentant le rapport de viscosité à l’interface en fonction du rapport d’épaisseur des couches ou un graphe représentant la première différence de contraintes normales à l’interface en fonction du rapport des épaisseurs des couches. Cela permet de voir l’influence du champ de contraintes à l’interface entre les deux produits sur l’apparition des instabilités. Les instabilités sont localisées dans des zones spécifiques c’est-àdire pour des grandes valeurs de rapport de viscosité (ηA/ηB ) et un rapport d’épaisseur hA/hB inférieur à 1 (figure 2.7). C’est au contraire pour des faibles valeurs de la première différence de contraintes normales que les zones d’instabilités apparaissent (figure 2.8). On peut conclure en disant que l’instabilité n’apparaît que si la couche la plus mince est aussi la plus visqueuse et la moins élastique. Wilson et Khomami (1992) [WK92] ont étudié l’influence des paramètres du procédé sur le développement de l’instabilité. Leurs essais consistent à faire varier les débits, donc les épaisseurs relatives de deux fluides, et de faire varier la longueur d’onde de la perturbation α. Ils retrouvent que l’instabilité se déclenche quand une couche est beaucoup plus mince que l’autre et observent un maximum d’amplification pour un nombre d’onde adimensionnel α voisin de 1 (c’est à dire pour une période égale à l’épaisseur de la filière). Cette amplitude peut ˆetre très importante si le produit le plus visqueux est en faible proportion. Par contre, si le fluide le plus visqueux est très majoritaire, l’interface peut ˆetre considérée comme quasi-stable.
Approche plus conceptuelle – fluides modèles
Influence des nombres de Reynolds et de Deborah. Les expériences effectuées par Yamaguchi et Yasumoto [YY99] ont pour but de voir les influences du nombre de Reynolds et du nombre de Deborah sur les instabilités entre deux fluides. Le premier fluide est Newtonien alors que le deuxième fluide est à la fois pseudoplastique (d’o`u l’expression d’un nombre de Reynolds qui prend en compte l’index de la loi puissance (voir chapitre 4.6.1)) et viscoélastique (d’o`u le nombre de Deborah (De = λ v h ; λ étant le temps de relaxation du deuxième fluide, v sa vitesse moyenne et h son épaisseur)). Dans un premier temps, ils utilisent un fluide Newtonien et un fluide visqueux. Pour un nombre de Reynolds du premier fluide compris entre 0.1 et 40, nous avons une transition vers un régime instable quand le nombre de Reynolds du deuxième fluide devient supérieur à 1. Quand le nombre de Reynolds du premier fluide est supérieur à 40, l’écoulement est instable quel que soit le nombre de Reynolds du deuxième fluide (figure 2.10).
Etudes théoriques
Nous allons maintenant résumer les diverses études théoriques qui ont été réalisées sur les écoulements en coextrusion. Les premières études sont effectuées sur des écoulements monodirectionnels utilisant des approximations de la lubrification hydrodynamique. Dans la suite, nous décrirons les résultats obtenus avec différents modèles de stabilité (linéaire et convective). Nous terminerons par les résultats obtenus avec des simulations directes.
Préliminaire : modélisation stationnaire du procédé de coextrusion
Les premières approches 1D et 2D de la modélisation stationnaire du procédé de coextrusion étaient dédiées au calcul de la position d’interface [AF94] [AF95] dans le cas isotherme. D’autres travaux ont permis de regarder l’influence de la température des polymères et de la régulation de la filière sur la position de l’interface ainsi que l’évolution des températures dans la filière [Bas81] [GSA86] [SPA92]. Puissant [SPA92] a regardé les évolutions de l’interface et des températures moyennes le long de l’écoulement dans le cas de coextrusions multicouches (6 couches). La figure 2.12 montre une évolution rapide des interfaces en début d’écoulement puis lente par la suite. Par contre, le profil de température qui est très varié en entrée évolue très rapidement vers une configuration stable (figure 2.13). Fig. 2.12 – Evolution des interfaces (D’après [SPA92]) Plus récemment, des approches 3D basées sur la résolution du problème de Stokes et de l’équation de transport pour le calcul de la position d’interface ont permis de prendre en compte le déplacement de l’interface. Ces travaux ont été réalisés pour la modélisation de l’enrobage [Mau00] [Tei96].
Modèles de stabilité
Stabilité linéaire
Un grand nombre d’études théoriques ont été menées sur la stabilité de l’interface d’écoulements stratifiés en utilisant le formalisme de la stabilité linéaire. La méthode générale – 32 – Etude bibliographique Fig. 2.13 – Evolution des températures moyennes le long de l’écoulement (D’après [SPA92]) a été proposée par Yih en 1967 [Yih67] et reprise ensuite dans de nombreuses publications. Elle consiste à faire une étude de stabilité linéaire pour déterminer si le système peut ˆetre instable par rapport à des perturbations d’amplitude finie. On détermine la stabilité de l’interface en s’intéressant au développement d’ondes sinuso¨ıdales de petites amplitudes [RVA04a]. A = A0 exp[i(kx − wt)] O`u A est la variable soumise à la perturbation. Les termes k, x, w et t désignent respectivement le nombre d’onde réel, le sens de l’écoulement, la pulsation temporelle du nombre d’onde complexe et le temps, variables généralement adimensionnalisées. La stabilité est donc désignée par le signe de la partie imaginaire de la pulsation w. Si Im(w) est positif, on dira que l’interface est stable. Pour connaître le signe de Im(w), on peut effectuer un développement asymptotique aux grandes ondes (k → 0). Si on fixe la dimension et la température de la filière, en faisant varier les débits associés à chaque polymère on arrive à préciser les zones stables (S) et instables (U). La particularité de cette méthode est d’ˆetre très peu coˆuteuse en temps de calcul. Yih (1967) [Yih67] est le premier à proposer une étude sur la stabilité de l’écoulement bicouches avec deux fluides newtoniens de viscosités différentes, pour des écoulements de Couette et de Poiseuille plan. L’analyse s’effectue dans le domaine des grandes longueurs d’ondes. Les instabilités qui se développent dans l’écoulement sont attribuées à la différence de viscosités entre les deux fluides. Yiantsios et Higgind [SY88] généralisent les résultats de Yih pour des écoulements de Poiseuille avec des fluides newtoniens de viscosités différentes, mais en envisageant cette fois des longueurs d’ondes quelconques. Les résultats confirment les travaux de Yih. Concernant des fluides non-newtoniens, la méthode générale de résolution est la mˆeme – Pour les fluides visqueux, Water et Keeley [NW87] montrent que la dépendance de la viscosité au taux de cisaillement affecte les conditions de stabilité : quel que soit le cas – 33 – Etude bibliographique étudié, la stabilité est diminuée, si le fluide le plus rhéofluidifiant est aussi le moins visqueux. Khomami [Kho90] retrouve les mˆemes résultats dans le cas particulier d’un comportement visqueux en loi puissance. – Pour les fluides viscoélastiques obéissant à une loi d’Oldroyd-B, les mˆemes auteurs montrent que l’élasticité peut rendre l’écoulement stable ou instable mais il apparaît que l’écoulement est toujours stable si une des deux couches est beaucoup plus épaisse que l’autre. Su et Khomami [YS92a] retrouvent les mˆemes résultats. P. Laure et al. [LMD+97] ont abordé la stabilité linéaire sur des écoulements bicouches ou tri-couches. Ils utilisent les équations d’Oldroyd-B. Cette étude a permis de mettre en évidence l’importance du rapport des viscosités, le rˆole de l’élasticité et du rapport des élasticités sur l’instabilité de l’interface. Le profil de vitesse a une influence sur la stabilité de l’interface. Lorsque le profil de vitesse est convexe l’écoulement est réputé plus stable. Lorsque le profil de vitesse n’est pas convexe, nous avons toujours une instabilité. D’autres travaux menés par Chen en 1991 [KC91] sur des écoulements axisymétriques, et par Su et Khomami [YS92b] pour des écoulements de Poiseuille considèrent que l’élasticité est la cause d’instabilités interfaciales. Plus récemment, Valette a effectué une étude bicouches entre deux polymères viscoélastiques avec une loi de comportement de White-Metzner [RVF01]. Il montre que l’élasticité est un facteur déterminant dans l’étude de la stabilité des écoulements de coextrusion (figure 2.14). Ces études prévoient si l’écoulement est stable ou instable pour des ondes quelconques et en fonction du rapport de viscosité et d’élasticité. Si l’écoulement est instable, on ne connaît pas l’amplitude de l’instabilité. Un écoulement de coextrusion instable pourra apparaître stable expérimentalement parce que les instabilités sont de faible amplitude d’o`u la nécessité d’une étude de stabilité convective.
1 Contexte de l’étude |