Étude multi-échelle du comportement thermo-hydro mécanique des matériaux cimentaires
Modélisation du comportement Thermo-HydroMécanique à l’échelle mésoscopique
Le matériau béton est un milieu poreux ouvert partiellement saturé en eau dont la microstructure présente un caractère aléatoire et fortement hétérogène à différentes échelles d’observation : du nanomètre (échelle des composants de base de la pâte de ciment) au centimètre (échelle représentative des gros granulats). L’échelle mésoscopique considérée dans ce travail correspond à l’échelle à partir de laquelle les inclusions de taille caractéristique inférieure à 5 mm (gravillons, sable, fines…) et la pâte de ciment hydraté peuvent êtres considérées comme une matrice homogène (mortier) dans laquelle sont enchâssés les gros granulats (de taille caractéristique supérieure au seuil de 5 mm). Cette discrimination des échelles est relativement arbitraire. Cependant, elle est réaliste car, en terme de changement d’échelle, elle correspond au passage du mortier au béton. Elle est également motivée par la méconnaissance du rˆole de la morphologie et distribution des gros granulats sur le comportement thermo-hydro-mécanique (THM) des bétons, en particulier sur les mécanismes de l’écaillage. Pour cette modélisation à l’échelle mésoscopique, l’ensemble du milieu occupe un domaine Ω (Fig.2.1) qui est subdivisé en deux sous-domaines Ωm et Ωi correspondant, respectivement, à la matrice et aux inclusions. Leurs frontières extérieures sont désignées respectivement par Σm et Σi , avec Σ = Σm ∪ Σ i étant la frontière du domaine Ω = Ωm ∪ Ω i . En outre, la frontière interne, correspondant à l’interface matriceinclusion, est notée Σm−i . La dimension caractéristique du domaine Ω étudié doit être plus grande que la taille d’un volume élémentaire représentatif (VER) du béton. Grondin et al. [57, 56] ont = + Figure 2.1 — L’ensemble du milieu. montré que la dimension caractéristique L du VER doit satisfaire le critère L/dmax ≥ 4 o`u dmax est la taille du plus gros granulat. Cette exigence a été montrée aussi bien pour des propriétés élastiques que pour des propriétés de transfert. En effet, sous cette condition les valeurs homogénéisées du module Young et de la perméabilité intrinsèque restent sensiblement stables. Il est à noter que ce critère reste dans l’intervalle de valeurs L/dmax ≥ 3 ∼ 6 mis en évidence dans les travaux [12, 41] sur le comportement des matériaux quasi-fragiles. La matrice est décrite comme un milieu poreux ouvert partiellement saturé en eau et est modélisée par une approche thermo-hydro-mécanique. Les inclusions sont considérées comme inertes hydriquement et une modélisation thermo-mécanique est adoptée. En effet, les inclusions ont en général un faible réseau poreux connecté et une faible saturation initiale. La modélisation THM consiste à représenter la matrice comme un squelette solide occupant le domaine Ωs et un réseau poreux connecté de domaine Ωp (Fig. 2.2). La porosité φ m du système, ratio de volume de pores |Ω p | au volume total de la matrice |Ω m| est alors définie : φ m = |Ω p | |Ωm| (2.1) Ainsi, le volume de pores et le volume de squelette solide par unité de volume de matrice sont respectivement φ m et 1 − φ m. Par ailleurs, le degré de saturation en eau liquide peut être introduit : Sl = |Ω p l | |Ωp | = φ m l |φm| (2.2) comme étant le ratio du volume d’eau liquide |Ω p l | au volume total des pores. Ainsi, le volume d’eau liquide et le volume de gaz (partie complémentaire) par unité de volume de matrice sont respectivement Slφ m et (1 − Sl) φ m. Le mélange gazeux est constitué d’air sec et de vapeur d’eau. Cette modélisation permet de suivre l’évolution dans le temps et la répartition spatiale des variables décrivant l’état du milieu, tels que les champs de pression pπ avec π = v, a, g, l (o`u ces indices correspondent respectivement à la vapeur, l’air sec, le mélange gazeux et le liquide) dans la matrice, de température T et de déplacement u dans l’inclusion i et la matrice m.
Modélisation thermo-hydrique à l’échelle mésoscopique
Dans un premier temps, les formes locales des équations de conservation sont présentées. Il s’agit des équations de conservation de masse des différentes phases (squelette solide et phases fluides) et de l’équation de conservation de l’énergie de l’ensemble du milieu poreux. La formulation faible du problème aux limites est ensuite présentée suivie de la discrétisation spatio-temporelle pour construire le modèle élément fini associé. Enfin, le traitement particulier des conditions aux limites de convection de masse est présenté au vu de l’algorithme itératif de résolution adopté. Pour cela, le comportement hydrique des inclusions (domaine Ωi ) reste marginal, un modèle thermique est donc considéré comme suffisant pour décrire leur comportement dans le béton. La matrice (domaine Ωm) est alors le seul siège du transport de masse des espèces fluides. Par ailleurs, une interface matrice-inclusion (Σm−i ) parfaite est adoptée, préservant la continuité du champ de température entre les deux phases, tandis que les flux de masses qui traversent cette frontière sont nuls. Enfin, l’effet de la déformation du squelette solide sur le problème de transport est négligé du fait du cadre des petites perturbations quasi-statiques.
Modélisation thermo-hydrique de la matrice
Le modèle thermo-hydrique pour la matrice partiellement saturée (domaine Ωm) se base sur un ensemble d’équations de conservation de masse et d’énergie de chaque constituant du milieu : squelette solide, eau liquide, vapeur d’eau et air sec. Ces équations de conservation sont complétées avec un ensemble approprié de relations constitutives qui permettent de réduire le nombre de variables d’état indépendantes [46, 50, 47, 30]. Dans la suite, l’ensemble complet des équations d’équilibre sera présenté. Les équations du modèle sont données en termes des variables d’état retenues. Dans cette approche, il s’agit de la pression d’air sec pa, de la pression de vapeur pv et de la température T. Le choix retenu simplifie la prescription des conditions aux limites en termes de concentration d’air sec et de vapeur dans le champ lointain environnant. Il est à préciser qu’un choix alternatif à ces variables est (pc, pg, T), avec pc et pg étant, respectivement, la pression capillaire et la pression de gaz
Equations de conservation
Les équations de conservation peuvent être obtenu en utilisant la procédure de moyenne spatiale des équations de conservation microscopiques, écrites pour les composants individuels du milieu. La théorie est basée sur les travaux de Bear ,Gray & Hassanizadeh , Gray & Schrefler [54] et Lewis & Schrefler [81]. Pour des raisons de clarté de la présentation, seules les formes finales des équations de conservation macroscopiques sont présentées [111, 81, 47, 122]. En négligeant les effets de la déformation du squelette solide, les équations de conservation de masse pour le domaine Ωm s’écrivent : ∂ms ∂t = ˙mdehyd (2.3) pour la phase solide de la matrice, ∂ml ∂t + ∇ · (mlvl−s) = −m˙ vap − m˙ dehyd (2.4) pour l’eau liquide, Chapitre 2. Modélisation du comportement Thermo-Hydro-Mécanique à l’échelle mésoscopique 65 ∂mv ∂t + ∇ · (mvvv−s) = ˙mvap (2.5) pour la vapeur, et : ∂ma ∂t + ∇ · (mava−s) = 0 (2.6) pour l’air sec, avec mπ est la masse de la phase π par unité de volume du milieu poreux (π = s pour le solide, π = l pour le liquide, π = v pour la vapeur, π = a pour l’air sec) : ms = (1 − φ m) ρs , ml = ρlSlφ m , mv = ρv (1 − Sl) φ m , ma = ρa (1 − Sl) φ m (2.7) dans lequel ρπ est la masse volumique correspondante, φ m est la porosité de la matrice et Sl est le degré de saturation en eau liquide dans les pores, la partie complémentaire du volume de pores étant remplie par le mélange gazeux. Ces équations tiennent compte des changements de phase dus à la déshydratation , des phénomènes d’évaporation et de condensation [81]. Un terme source, correspondant au taux de masse de déshydratation ˙mdehyd ( ˙mdehyd < 0) et au taux de masse d’évaporation ˙mvap, sont donc considérés. En outre, les vitesses vπ des fluides sont décomposées en composantes relatives afin de décrire le transport de masse, au sein du réseau poreux, incluant les phénomènes de perméation et de diffusion dus, respectivement, aux gradients de la pression et de la concentration. Ces décompositions sont données par : vl = vs + vl−s , vv = vs + vg−s + vv−g , va = vs + vg−s + va−g (2.8) o`u vs, ici négligée, est la vitesse de la phase solide, vπ−s est la vitesse relative de l’eau liquide (π = l) et du mélange gazeux (π = g) par rapport au squelette solide et vπ−g est la vitesse de la vapeur (π = v) et de l’air sec (π = a) par rapport au mélange gazeux (air humide). Dans ce qui suit, l’équation conservation de masse de la phase solide (2.3) est substituée pour expliciter l’évolution de la porosité dans les autres équations de conservation des masses des fluides selon : ∂φm ∂t = − m˙ dehyd ρs (2.9) o`u la densité de la phase solide ρs est supposée être constante. Il est à noter que l’équation (2.9) est strictement locale, car l’effet de la déformation du squelette solide sur la porosité est négligé dans le cadre des petites déformations adoptées. Afin d’éliminer le terme source d’évaporation ˙mvap, les équations de conservation de l’eau liquide (2.4) et de la vapeur (2.5) sont sommées pour obtenir l’équation d’équilibre de la masse totale de l’eau mw [81] : ∂mw ∂t + ∇ · (mlvl−s + mvvv−s) = −m˙ dehyd (2.10) avec : mw = ml + mv (2.11) En ce qui concerne l’équation de conservation de l’énergie, en considérant que les phases sont en équilibre thermique entre elles et en combinant le premier principe de la thermodynamique avec les équations de conservation de la masse et de la quantité de mouvement (Schrefler et al. [47, 48, 81, 111]), la conservation de l’énergie pour l’ensemble du milieu poreux (matrice de domaine Ωm) donne : X π (mπCπ) ∂T ∂t + X π (mπCπvπ)·∇T + ∇ · q = −Hvapm˙ vap + Hdehydm˙ dehyd (2.12) o`u Hvap et Hdehyd sont les enthalpies de vaporisation et de déshydratation et q est le vecteur flux de chaleur. Par ailleurs, le terme : X π=s,l,v,a (mπCπ) = ρ mC m p (2.13) correspond à la capacité thermique de l’ensemble du milieu poreux et le terme : X l,g π (mπCπvπ) = mlClvl−s + mgCgvg−s (2.14) traduit le transfert convectif de la chaleur dans le réseau poreux avec Cπ étant la chaleur spécifique de chacun des constituants. Ainsi, on peut mettre l’équation de conservation de l’énergie sous la forme suivante : ρ mC m p ∂T ∂t + (mlClvl−s + mgCgvg−s)·∇T + ∇ · q = −Hvapm˙ vap + Hdehydm˙ dehyd (2.15)
Equations constitutives
Equations d’état des fluides
L’eau liquide est considérée comme incompressible. Sa masse volumique dépend seulement de la température : ρl = ρl (T) (2.16) La vapeur, l’air sec et le mélange gazeux sont considérés comme des gaz parfaits, ce qui donne (π = v, a, g) : ρπ = Mπ RT pπ (2.17) o`u pπ est la pression, Mπ la masse molaire et R la constante universelle de gaz. En outre, la pression et la masse volumique du mélange gazeux peuvent être reliées aux pressions partielles et aux masses volumiques des constituants par la loi Dalton : ρg = ρv + ρa , pg = pv + pa (2.18) ce qui donne : Mg = Ma + (Mv − Ma) pv pg (2.19) Equilibre Liquide – Vapeur ´ En supposant que le processus d’évaporation se produit sans dissipation d’énergie, c’est-à-dire, que l’eau liquide et la vapeur ont des enthalpies libres égales, on obtient l’équation généralisée de Clausius-Clapeyron : pv = pvsexp µ Mv ρlRT (pg − pc − pvs) ¶ (2.20) o`u pc est la pression capillaire : pc = pg − pl (2.21) introduite pour le milieu poreux et pvs est la pression de vapeur saturante. L’équation de Clausius-Clapeyron permet ainsi de réduire le nombre de variables d’état indépendantes en donnant une relation entre la pression du liquide et celle de la vapeur tout en tenant compte de la capillarité dans le mieux poreux. Flux de masse Selon la décomposition des vitesses (Eq. 2.8), les flux de masse peuvent s’exprimer explicitement : Jl−s = mlvl−s = −K ρlkrl µl ∇pl (2.22) Jv−s = mvvg−s + mvvv−g = −K ρvkrg µg ∇pg − Dρg MvMa M2 g ∇ µ pv pg ¶ (2.23) Ja−s = mavg−s + mava−g = −K ρakrg µg ∇pg − Dρg MvMa M2 g ∇ µ pa pg ¶ (2.24) Jw−s = mlvl−s + mvvg−s + mvvv−g = Jl−s + Jv−s (2.25) Dans les équations ci-dessus, o`u les lois de Darcy et de Fick sont introduites , K est la perméabilité intrinsèque, krπ est la perméabilité relative qui rend compte de la cœxistence du mouvement du liquide et du gaz, µπ est la viscosité dynamique, D est la diffusivité et Mπ est la masse molaire. Pour le mélange gazeux, le flux de masse Jπ−s avec π = v, a , se décompose en un flux correpondant à l’écoulement de Darcy (mπvg−s), contrˆollé par la vitesse barycentrique du gaz vg−s et en un flux correspondant à la diffusion [69] de Fick (mπvπ−g) de chaque constituant dans le mélange de gaz, contrˆolé par le gradient de concentration de ce constituant. Flux de chaleur Dans l’équation de conservation de l’énergie (2.15), le processus de conduction de la chaleur dans le milieu poreux peut être décrit par la loi de Fourier qui relie la température au flux de chaleur comme suit : q = −λ m (Sl , T) ∇T (2.26) Chapitre 2. Modélisation du comportement Thermo-Hydro-Mécanique à l’échelle mésoscopique 69 o`u λ m (Sl , T) est la conductivité thermique effective de la matrice. Elle dépend de la température et du degré de saturation. Isotherme de sorption-désorption Résoudre les équations présentées vise à déterminer la distribution spatiale et temporelle de la température, les masses des constituants et des pressions correspondantes dans le milieu poreux. En introduisant les équations constitutives précédentes, le problème à résoudre, à cette étape, contient comme inconnues principales (Sl , pv, pa, T) ou alternativement (Sl , pc, pg, T). Cet ensemble est réduit par l’introduction d’une relation explicite supplémentaire: Sl = Sl (pc, T) = Sl (pv, pa, T) (2.27) qui est l’isotherme de sorption-désorption, décrivant la rétention de l’eau par le milieu poreux du fait de sa microstructure : distribution des tailles de pores et effet de la capillarité. En utilisant cette relation complémentaire, l’ensemble des inconnues se réduit alors davantage à (pv, pa, T) o`u un choix est fait ici pour retenir les variables d’état (pv, pa) au lieu de (pc, pg) ou (pl , pa).
Modélisation thermique des inclusions
Selon l’hypothèse précédente dans laquelle les effets hydriques sont négligés pour les granulats, un modèle thermique pur est adopté pour le comportement des inclusions. Pour cela, l’équation standard de la chaleur est considérée pour le domaine Ωi : ρ iC i p ∂T ∂t + ∇ · q = 0 (2.28) o`u ρ i est la masse volumique des inclusions, C i p (T) est la chaleur spécifique des inclusions qui dépend de la température et prend en compte certaines transformations chimiques qui se produisent dans des agrégats chauffés. Il est à rappeler que ces transformations ne se manifestent qu’à partir d’une température seuil de 500◦C (cf. § 1.3, chapitre 1). Par ailleurs, le vecteur flux de chaleur q est donné par la loi de Fourier : q = −λ i (T) ∇T (2.29) avec la conductivité thermique dépendant uniquement de la température λ i (T). 70 2.2. Modélisation thermo-hydrique à l’échelle mésoscopique
Conditions aux limites
Le problème thermo-hydrique global consiste à déterminer la température T et les champs de pression pv et pa, satisfaisant les équations de conservation (2.6), (2.15), (2.10) et (2.28) dans les domaines Ωm et Ωi , avec les conditions aux limites et aux interfaces suivantes . 1 o`u Σ• • est la partie de la frontière extérieure à laquelle la variable (température, pression) est connue, tandis que Σ • • est la partie complémentaire (avec la normale extérieure d’unité n) à laquelle les flux (chaleur, masse) sont imposées, qπ sont les flux imposés, ρ ∞ π avec π = v, a, respectivement, T∞ sont les masses volumiques de vapeur et d’air sec, respectivement, la température dans le champ environnant lointain. Le coefficient hg, respectivement hT , est coefficient d’échange de convection de masse, respectivement de convection d’énergie [81]. L’émissivité est notée ² et σ est la constante de StefanBoltzmann. Le symbol [[•]] indiquent le saut d’une grandeur à l’interface. En plus, les conditions initiales pv (x, t = 0), pa (x, t = 0), avec x ∈ Ω m, et T (x, t = 0), avec x ∈ Ω, sont également à préciser, o`u x est le vecteur des coordonnées spatiales. Il est à noter que la condition d’interface (2.) sur les champs hydriques traduit que les flux de masse et donc d’advection de chaleur ne peuvent traverser des inclusions. Par ailleurs, la condition (Eq. 2.) exprime la nature parfaite de l’interface Σm−i .
Introduction |